L'article 98 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale constituante restera gravé dans les annales de l'ANC comme celui de la discorde, de la division et celui ayant provoqué la décision du chef du groupe parlementaire d'Ennahdha, Sahbi Attig, de donner l'ordre à ses troupes de se retirer de la séance plénière. Un retrait intervenu en signe de protestation contre la manière avec laquelle le Dr Mustapha Ben Jaâfar donnait la parole aux constituants, qu'il jugeait totalement partiale, au profit des constituants de l'opposition, d'une part, et contre le comportement de ces mêmes opposants, d'autre part, qu'il considère comme inacceptable. Jeudi 19 janvier 2012, la grande salle abritant la séance plénière de l'ANC a vécu, en effet, un événement sans précédent lors de la discussion du fameux article 98, consistant en le retrait des constituants d'Ennahdha qui ont décidé de suspendre leur participation aux travaux de la séance, appelant à la relecture des dispositions de l'article à voter, dans la mesure où «le brouhaha les a empêchés de prendre connaissance convenablement de sa nouvelle formulation avant qu'il ne soit soumis au vote», comme le souligne Habib Khedher, l'un des constituants les plus en vue de l'Assemblée. Et le représentant d'Ennahdha de préciser encore : «Nous avons quitté la salle lors de la présentation de l'article 98 pour une raison fondamentale : les accusations injustes lancées par les membres de l'opposition contre Ennahdha sans que le Dr Ben Jaâfar, président de la Constituante, ne réagisse ou les appelle à la retenue, faisant comme si de rien n'était. Et comme les cris au sein de la salle se poursuivaient, empêchant nos constituants d'écouter les éclaircissements du président de la commission, le chef de notre groupe a demandé la parole mais il n'a pas réussi à faire entendre sa voix et nous avons compris que l'ambiance n'était plus propice à la poursuite de notre présence. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous retirer». «Une réunion s'est tenue hier matin entre le chef du groupe Ennahdha, Sahbi Attig, et le Dr Mustapha Ben Jaâfar et on est parvenus à dépasser l'incident qui est considéré comme clos. Pour nous, c'est une page qui est tournée et nous aspirons à continuer à travailler avec l'ensemble de toutes les composantes de la Constituante en vue d'édifier ensemble la nouvelle République», tient à préciser Habib Khedher. Un temps de parole équitable Comment les autres constituants ont-ils réagi à la décision du groupe d'Ennahdha de se retirer et comment évaluent-ils la méthode avec laquelle le Dr Mustapha Ben Jaâfar gère la répartition de la parole entre les intervenants ? «Nous avons déjà fait remarquer que le président de la Constituante n'était pas équitable en matière de répartition du temps d'intervention entre les différents constituants, favorisant les membres de l'opposition qui parlaient à volonté, tandis que ceux d'Ennahdha et d'Al Aridha étaient interrompus régulièrement sous le prétexte que le temps qui leur était imparti est épuisé, alors qu'ils n'ont pas réussi à placer deux phrases», confie un constituant de la Pétition. Il ajoute : «Malheureusement, le Dr Ben Jaâfar a échoué dans sa direction du débat, ce qui a provoqué la décision des membres d'Ennahdha de se retirer, outre les attaques injustes dont ils étaient l'objet de la part de l'opposition. Nous préconisons que le président de l'ANC donne la parole aux constituants avec équité, dans l'attente de la formation des groupes». Quant à Mouldi Riadhi, chef du groupe des constituants relevant d'Ettakatol, il est convaincu que l'incident est clos suite à la réunion tenue, hier matin, entre le Dr Ben Jaâfar, Sahbi Attig, chef du groupe d'Ennahdha, et lui-même au nom d'Ettakatol, en présence de la première vice-présidente de l'Assemblée, Mme Meherzia Laâbidi. «Ainsi, l'équivoque est levée et l'Assemblée a repris ses travaux, dans un esprit de consensus et de coordination, dans l'objectif d'accélérer la discussion et l'adoption du règlement intérieur et de préparer la séance-dialogue que la Constituante tiendra avec le gouvernement sur la situation sociale et sécuritaire dans le pays, qui se tiendra lundi ou mardi prochains», souligne-t-il. Il est à préciser que la séance du vendredi après-midi a été marquée par l'annulation de l'article 115 bis relatif à l'organisation d'une séance-dialogue, tous les quatre mois, avec le gouvernement, sur la politique financière et son contrôle en présence du gouverneur de la Banque centrale. Les articles 81 et 82 bis relatifs à la suspension des travaux des séances plénières à chaque prière, à raison de 15 minutes, et d'une heure pour la prière du vendredi, ont suscité une vive discussion entre partisans et opposants, ce qui a poussé le président de la séance à reporter leur examen définitif, à la fin de la séance plénière, dans le sens de leur révision, de leur adoption ou de leur annulation. Les dispositions de l'article 98 Au cas où l'un des membres de la Constituante ne respecterait pas le règlement de déroulement des séances plénières, le président de la séance peut lui adresser un avertissement après l'avoir convoqué dans son bureau. Au cas où il persisterait dans son comportement, il peut lui couper la parole. S'il n'obtempère pas à la décision du président de la séance, il peut l'inviter à quitter la salle tout au long de la séance. S'il persiste, la séance plénière peut, sur proposition de son président, prendre la décision de l'interdire de séances, dont le nombre sera fixé à la majorité des présents. (Traduction de la rédaction)