Considérée jusqu'ici comme un fait isolé qui une touche qu'un nombre limité de femmes, la violence basée sur le genre a été reconnue, à travers les différentes conventions internationales, comme une atteinte fondamentale aux droits de l'Homme. En Tunisie, l'Office national de la famille et de la population (Onfp) a diligenté, en 2011, dans le cadre du projet de coopération entre l'Onfp et l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (Aecid), une enquête menée auprès de 4200 ménages qui a concerné 3873 femmes âgées de 18 à 64 ans. Les principaux résultats de cette enquête, qui a eu pour objectif d'identifier la nature et la fréquence des violences fondées sur le genre et d'analyser les effets de la violence sur la santé des femmes, ont été présentés lors de la journée organisée, hier, par le ministère des Affaires de la femme et de la famille (Maff) avec l'appui du Fonds des Nations unies pour la population. Parmi les femmes enquêtées, dont la majorité sont âgées entre 20 et 54 ans, 24,6% sont analphabètes, 31,5% ont le niveau primaire, 9,2% le niveau collège, 21% le niveau secondaire et 13,6% le niveau de l'enseignement supérieur. Afin d'être représentative de l'ensemble des régions, l'enquête a ciblé des femmes originaires du Grand-Tunis ainsi que du Nord, du Centre et du Sud du pays. Parmi les femmes enquêtées, dont la majorité sont âgées entre 20 et 54 ans, 24,6% sont analphabètes, 31,5% ont le niveau primaire, 9,2% le niveau collège, 21% le niveau secondaire et 13,6% le niveau de l'enseignement supérieur. Quatre types de violence ont été identifiés : la violence exercée par un partenaire intime, la violence dans la sphère familiale (par le père, le frère ou un autre membre de la famille), la violence exercée dans le milieu du travail et la violence exercée dans la sphère publique. 47,6% des femmes âgées de 18 à 64 ans ont déclaré avoir subi au moins une fois dans leur vie une des formes de violence évoquées ci-dessus. Le taux de prévalence le plus élevé a été enregistré dans la région du Sud-Ouest où 72,2% des femmes ont subi une agression. Une des questions a, en outre, porté sur la forme de la violence subie par la femme questionnée. C'est la violence physique qui occupe la première place, suivie de la violence psychologique, sexuelle et économique. Il ressort par ailleurs, de cette enquête que la prévalence de la violence est étroitement associée au niveau d'instruction. En effet, les femmes analphabètes ainsi que celles ayant le niveau primaire sont celles qui ont été le plus exposées à la violence. Il y a lieu de noter que d'autres critères conditionnent également la forme de la violence subie. L'enquête a, ainsi, montré que les femmes au foyer sont plus exposées à la violence physique et sexuelle alors que celles qui travaillent subissent plutôt une violence psychologique. Par ailleurs, une des questions a porté sur l'auteur responsable ainsi que sur le lieu dans lequel s'est déroulé l'acte de violence. Le partenaire intime est responsable, dans 68,5% des cas, de la violence physique alors que dans 47.2% des cas, les femmes ont déclaré avoir subi une forme de violence psychologique. Quant à la violence au travail (harcèlement psychologique et sexuel), seulement 6% des femmes enquêtées ont déclaré avoir eu affaire à une de ces formes de violence sur le lieu de travail. L'enquête s'est, d'un autre côté, intéressée à la nature de l'acte violent. Dans 17,4% des cas, la femme a été giflée par son partenaire. Dans 15,1% des cas, les femmes questionnées ont déclaré avoir été poussées par leur partenaire. 9,9% ont été frappées par un objet et 5,9% des cas ont subi des coups de pied. S'agissant de la violence psychologique qui se caractérise soit par du mépris ou des insultes ainsi que des menaces, 24,8% des femmes déclarent avoir subi des humiliations et des insultes de la part de leur partenaire, alors que les comportements dominateurs représentent la forme de violence la moins fréquente. Un des axes de l'enquête a, par ailleurs, porté sur les motifs de la violence subie par les femmes enquêtées. Dans 67,3% des cas, la jalousie est le principal motif qui a conduit à l'acte de violence. Les deux autres motifs qui ont été avancés, à savoir la divergence d'opinion et les difficultés financières sont les raisons principalement évoquées par les femmes originaires des régions du Grand-Tunis, du Nord-Ouest et du Sud-Est. En Tunisie, la stratégie nationale de lutte contre la violence à l'encontre des femmes, adoptée en 2008, a été élaborée par une commission nationale constituée par des représentants des ministères concernés par la thématique ainsi que par des médecins et des psychiatres. Cette dernière, qui s'est articulée autour de quatre grands axes stratégiques, à savoir la production de données sur la violence à l'encontre des femmes, l'amélioration et la création de services appropriés, la sensibilisation communautaire et l'application des lois en vigueur, n'a pas été mise en œuvre, en raison de l'absence d'un plan d'exécution. «Le ministère n'a pas joué convenablement son rôle, a relevé, à ce propos, M. Abderahmen Jmour, expert du Fnuap auprès du ministère des Affaires de la femme et de la famille. La commission de suivi, chargée de la mise en œuvre de la stratégie, n'a pas été mise en place. Seules quelques actions ont été conduites par certaines organisations ainsi que par la société civile. Ainsi, l'Office national de la population a mis en œuvre un projet pour l'intégration et la prise en charge des femmes victimes de violence. Il vient de créer récemment un centre psychologique de prise en charge des femmes victimes de violence dans la ville de Ben Arous. Il a également créé, en 1993, le premier centre d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violence. Le ministère des Affaires de la femme et de la famille prévoit, aujourd'hui, de redynamiser cette stratégie. L'atelier de plaidoyer et de réflexion stratégique, qui a été organisé aujourd'hui, va, en effet, permettre de lui donner un nouvel élan».