Par Leïla CHIKHAOUI * Tout d'abord, la nécessité d'une régularisation de la situation des assistants contractuels de l'enseignement supérieur ne fait pas l'ombre d'un doute : en effet, soit on prolonge leur contrat, soit on y met fin, mais il est inhumain de les laisser travailler dans l'incertitude la plus totale et surtout sans salaire. Ayant commencé ma carrière en 1990 en tant que contractuelle, j'ai vécu une situation dont je peux parler en connaissance de cause car je n'ai eu de cesse de passer le fameux « concours d'assistanat » pour y remédier et changer de statut ! En outre, je connais également assez bien le système des concours puisque j'en ai passé quelques-uns — parfois plus d'une fois — pour ensuite devenir à mon tour membre de plusieurs jurys de recrutement aux grades d'assistante, de maître-assistante, de maître de conférences et enfin de professeure. Mais de là à s'interroger sur l'utilité de conserver le concours d'assistanat et mettre en doute la qualité des jurys de recrutement, il y a un pas qui ne saurait être allègrement franchi. Les concours de recrutement constituent un outil de démocratie par excellence qui, lors de leur introduction (dans l'administration publique française au XIXe siècle), ont constitué une avancée considérable par rapport au recrutement par cooptation ou clientèle, dans la mesure où ils sont fondés sur le mérite et la mise en concurrence des candidats sur la base de critères objectifs, préalablement publiés dans des textes (en l'espèce, les critères de recrutement des assistants figurent dans des arrêtés publiés au Journal Officiel émanant du ministère de l'Enseignement supérieur sur la base de la loi relative à ce secteur). De plus, il faut savoir que le concours d'assistanat comporte à la fois un examen complet du dossier des candidats (concours dit «sur dossier») et un entretien avec le jury (concours dit «sur entretien») qui fait partie intégrante de la procédure, étant précisé que ce type de concours, incluant en même temps l'étude objective des dossiers par tous les membres du jury, ainsi qu'une épreuve écrite et/ou orale évaluée par un panel de membres de haut niveau, sont généralement considérés beaucoup plus «justes» que les concours sur simples «dossiers» parfois examinés par une seule personne dans le plus grand secret ! Le terme «qualité» constitue en effet le maître-mot de tous les jurys de recrutement des enseignants du supérieur, appelés à former les générations futures. Les membres de ces jurys sont tous passés par de telles épreuves et font preuve de la plus grande probité scientifique dans leurs évaluations des dossiers ou des entretiens : de ce fait, s'il se trouve, par hasard, sur 5 membres, 1 membre indélicat souhaitant faire «passer» un candidat non méritant, les 4 autres sont toujours là pour s'y opposer et exercer leur veto, que même une décision ministérielle ne saurait valider a posteriori ! Bien sûr, il a pu y avoir dans certains cas quelques dépassements, mais des voies de recours existent et ont été exercées : il suffit à cet égard de consulter les arrêts du Tribunal administratif pour s'en convaincre (publiés dans des recueils accessibles au public). Certains suggèrent la révision des critères de choix, mais l'on se demande quels critères il faudrait réviser ? Ceux relatifs aux exigences scientifiques (diplômes des candidats) ? Ceux concernant la qualité de leurs travaux ? Ceux liés à l'évaluation de leurs connaissances le jour de la prestation orale, sachant que dans ce contexte précis, l'épreuve orale est fondamentale vu qu'il s'agit de futurs enseignants appelés à exercer leurs fonctions oralement devant un public extrêmement exigeant : celui de nos étudiants d'aujourd'hui et de demain ? Parmi les propositions avancées figure celle d'« obliger les commissions à remplir tous les postes à pourvoir au titre de l'année en cours (sauf cas particuliers à mentionner) puisqu'il s'agit de postes budgétisés et fixés suite à un besoin direct d'effectifs» : proposition intéressante car le souhait de toute commission de recrutement est de pouvoir renforcer le staff d'institutions qui ont cruellement besoin de compétences ; toutefois, le verbe utilisé — «obliger» — enlève d'ores et déjà toute crédibilité à une commission qui n'aurait aucune possibilité de faire prévaloir la qualité des candidats sur la quantité des dossiers reçus ! Cette exigence de qualité devrait d'ailleurs se généraliser et commencer dès l'école primaire, puisque ce sont d'abord les instituteurs et institutrices qui ont la lourde tâche de donner à nos enfants le goût d'apprendre et de bien faire, raison pour laquelle nous devrions œuvrer à la réhabilitation de cette fonction essentielle dans toutes les sociétés ! C'est parfois avec beaucoup de regret que des candidats ne sont pas retenus alors qu'il reste pourtant encore des postes à pourvoir, mais un certain seuil ne saurait être franchi dans le nivellement par le bas, car cela risquerait de se faire au détriment de nos enfants appelés à recevoir un enseignement au sein de nos établissements d'enseignement supérieur, déjà fragilisés, voire décrédibilisés par les réformes successives qui se sont faites avant tout au détriment de la qualité, et ce, dès les années 1990, lorsque l'on a mis sur un pied d'égalité le coefficient des matières principales (auparavant soumises à une note éliminatoire) avec celui d'autres matières certes importantes, mais non déterminantes du point de vue de telle ou telle formation, telles que le sport ou l'initiation à l'informatique dans des branches de type «littéraire» ! Ceci ne vise certes pas à dévaloriser ces disciplines que je pratique et respecte, mais lorsque l'on pense que de mon temps, nous étions 1.400 en première année, dont seuls une centaine parvenaient à passer en 2e année, etc. ; il y a de quoi être étonné, et si je ne regrette certes pas ce temps-là, peut-être un peu trop élitiste, il me semble que nous ne devrions pas non plus tomber dans l'excès inverse ! Il convient en effet de ne pas perdre de vue le but final de ces concours, qui est de confier l'avenir de nos enfants à des personnes compétentes d'un point de vue scientifique, méthodologique et pédagogique, sachant en outre que la transparence des résultats (notamment illustrée par le classement des candidats retenus par ordre de mérite) est toujours respectée lors de la proclamation des résultats, seuls ceux ayant échoué n'étant pas classés pour des raisons évidentes de discrétion et pour ne pas les décourager dans le futur ! De plus, des entretiens avec les membres du jury sont toujours prévus à l'issue des concours pour permettre aux candidats refoulés de venir s'enquérir des raisons ayant motivé leur refus et recueillir des conseils précieux pour la fois suivante. En conclusion, je me permets de souhaiter que la qualité soit toujours privilégiée au sein de toutes nos institutions d'enseignement, car la démocratie ne saurait se construire au prix d'un laisser-aller et d'une «médiocratisation» de l'enseignement, qu'il soit supérieur, secondaire ou primaire, l'éducation qualitative de nos enfants étant la seule garantie du développement harmonieux des hommes et des femmes de demain. * (Université de Carthage)