• Une peinture chargée d'une intensité chromatique et d'une vitalité gorgée d'une lumière jaillie de la profondeur du regard L'exposition «Regards de femmes» qui se tient du 15 au 31 mai dans l'atelier de l'artiste-peintre Selwa Ben Saïd, sis dans la Médina, au 9, rue Sidi Zahmoul, à Tourbet El Bey, vient à point nommé pour célébrer le Mois du patrimoine, événement majeur et capital qui tend à sauvegarder et protéger l'héritage commun aux Tunisiens, à un moment où il est menacé dans sa survie. C'est dans cette perspective que se situe la louable initiative de l'artiste qui rend hommage aux Tunisiens, femmes et hommes, qui, malgré les tensions, les tiraillements et les déchirements que vit la société, ont bravé courageusement les interdits et l'étroitesse d'esprit d'une minorité décidée et déterminée à aller à contre-courant de l'histoire. Une trentaine de tableaux, des miniatures et d'enluminures composent cette palette ou l'essentiel du sujet. Des créatures de rêve incarnant un idéal de beauté, conçues par l'esprit, vêtues de soie, de satin, de mousseline et de brocart; des étoffes brochées d'or et d'argent habillent ces sylphides, gracieuses, légères et éthérées, qu'on croirait des déesses ou, plutôt, des houris, ces créatures promises par le ciel aux plus fidèles des croyants. Des femmes saisies par le pinceau de l'artiste dans un instant d'abandon, de sérénité et de paix, dans des poses qui évoquent la sensualité, la volupté et les plaisirs de l'amour, drapées qu'elles sont dans la dignité que leur confèrent ces costumes de cérémonie et de grand apparat, sortis pour la circonstance, en prévision d'un événement heureux. C'était justement le cas pour la scène des fiançailles, avec les deux familles nouvellement alliées où le futur marié présentait en dot les cadeaux qui devaient cimenter l'union. La dignité des personnages est reflétée par la gravité, la retenue et la solennité du moment. Le bonheur transfigurait leurs traits de cette lumière à l'état pur, promesse de joies futures. Le souci du détail Peindre des natures mortes chez Selwa Ben Saïd relève d'un talent bien présent à l'évidence. Prendre pour modèle des fleurs et dans son cas des pétunias, des chrysanthèmes, des volubilis, des pivoines et de grandes fleurs colorées et ornementales aux côtés des roses et des lilas, constitue un challenge assez difficile dans lequel elle s'est engagée comme si c'était pour relever un défi. Elle s'en est sortie haut la main. C'est qu'elle a de qui tenir. Sa mère, Sabiha Menchari, fut de son vivant une des toutes premières étudiantes de l'école des Beaux-Arts de Tunis. C'était dans les années quarante. Une autre particularité de l'artiste : le souci du détail, visible dans le dessin du carreau revêtant le mur et servant de motif décoratif. L'appel à un vernis transparent ou opaque est de nature à donner plus d'allant à cette faïence fine. Le paradoxe de la beauté chez Selwa Ben Saïd est qu'elle n'est pas nécessairement visible ou évidente. Pour la saisir dans toute sa luminance et sa plénitude, il faut donc soulever quelques pavés bien ancrés dans la conformité artistique et statique. Dessous, tapie dans l'ombre, la beauté est pourtant là. _____________________ • «Regards de femmes» de Selwa Ben Saïd, Atelier Tourbet El Bey, 9, rue Sidi Zahmoul. L'exposition se poursuivra jusqu'au 31 mai