Par Abdelhamid Gmati Le déplorable sit-in imposé cette semaine par un groupe de salafistes, empêchant les activités de la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités à la Manouba, était motivé par la revendication d'autoriser le port du niqab et d'aménager un espace de prière dans l'établissement universitaire. Rappelons simplement que le ministère de l'Enseignement supérieur interdit le port du niqab aux élèves, étudiants, enseignants et fonctionnaires de tous les établissements scolaires et universitaires (notamment dans l'enceinte des cours et des examens) et rappelle que les étudiants sont tenus de décliner leur identité à l'entrée des établissements. Mais là n'est pas notre propos. Pourquoi le niqab, ce voile qui couvre tout le visage à l'exception des yeux et qui vient de certains pays du Moyen-Orient? La première vice-présidente de l'Assemblée constituante, membre du mouvement Ennahdha Mme Meherzia Labidi Maïza, s'est exprimée, en 2010, contre le niqab et la barbe estimant dans sa «lettre ouverte à mes sœurs qui portent le voile intégral» (présente sur le Net actuellement et relevée entre autres par des journaux électroniques) que de telles pratiques sont «recommandées par l'éthique islamique authentique» et que le port du niqab pour les femmes ou celui des kamis ou de la barbe pour les hommes contribuent à «restreindre la vision et la lecture de l'Islam à un seul et unique uniforme» et sont l'expression d'une «vision qui renonce à la raison, à la culture et à la diversité, qui a fait la richesse de l'Islam». «S'appuyant sur des hadiths du Prophète où il dit : «Un sourire adressé à votre prochain est l'équivalent d'une aumône», elle se demande comment mettre en œuvre un tel enseignement si l'on avance le visage caché. On s'interroge alors sur les raisons qui incitent certaines femmes à porter cet accoutrement. Ne pas tenter les hommes (les mâles)? Au contraire, ce qui est caché attise l'intérêt, la curiosité voire la convoitise et même le rejet et la haine. Certains diraient que si elles ne veulent pas être vues comme femmes, elles peuvent mieux atteindre leur but en restant tout simplement chez elles. Les Tunisiennes, vêtues de pantalons, robes ou mini-jupes ont rarement été agressées dans la rue. Au contraire, c'est depuis que les barbus évoluent impunément que les agressions contre les femmes se sont multipliées. Et comme cela a été attesté, utiliser la religion pour contrôler et restreindre les libertés des femmes est un non-sens. Il y a lieu aussi de s'interroger sur ce phénomène qui fait que périodiquement, une polémique est lancée à propos des femmes alors que les vrais problèmes se trouvent ailleurs. Veut-on faire diversion? L'émancipation de la femme dérange-t-elle et est-elle à l'ordre du jour? Sous la pression, même les femmes actives et œuvrant sur la scène politique et sociale, se montrent inquiètes et craignent une remise en question du Code du statut personnel. Pourtant ce texte, résultat de nombreuses luttes, fait partie des principaux acquis de la Tunisie indépendante. Et il n'est pas question de céder sur les acquis nationaux qui font notre fierté. Certes la revendication d'inclure ce code dans la future Constitution est légitime et doit être prise en considération par la Constituante. Histoire de le mettre à l'abri définitivement de toute altération. Au contraire, il y a des lacunes et autres aberrations à corriger. Entre autres, s'occuper sérieusement du sexisme, des inégalités (salaires, emplois...), de la violence, verbale ou physique, faite aux femmes, rien que parce qu'elles sont femmes. Les hommes et les femmes ne sont pas pareils, heureusement. Mais il faut qu'ils soient égaux, en droits, en devoirs et en libertés. Le fait qu'une femme passe du rouge à lèvres ou mette une mini-jupe ne fait pas d'elle une femme de mauvaise vie ou une provocatrice et ne la rend pas responsable des éventuelles agressions qu'elle peut subir. A l'inverse, une femme portant le hijab ou le niqab (dans les endroits permis) n'est pas une sainte ou une nonne et ne doit pas être diabolisée. La femme tunisienne est une composante essentielle de la société tunisienne. Elle est concernée par tous les problèmes de la Tunisie et contribue, au même titre que l'homme, au développement du pays. Elle affiche un taux honorable d'instruction, et a une présence importante dans la vie active, comme en médecine (42%), en pharmacie (72%), dans la magistrature (28,9%), etc. Sans parler de l'agriculture où une grève des femmes aurait des conséquences plus que fâcheuses. Alors, arrêtons de considérer la femme comme une entité à part. Et disons à toutes les femmes, nos compagnes, nos complices, nos amies, celles qui nous sont proches et les autres, de toutes conditions, de tous âges, dans toutes leurs fonctions et identités : « Femmes, je vous aime... ».