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Rien ne vaut un régime de retraite par répartition Entretien avec le secrétaire général adjoint de l'Ugtt, chargé de la couverture sociale, de la santé et de la sécurité au travail
Toute réforme doit porter sur le long terme et s'attaquer aux causes réelles, notamment la croissance économique et le rythme de la création d'emplois « D'abord, il convient de préciser qu'on évalue tout régime de retraite sur la base de sa capacité à assurer un niveau critique de sécurité sociale » relève M Ridha Bouzriba, secrétaire général-adjoint de l'Ugtt, chargé de la couverture sociale de la santé et de la sécurité du travail. En effet, il faut garantir un « un socle minimum» de protection social pour chaque citoyen, notamment une pension de retraite et une assurance maladie. La Tunisie applique depuis toujours un régime de retraite par répartition. «Ce régime assure une couverture sociale dès le jeune âge, même avant la naissance, jusqu'après le décès », précise le SG, adjoint. Ce régime, « humain » selon la centrale ouvrière, repose sur la solidarité entre les générations. D'ailleurs, les cotisations versées par les salariés actifs sont immédiatement réparties entre les retraités. De ce fait, les services rendus, l'équilibre financier, et éventuellement la pérennité de ce régime sont largement tributaires des fondamentaux économiques et des indicateurs sociaux. A l'heure actuelle, avec l'augmentation de l'espérance de vie des tunisiens à 74 ans, la cadence soutenue des départs à la retraite et le faible rythme de l'emploi, les deux caisses de sécurité sociale souffrent d'un déséquilibre financier grandissant. Et, selon les prévisions de la centrale, et d'autres études, l'année 2014 annoncera les couleurs d'une longue et douloureuse crise des deux caisses sociales. « Cette situation est la résultante des effets néfastes de l'adoption des politiques libérales qui ont affaibli le tissu économique », précise-t-il. En effet, la privatisation féroce des entreprises publiques a engendré des vagues consécutives de licenciements et de départs à la retraite anticipée. D'où une perte sèche en recettes pour les caisses et une accélération des dépenses en pensions de retraite. De même, la recherche de profit, de compression des charges et de flexibilité a favorisé le recours à une main-d'œuvre précaire à bas prix. Ainsi, ces bas salaires engendrent une fuite d'une partie des cotisations vers les comptes des entreprises de placement de personnel et d'intérim. Cette fuite est accentuée, sur un autre plan, par les fausses déclarations de la majorité des opérateurs de professions libérales. « Mieux encore, les comptes des caisses affichent de gros volumes de créances douteuses, dont le recouvrement est quasi impossible», renchérit-il. Certaines entreprises débitrices ont tout simplement fermé leurs portes. Outre la dégradation des recettes, les fonds disponibles ont été employés dans des investissements peu ou pas rentables. Face à une telle situation, les autorités ont mis en place des solutions à effet limitées, à savoir reporter l'âge de départ à la retraite à plus de 60 ans, augmenter les taux de cotisations ou la baisse des pensions. «Ces solutions ne font que retarder de quelques mois le déficit des caisses», précise M Ridha. Et d'ajouter «Les réformes et les études portent sur le long terme et doivent traiter les vraies causes». Dans ce cadre, les réformes doivent s'articuler sur le renforcement de la capacité de création d'emplois dans le secteur public et privé. De facto, les nouvelles cotisations alimenteront les recettes et réduiront tout risque de déficit financier. «Sans oublier la rationalisation des dépenses et des investissements », ajoute le responsable. Un mariage contre nature « Il est inconcevable de s'aventurer sur le marché financier avec les fonds des travailleurs », insiste le SG adjoint. Ce modèle individualiste ne permet pas d'assurer une pension de retraite à tous. Ce régime de retraite par capitalisation repose sur l'épargne volontaire des actifs en vue de leur retraite. M Ridha illustre : « Si au cours d'une carrière de 35 ans, le travailleur cotise par 35 mensualités, et que son épargne rapporte le double de sa mise. Arrivé à l'âge de retraite, les 70 mensualités ne suffisent que pour 5 ans. ». Et de préciser «Dans les temps où on est le plus vulnérable on risque de perdre notre couverture sociale ». Pis encore, vu la volatilité des marchés financiers, on peut tout bonnement perdre les fonds placés en Bourse. « Du coup, tout le monde est perdant de ce mariage contre nature », résume le SG. Ce mariage pose plusieurs problématiques quant à sa mise en œuvre. Dans le cas où il fera l'objet d'une cotisation additionnelle obligatoire, ce régime alourdira la charge des entreprises et limitera le pouvoir d'achat des travailleurs. Et dans le cas où une partie des cotisations sera affectée à ce régime, la baisse conséquente des recettes des caisses accélérera le déficit financier du dispositif en place.