Commencer une saison picturale par des œuvres déjà vues ici et ailleurs, c'est un peu regrettable. En effet, dès notre entrée à la Galerie, nous découvrons des créations déjà aperçues au Printemps des Arts de la Marsa, à la Galerie Médina puis à la Galerie Mille Feuilles. Face à nous, l'œuvre de Mohamed Ben Slama qu'on avait pu apercevoir l'année dernière pour son exposition « Contre-temps » ici même. Toujours avec ses personnages singuliers, mystérieux et inquiétants, son humour critique puisé dans son âme d'enfant, font de ses œuvres un véritable témoignage caustique de la société avec « Géant » ou « Boîte noire ». Puis un peu plus à droite tout juste après les quelques marches de la galerie, le monde coloré et spatial de Samir Makhlouf. Nés de son imagination, les sujets a priori banals, mais combien mis en valeur, prennent place au sein de la peinture et expriment leurs états d'âme. L'artiste se fait alors petite souris rasant les murs ou grand oiseau survolant le ciel et les observent sous un angle qui lui est propre. Architecte de formation, il puise son inspiration autour de lui, dans la rue, au détour d'un chemin ou d'une conversation, en prêtant attention aux gens, en se remémorant les petits bonheurs de la vie, telle qu'on la vit, telle qu'on aimerait qu'elle soit… probablement. A notre gauche, le ready-made d'Ymen Berhouma tout droit inspiré de l'urinoir de Duchamps, là ce sont des dragées installées dans des petites toilettes. L'œuvre qui peut prêter à sourire est intitulée « ça va chier ». Les peintures d'Ymen, composées de techniques mixtes et de papier marouflé sur toiles, de fond gris ou rouge, comme un travail d'introspection, font part de « Mauvaises rencontres ». Elle croque des silhouettes qu'elle noie dans la matière. Et la place de ses personnages dans sa peinture ne peut être alors que la leur. Tout se joue dans la matière de ses collages de journaux, d'affiches tachées de rouille, altérées par la succession des saisons pour lesquelles « Rien ne se perd, tout se transforme ». Oussama Troudi, toujours très minutieux dans son exécution s'est amusé à reprendre au crayon, tout comme pour une étude, les cimaises de Kanvas lors d'une exposition de 2008 et dessiner une œuvre de Nabil Souabi et de Mohamed Ben Slama. Omar Bey, lui, s'est amusé à maroufler du papier sur palettes en bois, plaqué sur une surface certainement dédiée à l'extravagance et à la narration, elles ne sont pas sans nous rappeler l'univers carcéral. Ses sujets donnent au tableau toute sa profondeur, et peut-être (qui sait ?) toute sa raison d'être… :« Easy rider », « Le diable au pays des merveilles » ou « Vital labyrinthe ». En revanche, on découvrait les peintures figuratives de Mehdi Bouanani. Danseur et danseuses classiques figées dans le brouillard. L'œuvre intitulée « statues » donne une vision de l'homme contemporain, partagée entre les stéréotypes portés par la pub ou le web. Le tout associé à un cadrage photographique et à un œil de dessinateur. Mohamed Ben Soltane toujours aussi caustique, s'amuse à divulguer des messages au travers de ses dessins. A croire que les toilettes sont en vogue, « World pipi record » les met sur un piédestal. Et ses dessins toujours « humains », tout comme ses installations continuent à nous faire poser de multiples questions. Le dessin devient prétexte pour éloigner la contrainte des apparences, pénétrer dans les méandres de l'existence, trouver ce qui transgresse le modèle et envahit les délimitations dans l'à peu près et l'aléatoire. Sa démarche révèle un esprit discrètement, mais vigoureusement habile, qui utilise certains thèmes de la société pour s'orienter vers l'imperceptible dans lequel s'immerge la réalité. Noutayel sculpte et soude pantins et autres animaux. Des lignes obliques et verticales viennent fragmenter ses sculptures en « Sphinx » « Renard » ou « Bob ». C'est cette exquise folie de la mémoire qui semble charmer harmonieusement l'artiste: tout en stries, griffes ou traces inattendues et inopinées du métal. Nadia Jelassi s'approprie Ronaldo, le footballeur, à travers un triptyque qui représente trois chaises ; sur l'une d'elles repose un ballon. A défaut de chaises musicales, saura- t- elle choisir la bonne ? Enfin, Hela Lamine pour la plus originale dans sa manière de procéder, scanne toutes sortes de choses pour souligner ici et là un univers gustatif visuel : « Reine des Reinettes détrônée (pour cause de calvitie) », « Chignon frisé sur sa torsade de langoustine sauce béarnaise ». Elle arrive à défier le cosmos, et pour avoir cette puissance de métaphore, il est nécessaire de constituer un sens, un réseau de signification, d'interprétation, d'ironie et d'humour. Hela Lamine refait les recettes et les partage avec aisance. Avec finesse, elle requestionne les modes de visions collectives et probablement tous ses titres pompeux que l'on peut lire dans les grands restaurants. C'est certainement une façon de rendre compte de l'état de vibration de chacun où les titres qui accompagnent les scannographies en véhiculent la fiction… jusqu'au 16 octobre.