• La galerie Ammar-Farhat à Sidi Bou Saïd multiplie les manifestations à thèmes. L'exposition actuelle (jusqu'au 29 février) réunit deux artistes qui planchent sur le «zhaz», ou trousseau de mariage. Mohamed Ben Soltane et Héla Lamine, figures de la jeune génération, ont exposé ensemble en 2008, ils remettent le couvert et attaquent avec bonheur et sans distance un exercice amusant : le zhaz, ou le trousseau de mariage. Il faut croire que des affinités les lient, une entente aussi, hasard ou intention délibérée, ils se marient cette année, chacun de son côté; elle, en septembre, lui, en août. Autant dire qu'ils vivent au quotidien les mêmes attentes, les mêmes angoisses et peut-être le même tracas. Ceux qui connaissent le stress des préparatifs du mariage, des achats et les inévitables désaccords entre les couples découvriront le sujet sous sa forme artistique. Satirique ? Pas tant que ça, affirme le duo sur un même ton. 18 œuvres de Ben Soltane intitulées les unes en anglais; les Big yellow, Dyptik yellow ou Medium yellow, il ose même un Don't love, une entorse pour quelqu'un qui s'approche de son union, mais l'artiste s'autorise la transgression, des titres en français, bureau 1 et 2, A table, Douche, Horizon... et en arabe Chrita ou Hazan Ilfarch, la peinture est souvent sur tissu vichy constellé de motifs qui annoncent le sujet : l'amour. Au fond de la toile, des cœurs, des fleurs, des étoiles, etc. Et pour aller vivement dans l'exercice, l'artiste a choisi des sujets ad hoc, un déjeuner, une douche, un lit pour deux, un pendoir (chrita), un tabouret, une couverture, etc. Le travail est soigné au détail près, des personnages stylisés sur un fond coloré, Aïcha Gorgi, gérante de l'espace, affirme que l'artiste se rapproche des personnages de son père, on partage peu la comparaison, on sera plus gratifiant en prenant l'œuvre dans son ensemble qui fait plutôt de l'œil à Jean Dubuffet dans sa période l'Hourloupe. Un lit adossé en hauteur sur le mur, le fond est bleu et bleu clair, des personnages blancs, en couples qui batifolent, s'y dégagent une ambiance de fête, une nuit nuptiale qui invite à l'amusement et la fantaisie. Un tablier de cuisine en tissu, des personnages minuscules sur fond rougeâtre, un diptyque sur fond rose à carreau, le vinyle Tati n'est pas loin et toujours des personnages animés. L'art au quotidien A notre avis, Mohamed Ben Soltane prend plus d'assurance dans sa démarche, les lignes sont plus affirmées et les sujets mieux traités. Héla Lamine expose moins de tableaux, plus sages dans l'approche, hormis sa robe de mariée d'une audace saisissante. Des bouts de papiers griffonnés, des mots volés, des messages doux sont accolés sur le mannequin représentant l'heureuse, ça donne un effet de plissé, de traîne qui capte l'œil et pique la curiosité. Par ailleurs, on apprécie ces petits formats dans l'actualité du mariage, des couverts en bois sur une table exécutés minutieusement, un univers domestique auquel elle se prépare probablement, un calendrier, pense-bête qui va de janvier à décembre 2012, truffé de missions (ou de corvées ?) à accomplir, jour x pour les achats, jour y pour des rendez-vous et tout est l'avenant, le plus amusant —Héla nous l'apprend— c'est que se sont de vrais rendez-vous liés à la préparation de son mariage. Curiosité supplémentaire et hasard surprenant, la période de l'expo coïncide avec celle de la Foire du meuble. Pour la découverte et les achats du zhaz, allez voir celle-ci, pour réfléchir sur les aspects sociologiques du mariage, philosopher et même s'amuser sur le phénomène, prenez le chemin de Sidi Bou Saïd.