Quelle justice transitionnelle pour un pays qui s'est engagé sur la voie de la transition démocratique ? Cette question a été au centre de l'atelier de travail organisé, hier, sur le thème suivant : «L'approche de la société civile dans la mise en place d'un cadre juridique pour la justice transitionnelle en Tunisie». Présent à cet atelier, M. Samir Dilou, ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, a souligné que si la révolution a mis fin à la dictature, elle a ouvert la porte à la construction de la démocratie, relevant que le nouveau gouvernement doit faire face à plusieurs défis, dont celui de la réussite de la phase de transition démocratique. La révolution, qui a permis de rompre avec l'héritage de l'ancien régime, a révélé la soif de justice qui anime toutes les franges de la société, a souligné le ministre. Poursuivant ses propos, M. Dilou a affirmé qu'à l'instar de tous les pays qui se sont engagés sur la voie de la transition démocratique, le pays est appelé à mettre en place un système de justice transitionnelle afin de résoudre les problèmes liés à la corruption, de poursuivre en justice les auteurs des crimes et autres dépassements liés à la période de la dictature et de réparer les dommages d'ordre matériel et moral subis par les victimes. L'intervenant a souligné, à ce propos, que le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle et la société civile sont appelés à collaborer pour instaurer un système de justice transitionnelle, ajoutant que le ministère ne prévoit pas de faire cavalier seul mais de travailler avec la société civile. Et cela en mettant à sa disposition la logistique nécessaire afin de mener à bien le processus de mise en place de la justice transitionnelle : ce qui englobe divers aspects : judiciaire, sécuritaire, médiatique... «Le ministère des Droits de l'Homme doit constituer un guichet unique pour tout ce qui a trait aux droits humains et à la justice transitionnelle. Il offrira un cadre de concertation entre la société civile et les divers acteurs», a affirmé le responsable gouvernemental. Prenant la parole, M. Amor Safraoui, avocat de profession, a mis l'accent sur le fait que malgré l'urgence de la situation, le gouvernement continue à montrer une certaine lenteur quant à la réhabilitation des droits des martyrs et des personnes qui ont subi la torture sous l'ancien régime. Le coordinateur a, par ailleurs, relevé que l'instauration de la justice transitionnelle doit incomber essentiellement à la société civile, appelée à proposer une feuille de route comportant des recommandations pour la mise en place des mécanismes liés à ce système. Intervenant à son tour, M. Habib Nassar, directeur du programme Moyen Orient et Afrique du Nord au Centre international de la justice transitionnelle a affirmé, lui aussi, que l'instauration de la justice transitionnelle doit être l'aboutissement d'une concertation fructueuse entre la société civile et le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, et non émaner d'une action unilatérale de ce dernier. «La Tunisie va vivre sa propre expérience en la matière. Elle va construire son propre système qui, s'il réussit, servira sûrement de modèle pour d'autres pays». De son côté, M. Abdelbasset Ben Hassan, président de l'Institut arabe des droits de l'Homme, a appelé à associer monsieur tout le monde à la réflexion sur la justice transitionnelle, relevant que l'Institut a organisé une conférence sur la justice transactionnelle dont les recommandations « devraient être prises en compte lors des prochaines conférences et ateliers de travail qui seront organisés sur ce thème », ajoutant que la prochaine conférence sera organisée à la fin du mois en Egypte. Le ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle ne doit pas oeuvrer seul à l'instauration d'un système de justice transitionnelle, a renchéri de son côté M. Chafik Sarsar, directeur du département des sciences politiques de la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis. Il devra plutôt réfléchir à mettre en place un cadre de concertation entre la société civile et les divers intervenants et faciliter la tâche de la société civile et des divers acteurs, en mettant à leur disposition les ressources et la logistique nécessaire. «Le ministère doit pouvoir coordonner les efforts des divers intervenants de la société civile, d'autant plus que trois groupes d'associations veulent jouer un rôle dans la conception et la mise en place du système de justice transactionnelle». Suite au débat, des groupes de travail ont été constitués pour discuter des divers volets liés à la question de la justice transitionnelle et émettre des recommandations qui serviront de base à l'élaboration d'une feuille de route.