• Etienne Tshisekedi, candidat malheureux qui s'est proclamé chef de l'Etat, espère que la communauté internationale entreprendra une médiation pour régler la crise KINSHASA — L'opposition congolaise va appeler à des marches pacifiques en début de semaine à travers la RDC pour protester contre la réélection du président sortant Joseph Kabila aux dépens de son champion, Etienne Tshisekedi. Ce dernier, un ancien Premier ministre de Mobutu avant de devenir l'un de ses adversaires les plus implacables, s'est proclamé vendredi chef de l'Etat dans les heures qui ont suivi l'annonce officielle de la réélection de Joseph Kabila. Le «Sphinx de Limete» — son surnom, tiré d'un des quartiers de Kinshasa où il est très populaire — espère que la communauté internationale entreprendra une médiation pour régler la crise, a indiqué hier son porte-parole, Albert Moleka. «Nous insistons pour dire que les manifestations seront non-violentes. La population sait que ce sera un très, très long processus mais elle y est prête», a-t-il dit à Reuters. Le calme a globalement prévalu hier à Kinshasa, mégapole d'une dizaine de milliers d'habitants située le long du fleuve Congo, malgré des informations signalant des tirs sporadiques d'armes à feu. La ville est quadrillée par l'armée et la police, et les communications SMS sont suspendues dans tout le pays, vaste comme quatre fois la France. Selon le directeur de la police nationale, le général Charles Bisengimana, quatre détenus ont été abattus hier matin lors d'une tentative d'évasion d'une prison kinoise. «La situation est calme, la vie reprend son cours normal et les gens vaquent à leurs occupations», a-t-il dit par téléphone en réponse à une question sur la sécurité dans l'ensemble de la République démocratique du Congo. Le porte-parole d'Etienne Tshisekedi a déclaré s'attendre à une implication plus importante des pays occidentaux et africains dans la recherche d'un règlement de la crise. Des contacts, a-t-il dit, ont déjà été noués avec certains gouvernements. Samedi, des heurts entre militants de l'opposition et forces de sécurité avaient éclaté, faisant au moins un mort. Des coups de feu ont éclaté dans plusieurs villes, notamment dans la capitale. Des accrochages entre manifestants et forces de sécurité ont éclaté ailleurs, faisant au moins un mort à Kananga, chef-lieu de la province du Kasaï oriental, selon les Nations unies. Incidents à Bruxelles et Londres L'annonce, vendredi soir, des résultats a eu des répercussions jusqu'en Belgique, l'ancienne puissance coloniale, où une manifestation de partisans de Tshisekedi a dégénéré vendredi soir à Bruxelles. A Londres, 143 personnes manifestant contre Joseph Kabila ont été interpellées samedi après des violences. Selon la Commission électorale indépendante (Ceni), le président sortant a remporté près de 49% des voix et Etienne Tshisekedi plus de 32% des suffrages. Les résultats du scrutin du 28 novembre doivent maintenant être ratifiés par la Cour suprême. L'opposant a qualifié les résultats de «véritable provocation» et a fait savoir qu'il se considérait comme le président élu de la RDC. Selon la mission d'observation du Centre Carter, les résultats publiés sur le site de la Ceni mettent en doute la fiabilité du scrutin. «On ne peut pas de manière naturelle obtenir de tels résultats. Il n'y a pas autant de personnes bien portantes motivées pour aller voter à l'unisson», indique David Pottie, responsable de la mission Carter. Dans la région de Monono, dans la province méridionale du Katanga, la participation atteint ainsi 100,14% et Kabila récolte 99,98% des voix. Un responsable de la Ceni a annoncé que la commission allait enquêter sur certains résultats, ajoutant néanmoins qu'il fallait s'attendre à un large soutien en faveur du chef de l'Etat sortant. Le scrutin du 28 novembre, le premier organisé par les autorités congolaises depuis la guerre civile de 1998-2003 qui a fait plus de cinq millions de morts, était censé ramener la stabilité dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde malgré d'immenses richesses minières et agricoles.