La nature est on ne peut souveraine en ce moment dans toutes les contrées du Nord-Ouest où les prodiges naturels se conjuguent à l'éclat de la lumière pour donner l'impression de la démesure au visiteur à ces hauts lieux de la Tunisie continentale où l'homme paraît même surajouté, tant la nature est totalement grandiose. Eclat de lumière, verdure à perte de vue et grand déploiement des manifestations naturelles printanières : tel est le topo qui marque la vie dans la région du Kef, en particulier dans les campagnes où l'herbe est grasse et les cultures céréalières abondantes. Il va de soi que le visiteur, habitué au cloisonnement et autres rigueurs de la vie citadine, se sentira sans nul doute subjugué et dépaysé à la rencontre d'un tel décor qui rend superflu tout commentaire. Les chercheurs en botanique, qui ont fait de cette Tunisie septentrionale une véritable Mecque pour l'étude de la flore, effervescente et suprême en ce moment, notamment les plantes rares que les dernières pluies, au demeurant abondantes, ont réussi à régénérer, comme les orchidées de type ophrys ou orchis que l'on retrouve au hasard d'une randonnée guidée par un spécialiste en la matière. Les jolis coquelicots, les cyclamens, les hampes florales, le glaïeul de Byzance, ainsi que les immortelles de la Tunisie, sont d'un émerveillement indescriptible. Ces plantes, dont certaines sont recherchées pour leurs vertus médicinales ou leur capacité à enrichir le jardin particulier des amateurs de décor fabuleux, sont autant de prodiges que d'éléments d'ameublement des champs et des forêts de pin d'Alep et des réserves naturelles où, hélas, d'importants dégâts humains ont détruit le grand travail mené par les services forestiers relatifs à l'introduction aussi bien de nouvelles espèces animales que florales. L'enclos de la réserve de Saddine, non loin du Kef, a même été totalement happé par la population qui y voyait, auparavant, une pure et simple interdiction d'accès à ces lieux où les espèces animales locales ont été à plusieurs reprises menacées d'extinction. Avec ses 2.600 ha, la réserve a abrité, il y a plus de trois années la première action d'introduction du mouflon à manchette qui a montré des signes d'adaptation à ces lieux dont il a été chassé deux siècles durant. Le retour de ces bêtes cornues a suscité bien des curiosités auprès de la population, mais la révolution, avec son lot de désordres, n'a pas épargné la réserve qui semble, tout de même, dans un état encore supportable. Avec son musée, la réserve est devenue, depuis sa création, un lieu de fascination pour les amateurs de prodiges naturels. Quand on a appris les coups de tonnerre qui ont émaillé le déroulement de la campagne céréalière il y a près de dix jours, l'on a eu peur des chutes de grêle. Fort heureusement, ce fut plus de peur que de mal, même si quelque 21.200 ha ont subi les caprices de la nature avec les dégâts allant de 10 à 100%. Pour le reste des emblavures, les céréaliculteurs parlent d'une véritable aubaine cette année, en souhaitant que rien ne viendra déranger cette phase d'épiaison qui marque la dernière ligne droite de la campagne des grandes cultures. Les agriculteurs se frottent certes les mains, mais leurs cœurs battent déjà la chamade en pensant qu'ils devront rembourser l'argent qu'ils doivent aux banques. Une dette lourde que le gouvernement n'a toujours pas épongée, aggravant de surcroît l'inquiétude des professionnels du secteur agricole qui attendent toujours un geste salutaire à même de leur permettre de retrouver le sourire.