• Un formidable élan de solidarité qui confirme l'excellence des relations tuniso-libyennes…et la joie de fêter la fin de deux dictatures ! Eclairages. Plus de 200 familles libyennes, selon les estimations du ministère de l'Intérieur, auront passé l'Aïd El Kébir dans nos murs. Soit un chiffre inédit, affirment ces statistiques faites sur la base du mouvement des entrées et sorties enregistré ces derniers jours sur nos frontières aériennes, terrestres et maritimes. C'est que ces familles, contrairement à des centaines d'autres rentrées précipitamment au bercail à leurs risques et périls, ont préféré vivre la fête du sacrifice en Tunisie où sont réunies les conditions de stabilité et de paix, mais aussi où les racines de la solidarité sont profondément ancrées. Eclairages. Les Libyens apprécient… Une fois l'Aïd passé, nos frères et sœurs libyens n'auront sans doute pas à regretter de l'avoir fêté parmi nous. Là où, loin du climat d'insécurité qui règne encore dans leur pays, ils s'en sont donné à cœur joie. En témoignent les propos des membres d'une famille libyenne que nous avions approchés le jour de l'Aïd du côté de l'Ariana. Leur doyen «Am Brahim» (76 ans) raconte: «J'ai dû me résoudre à prolonger le séjour de ma famille en Tunisie étant donné l'anarchie qui prévaut encore dans ma ville natale de Syrte où mon domicile, m'a-t-on appris, a été bombardé, outre le fait, non moins dramatique, que la vie y est totalement paralysée, pour ne pas dire coupée du reste du monde. Mon frère qui réside à Tripoli a, lui aussi, fui la ville en venant se réfugier chez un ami tunisien basé à Gabès. Alors, que me reste-t-il là-bas en Libye? Rien, absolument rien». Sa femme Aïcha est non moins émue. «Ma sœur a été tuée à Syrte. Mon frère est porté disparu, et tous les biens et économies de la famille se sont évaporés. Heureusement qu'une amie tunisienne habitant à l'Ariana nous a porté secours. Son aide, je ne l'oublierai jamais, quand on sait qu'elle a accepté avec son mari de nous prendre en charge, en refusant même notre cotisation pour l'achat du mouton de l'Aïd». Et d'ajouter, après avoir écrasé une larme : «J'ai eu une sensation d'une rare émotion en ce premier Aïd que je passe loin de mon pays. Le jour du sacrifice, je me suis levée tôt le matin pour m'installer dans la cuisine aux côtés de mon amie tunisienne qui, gaie et accueillante, m'a lancé tout de go : ne te dérange pas. Va te reposer et fais comme chez toi. Et c'est avec toutes les peines du monde qu'elle m'a laissée préparer le kanoun pour le méchoui. Cela, même ma sœur ne l'a pas fait avec moi». Mosbah, son fils unique, 19 ans, a été plus entreprenant, en participant à l'opération d'égorgement du mouton de A jusqu'à Z. Le barbecue, c'est lui aussi qui s'en est chargé. «Non, c'est un Aïd pas comme les autres», nous lance-t-il, un large sourire sur les lèvres, avant d'indiquer, l'air cette fois plus sérieux : «Je me sens renaître, car si je n'avais pas échappé de justesse à une attaque des ‘‘katayeb'' au mois de juin dernier, je n'aurais pas vécu cet Aïd. Tant pis pour…Mouammer (Ndlr : Gueddafi) et qu'il aille au diable». Logés et nourris aux frais de la princesse, Mosbah et les siens ne pouvaient rêver mieux. Eux qui, pas ingrats pour un sou, ne tarissent pas d'éloges et de qualificatifs pour débiter leurs marques de reconnaissance envers «ce peuple en or qui demeurera un exemple inimitable de sagesse, de solidarité et de modestie». Le sud «se libyanise» Loin de l'Ariana, c'est le sud tunisien qui a connu, à l'occasion de l'Aïd El Kébir, la plus grande invasion libyenne, avec une affluence qu'on dit record sur plusieurs villes, notamment celles de Gabès, Djerba, Zarzis, Médenine et Ben Guerdane. Çà et là, un extraordinaire élan de solidarité a uni des familles des deux pays qui se sont spontanément côtoyées et vite tutoyées pour fêter ensemble la…fin de deux dictatures !