Par Zouheïr EL KADHI (Docteur en éconimie) Depuis un peu plus d'un an, l'économie tunisienne se trouve paralysée par un climat d'incertitude politique et économique. Et plus le temps passe, plus les plaies économiques deviennent profondes. Alors que la révolution doit porter l'espoir d'un avenir meilleur, la société tunisienne semble tomber dans l'ornière du pessimisme eu égard au rythme auquel évolue l'économie. Il convient donc, au plus vite, de redéfinir objectifs et moyens, en les mettant au service d'une politique économique résolument offensive et mobilisatrice. Le gouvernement en place a récemment présenté son programme économique et social. Mais l'élaboration d'une politique économique ne constitue qu'une partie de la bataille. Les politiques économiques doivent être soigneusement définies, scrupuleusement mises en œuvre et surtout correctement gérées. Mais avant tout, il ne faut pas nous enfermer dans des débats, tels que celui sur la laïcité, qui nous éloignent des objectifs de cette révolution (lutte contre le chômage et la pauvreté, cohésion sociale, développement régional, etc.). L'efficacité d'un gouvernement dépend de son pouvoir de motivation, de la vigueur des débats qu'il organise et des structures organisationnelles qu'il impose. Il est donc urgent que le pessimisme ambiant se voit contrebalancer par un optimisme justifié afin d'éviter l'échec programmé. A cet effet, il convient à tout prix de remettre de la confiance et des projets parce que le désarroi des Tunisiens vient d'une grande confusion entre le but et les moyens. Les décisions doivent être fondées sur une compréhension approfondie et nuancée des freins et des moteurs de la croissance car, au final, une croissance économique durable est sans doute impossible sans un cadre macroéconomique stable. Dès lors, il devient nécessaire de rechercher les conditions nécessaires de l'incontournable stabilité macroéconomique. En effet, une vision macroéconomique envoie des signaux importants au secteur privé sur l'orientation des politiques économiques et sur la crédibilité de l'engagement des pouvoirs publics à gérer l'économie avec efficience. Le climat de stabilité, en facilitant la planification à long terme et les décisions d'investissement, encourage les agents du secteur privé à développer leurs capacités de production. Naturellement, le gouvernement actuel cherche à apaiser le mécontentement populaire par une politique sociale généreuse. Une telle politique, si elle se comprend dans un premier temps, ne devrait pas trop se prolonger au risque d'obérer les finances publiques. Nul doute que l'assistanat n'est pas efficace à terme et ne ferait qu'amplifier le malaise économique que traverse actuellement notre économie s'il devait être maintenu trop longtemps. N'oublions pas que la richesse économique ne se décrète pas et demeure tributaire en grande partie de l'emploi productif. L'intuition courante est qu'une politique sociale de distribution des avantages ne rend jamais ses citoyens plus riches. Une telle politique ne fait, en fait, que redistribuer la richesse déjà créée. D'une manière similaire, des emplois créés et garantis par l'Etat ne sont jamais efficaces et généreront tôt ou tard une hausse d'impôts. Le fait que le gouvernement garantisse un emploi implique que sa rentabilité n'est pas recherchée. Loin d'être un atout, de tels emplois deviennent plutôt un fardeau pour la société car ils peuvent tirer vers le bas notre productivité, déjà trop faible, et décourager l'initiative économique dans notre pays. Il est donc fort à craindre que si les citoyens s'habituent à dépendre de la redistribution, le travail productif ne peut qu'être découragé et la réelle création de richesse en souffrira. L'économie ne pourrait guère résister et se piéger dans une trappe à stagnation au fur et à mesure que le nombre de citoyens dépendants augmente et que le nombre de travailleurs productifs diminue. Un tel scénario pourrait nous engager dans un cercle vicieux infernal : plus de dépendants, plus de dette, moins de croissance, moins d'emplois, plus d'injustices, plus de déficit et plus de dette. Il est de notre devoir aujourd'hui d'éviter un tel scénario. La volonté de tous les tunisiens de faire les efforts nécessaires pour vivre mieux montre que les transformations nécessaires pour y parvenir sont à notre portée. Il nous faut donner à la jeunesse la priorité de toute action publique, parce qu'une jeunesse au chômage est à la fois un frein à notre croissance, une injustice et un terrible gâchis. Nous voulons une société dynamique et compétitive. Nous sommes de l'avis de ceux qui pensent que croître, c'est aussi prendre des risques, et la recherche du risque zéro mène à la réussite zéro ! La réussite passe notamment par une incitation à la recherche, à l'esprit d'entreprise. Quoi qu'on dise, notre pays est confronté à des changements majeurs et ne peut se permettre de se perdre dans d'infructueux débats. Il faut une transformation radicale de la manière avec laquelle l'activité économique est menée dans notre pays. La Tunisie doit devenir une terre d'avenir, fertile à l'investissement où les personnes peuvent créer leurs propres emplois productifs, se prendre en charge et bâtir leur propre destin.