Les clubs d'élite changent d'entraîneur comme on change de chemise. Pour quel résultat ? Les remaniements techniques, phénomène récurrent et désormais familier et coutumier, font désormais partie de la culture (la «sous-culture», en fait) du foot national. En cette saison post-révolution, dans les conditions particulières que traverse le sport-roi (huis clos, tarissement des sources de financement, renouvellement des instances avec l'AG élective de la FTF), on va probablement battre tous les records en matière de limogeages, remerciements, séparations à l'amiable, évictions… et tous les usages langagiers conduisant à un même résultat. S'il est profondément banalisé par la force de la répétition excessive (plusieurs clubs en sont déjà à leur troisième ou quatrième entraîneur de la saison), le phénomène n'en invite pas moins à quelques réflexions. Inflation et mauvaise gestion Par le jeu de l'indemnisation des techniciens limogés, le phénomène se révèle coûteux pour des clubs qui ne sont pas loin de la banqueroute. On sait qu'un entraîneur remercié bénéficie généralement de deux à trois mensualités d'indemnités. Cela n'est pas sans grever des budgets affectés par le tarissement des sources de financement. Les clubs professionnels viennent de souffler un peu en bénéficiant de 60 mille dinars (pour ceux de Ligue 1) et de 30 mille (pour ceux de L2) sur les droits TV. Déjà, on a suffisamment dilapidé de l'argent public dans des frais excessifs et des salaires disproportionnés par rapport à la qualité du travail entrepris et au spectacle proposé. En fait, ce processus d'inflation touchant le cadre technique pose la question du choix, au départ s'il a été mûrement réfléchi. Recrute-t-on sur le nom, le profil et le CV d'un entraîneur, ou plutôt sur un projet qu'il propose et dont il trouve un large écho auprès de son employeur. Cela renvoie en même temps aux conditions de travail offertes : infrastructure d'entraînement, effectif disponible, relations avec les dirigeants… Pour un résultat hypothétique Le résultat n'est pas souvent garanti. On a beau évoquer le fameux choc psychologique, mais cette métamorphose est d'autant plus hypothétique que l'on n'échappe pas systématiquement à une courbe négative par le seul effet de Flen qui vient remplacer Felten. On navigue à vue Y a-t-il au bout du compte une politique sportive suivie par les clubs, pros ou amateurs? Certes, la fonction de directeur sportif commence à se généraliser. On y recourt de plus en plus. Cependant, dans les faits, cela ressemble toujours à une navigation à vue. La planification et la réflexion sont les qualités les moins partagées par les clubs. Pas besoin de s'expliquer On limoge à tour de bras, sans devoir aucune explication aux supporters. On n'apprend ainsi rien d'intéressant ni sur le comment ni sur le pourquoi. Tout au plus, concède-t-on une allusion aux résultats qui ne suivent pas et au fond de jeu qui ne décolle pas. Il en sera ainsi tant que les clubs gèrent le volet sportif et technique avec une insouciance déconcertante et avec une légèreté qui jure avec les devoirs inhérents à un secteur de plus en plus présent dans la vie des Tunisiens.