De notre envoyé spécial à Lyon Anis SOUADI Le forum francophone préparatoire à Rio+20 a placé la communauté internationale devant sa responsabilité historique. Une responsabilité qui repose essentiellement sur la mise en place d'un nouveau modèle de croissance, la promotion de l'économie verte, la préservation de l'équilibre des écosystèmes, la garantie d'un développement global et durable. Le tout dans l'optique d'assurer le bien-être à toutes les populations, actuelles et futures. Tout le monde en convient: le bilan de l'Agenda 21, adopté lors du premier sommet de la terre à Rio en 1992, reste décevant et ne reflète aucunement la gravité des enjeux auxquels est exposée l'humanité. Un constat désolant, comme le souligne M. Denis Sassou-N'guessou, président de la République du Congo, lors de la séance inaugurale, tenue le 8 février en présence de MM. Mahamadou Issoufou, président du Niger, Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, le représentant du secrétaire général des Nations unies et Jean-Pierre Raffarin, représentant personnel du président français.A cette époque là, il était question d'éradiquer la pauvreté, de renforcer le rôle des travailleurs et des agriculteurs. Il était question d'une nouvelle vision du commerce et de l'industrie, de transfert des techniques et des technologies écologiquement rationnelles, de coopération et de création de capacités nouvelles. Aujourd'hui, 20 ans après, qu'est-ce qui a changé? Quelles promesses ont été tenues et quels engagements ont été respectés? Le président congolais est plutôt catégoriques: «Peu, j'ai le regret de le constater, peu par rapport aux enjeux. Nous constatons justement que nous n'en prenons malheureusement pas encore la voie, car englués dans nos contradictions, dans nos paradoxes, dans nos atermoiements et nos refus délibérés». Il est vrai, en effet, reconnaît le haut responsable, «que nous n'arrivons pas à nous départir de cette vision binaire où l'économie et l'environnement sont antagonistes alors que nous savons tous que si nous ne parvenons pas à coupler ces deux termes, ce n'est pas une civilisation qui disparaîtra, mais toute trace de civilisation». Toutefois, pour le président congolais, «il y a actuellement une certaine conscience que notre planète est réellement en danger. Une conscience qui peut favoriser l'émergence d'un nouvel humanisme. C'est pour cette raison d'ailleurs, note-t-il, que «l'Afrique considère Rio+20 comme une occasion supplémentaire susceptible de permettre à l'humanité de placer réellement, concrètement et définitivement le développement durable au cœur de ses priorités. Elle va ainsi au forum avec conviction et sans espoir». On reconnaît justement que le consensus africain pour Rio+20 est construit sur la nécessité de promouvoir pour notre continent un nouveau modèle de développement plus ouvert et plus soutenable et qui prenne appui sur l'économie verte comme moyen de parvenir au développement durable. D'un autre côté, le président estime que la déclaration de l'Afrique sur Rio+20 constate également les retards et les défaillances de la communauté internationale dans la tenue des engagements liés à la réalisation du développement durable. Il s'agit surtout de l'engagement des pays développés d'allouer 0,7% de leur PIB aux pays en développement dans le cadre de l'aide publique au développement, l'adoption d'une solution équitable et durable sur la dette des pays en développement en vue de son annulation totale et de l'accroissement des flux de financement, et la nécessité de mettre en œuvre les plans de Bali et de Johannesburg relatifs à l'appui technologique. Un fonds mondial vert Il s'agit également de la mise en application des accords de Copenhague et de Cancun sur les financements accélérés supplémentaires, notamment la création d'un fonds vert auquel les pays en développement auraient directement accès. En somme, le président congolais estime que l'Afrique et le reste de la communauté internationale doivent aujourd'hui reprendre le même chemin, car ils partagent les mêmes objectifs et les mêmes ambitions. Une espérance difficile à réaliser, du moins pour le moment, car, comme le souligne M. Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, «jamais la conscience de vivre dans un monde unique, dont nous ne pouvons sortir rapidement pour trouver ailleurs des solutions, n'a été aussi forte, ni aussi partagée. Egalement, je crois que jamais l'enchevêtrement des intérêts, l'expression des besoins, le désir de préserver des acquis n'ont été aussi intenses, aussi complexes, aussi difficiles à analyser et à démêler. Jamais le risque d'incohérence n'a été aussi constant, ni aussi pesant». Et les causes en sont connues. De plus, la crise économique et financière favorise la montée des égoïsmes et des réflexes de survie, augmentant la vulnérabilité de nombreuses communautés, des plus démunies aux plus développées. Les inégalités se creusent au sein des pays et des régions, mais également entre régions et continents, nourrissant les incompréhensions entre des collectivités pourtant rapprochées par les moyens de communication et d'information. Ce qui est réellement désolant pour le secrétaire général, c'est que «la communauté humaine, réunie dans un système multilatéral bientôt centenaire, a bien défini des objectifs d'intérêt commun et a bien obtenu une adhésion globale à ces objectifs. Mais elle échoue toujours à arrêter les dispositions qui permettront d'atteindre effectivement ces objectifs ». De ce fait, il est nécessaire aujourd'hui de «reprendre inlassablement ces problèmes pour inventer de nouvelles méthodes, valider de nouvelles approches, imaginer de nouveaux dispositifs ». C'est le cas du thème de l'économie verte et des emplois verts. Sans parler de la mise en place d'une organisation mondiale de l'environnement. De telles ambitions sont tout à fait légitimes, car les pays qui n'ont pas encore atteint le niveau de développement des pays les plus avancés, ont le droit d'exiger un niveau de bien-être équivalent, d'offrir à leurs populations les mêmes capacités de réalisation personnelle et d'épanouissement. D'où ce besoin de transformer les pratiques des pays avancés et de trouver de nouvelles façons de maintenir ce niveau de bien-être et d'épanouissement de manière beaucoup moins dispendieuse. Le secrétaire général se félicite d'ailleurs du fait que des pays émergents, avec toutes leurs contraintes, toutes leurs ambitions, travaillent cependant à orienter leur développement dans une direction compatible avec les ressources dont la terre dispose, favorisant ainsi une consommation responsable, respectueuse du capital naturel. Aujourd'hui, il estime qu'il est du devoir de la Francophonie de continuer à participer à ces efforts de réflexion, d'information, de formation et de diffusion des bonnes pratiques.