Alors que les travaux de rédaction du texte de la nouvelle Constitution prennent leur rythme de croisière au niveau des commissions, on évoque de nouveau certains projets qui, il y a quelque temps déjà, ont été présentés aux constituants. C'est notamment le cas du projet élaboré par la Haute instance présidée par le Professeur Yadh Ben Achour. La rédaction de ce texte, qui circule actuellement sur Internet dans sa version originale, en langue arabe, a commencé assez tôt, dès la fin du mois de janvier 2011, alors qu'il n'y avait pas encore de Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, mais seulement une «Commission de la réforme politique», comme le rappelle M. Ghazi Ghraïri, l'un des auteurs du texte en question. A ce moment-là, on ne savait pas encore que les élections seraient pour élire une assemblée constituante : «Le texte devait servir dans tous les cas de figure». Ce projet de Constitution, qualifié par le professeur Ghraïri de «hautement démocratique et de hautement libéral», a donc été mis à la disposition de l'Assemblée constituante et, depuis, «certains experts ont été sollicités et cela continue». M. Yadh Ben Achour, qui a présidé également la Commission constitutionnelle à laquelle on doit la rédaction du texte, s'est lui-même rendu trois fois à l'Assemblée constituante pour présenter, devant une commission chaque fois différente, la partie du texte qui correspond au domaine de cette dernière: «J'ai fait un exposé devant la Commission des droits et des libertés, devant la Commission du préambule et des principes généraux et, mercredi dernier, devant la Commission des instances constitutionnelles». M. Ben Achour précise à ce propos que les constituants dans les commissions sont bien plus attentifs que dans les séances plénières et que l'échange n'a rien de formel. Quels sont les éléments phare de ce projet ? Pour M. Ben Achour, il y en a deux : d'abord, la création d'une Cour de justice de l'Etat, qui regroupe la Cour constitutionnelle, la cour administrative et la cour financière : «Elle représentera un fort contre-pouvoir face à l'Etat !». M. Ghraïri le rejoint sur cette idée, mais en précisant qu'il met davantage l'accent sur le contenu que sur le contenant : sur les trois cours qui composent la Cour de justice de l'Etat plutôt que sur cette cour elle-même. Autre élément : la «déclaration tunisienne des droits de l'Homme», dont Yadh Ben Achour rappelle qu'elle figure dans le texte même, et non dans le préambule, et en même temps au premier chapitre. Mais l'intéressé ajoute d'autres points : l'abolition de la peine de mort ou, d'une façon plus générale, et selon une expression qui a la préférence du professeur Ghraïri, «le droit à la vie»... L'égalité entre hommes et femmes, en particulier pour ce qui est du statut personnel : «Nous avons été fermes sur ce point», souligne M. Ben Achour... La lutte contre la corruptio: «Un article oblige à publier les revenus du président de la République, des ministres et autres hauts fonctionnaires de l'Etat »... M. Ghazi Ghraïri ajoute volontiers le thème de la «neutralité de l'administration» et celui des «autorités publiques indépendantes du pouvoir exécutif», à l'instar de l'Instance supérieure indépendante des élections, l'Isie permanente... Certains points devraient par ailleurs constituer un certain sujet d'embarras pour les députés de l'ANC, notamment là où il est question de la religion et de la politique ou de l'interdiction des partis religieux, estime le président de la défunte Haute instance. Ce qui laisse penser que le texte final devrait présenter des différences avec ce projet. Mais, estime l'autre expert, «je suis sûr qu'ils vont puiser dans ce projet... Ne serait-ce que par souci de gain de temps !»