Comme beaucoup de délégations, les habitants de Mechrawa (Aïn Draham) vivent dans des conditions de dénuement extrême. L'habitat est très précaire. Des familles entières vivent dans des taudis d'une seule pièce construits avec de la boue et des pierres sans porte ni fenêtres et doivent braver un froid rude et âpre en hiver. Pas de télévision, pas de réseau téléphonique, pas d'eau potable. Les habitants vivent totalement coupés du monde. Parce qu'ils n'ont pas d'eau, ils doivent se rendre plusieurs fois à la source pour étancher leur soif, alors que l'eau pullule de microbes. «Ici de nombreux habitants souffrent de problèmes de reins», observe un vieux paysan de la région. Pourtant, plusieurs d'entre eux n'ont jamais consulté un médecin de leur vie car il n'y a pas de dispensaire dans cette bourgade hostile située à des centaines de kilomètres de la capitale. On meurt à cause de l'absence de soins. Les enfants, pas plus haut que trois pommes, quittent avant l'aube le domicile familial et traversent les sentiers sinueux à travers la forêt, afin de parcourir les kilomètres qui les séparent de l'école. «119 enfants étudient ici. Quand ils arrivent, ils sont morts de froid et de fatigue. Certains débutent le cours avec un ventre creux, explique une institutrice. Beaucoup de choses manquent dans cette école. Mais le plus grave est que cet établissement se trouve dans un tel état de délabrement qu'il risque de s'effondrer sur les élèves». Pas de terrain de sport, pas de club de lecture, théâtre ou peinture non plus....Les enfants confectionnent eux-mêmes leurs jouets pour ne pas sombrer dans l'ennui. Amers, les adultes au chômage végètent quotidiennement dans l'un des rares cafés du patelin, à l'affût d'une offre d'emploi qui pourrait les sortir de leur quotidien routinier et insipide. «Des familles entières vivent sans revenu fixe, relève une femme habitant la région. Aucun habitant n'a un emploi stable. Ici les hommes et les femmes sont tous des agents temporaires. Ils travaillent au petit bonheur la chance. Nous vivons de nos produits agricoles. Parce que ma fille devait se rendre d'urgence à Tunis, j'ai dû vendre une de mes poules pour lui payer son billet». Cette pauvreté n'a pas laissé insensible un groupe de jeunes du Croissant Rouge qui, avec la collaboration de l'artiste Nour Chiba, ont créé l'association Oueld Bledi pour tenter, par leurs propres moyens, de sortir la zone de son isolement. Un CD de chansons dédiées aux habitants de cette zone vient de sortir dans les bacs. et les revenus découlant de la vente ont été intégralement reversés à l'association afin d'apporter des aides à la région. Une caravane a été organisée, le 18 janvier dernier, par les membres de l'association qui ont distribué 150 kits alimentaires, 100 matelas, 200 couvertures, et jouets aux habitants et enfants de la région. Ces derniers n'ont pu cacher leur joie à la vue de ces jouets et c'est, les yeux écarquillés d'émerveillement, qu'ils ont assisté au show du clown et du magicien organisé dans leur école. «Nous sommes une dizaine de personnes avec l'artiste Chiba à avoir participé à cette caravane, a souligné Yassine Chagrani, responsable de la communication du Croissant Rouge. Nous comptons multiplier ce type d'initiative et toucher d'autres zones aussi pauvres que celles-ci pour leur apporter des aides. Les conditions de vie sont dramatiques dans ces régions. Nous les aidons avec ce que nous pouvons et espérons que d'autres personnes rallient notre cause et mettent la main à la pâte. Il reste que des mesures urgentes doivent être prises par les autorités pour désenclaver ces régions».