Il s'agit d'une décision politique difficile, que le gouvernement précédent s'était gardé de prendre : extrader l'ancien Premier ministre libyen qui est retenu sur notre sol depuis que, au coeur de la bataille de Tripoli, il avait pris la fuite et s'était introduit illégalement sur le territoire national. On sait que son arrestation a eu lieu rapidement, en septembre 2011, qu'il a été condamné en première instance à six mois d'emprisonnement pour entrée illégale sur le sol tunisien mais qu'il a été acquitté suite à une procédure d'appel. Cette décision de l'extradition, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, vient de la prendre, comme l'a annoncé hier le ministre de la Justice. Elle coïncide avec la visite parmi nous de l'actuel Premier ministre libyen, M. Abderrahim El-Kib. On attend désormais les derniers détails concernant le transfert de M. Baghdadi Mahmoudi vers la Libye, qui devraient être mis au point de manière concertée entre les autorités tunisiennes et libyennes. On parle des semaines à venir, toujours selon le ministre de la Justice, M. B'hiri. Elément important : des assurances ont été données par la partie libyenne selon lesquelles l'ancien Premier ministre du régime de Gueddafi serait jugé conformément aux normes de l'équité. C'était à vrai dire l'objection qui avait été soulevée à l'époque du gouvernement de Béji Caïd Essebsi : on ne disposait pas alors de telles garanties fiables. Notons d'ailleurs que certaines voix se sont élevées chez nous depuis hier, du côté de la société civile, pour souligner que ces garanties ne sont toujours pas offertes et que des pratiques de torture continuent d'avoir cours dans les geôles libyennes. Il n'en demeure pas moins que les autorités tunisiennes ont estimé disposer des garanties suffisantes pour engager la procédure effective d'extradition, à laquelle elles ne pouvaient à vrai dire s'y soustraire sur le fond, puisque Baghdadi Mahmoudi fait l'objet d'un mandat d'arrêt international et que la nature de la coopération judiciaire entre les deux pays ne s'y oppose pas : «La Tunisie ne sera jamais un refuge pour quiconque représente une menace pour la sécurité de la Libye», a déclaré M. Hamadi Jebali à l'occasion d'un point de presse tenu en compagnie de son hôte et homologue libyen. Rappelons enfin que l'ensemble des procédures légales sont engagées, puisque la chambre d'accusation du Tribunal de première instance de Tunis, seule habilitée à se prononcer sur ce type d'affaire, a été saisie, non pas d'une seule d'ailleurs, mais de deux demandes d'extradition en provenance des autorités libyennes, et ce, conformément à l'article 324 du code de procédure pénale. Il ne reste aujourd'hui plus qu'une dernière procédure pour la mise en oeuvre de la décision... la signature du président de la République ! Quelles que soient les agissements que l'on pourra reprocher à celui qui fut un personnage éminent dans le régime de Gueddafi et au cours même de la lutte menée par l'armée contre les rebelles lors de la révolution libyenne, le procès de Baghdadi Mahmoudi, s'il devait avoir lieu dans les semaines qui viennent, va donner, d'une certaine façon, la mesure du niveau de coopération judiciaire entre ces deux pays voisins que sont la Tunisie et la Libye et, pourquoi pas, au-delà... A suivre donc !