• Plus de 15.000 participants entre congressistes, invités tunisiens et étrangers, militants et volontaires affluant de toute la République ont assisté hier à la séance d'ouverture du congrès d'Ennahdha. Un climat marqué par l'euphorie... Habillées d'amples robes noires et voilées de foulards bleus, les hôtesses du mouvement Ennahdha, accueillent, telle une star de cinéma, Khaled Mechaâl, le chef du Hamas palestinien. Elles sont serrées en cordons bordant les deux côtés du tapis rouge du hall d'entrée de la foire du Kram. A l'arrivée de M. Mechaâl, vers 11h du matin, les slogans fusent : «Le peuple veut libérer la Palestine !». Le leader venu de Gaza est accompagné jusqu'à la tribune d'honneur, où le reçoivent à bras ouverts les cadres du mouvement Ennahdha, occupant pour la plupart des postes de ministres ou de députés de l'Assemblée constituante. Il est acclamé par une salle comble, disciplinée, réactive au moindre slogan brandi par les «chauffeurs», portée par le bonheur d'organiser enfin un congrès sous les lumières après toutes ces années d'exil et de clandestinité. Un congrès transmis depuis hier par El Jazira Moubachar (Al Jazira direct) ainsi qu'une flopée de télés islamistes. Plus de 15 000 participants, entre congressistes, invités étrangers et tunisiens, militants affluant de tous les coins de la République et journalistes étaient présents à la séance d'ouverture du neuvième congrès du parti Ennahdha, qui tient les rênes du pouvoir depuis plus de six mois. Des séances de formation en communication Dans sa jellaba couleur vieux rose, le cheikh Abdelafettah Mourou, dont l'entrée en grande pompe au congrès, signant son retour au bercail, a également longtemps été applaudi. Il décrit sur un podium capitonné de bleu et cerné de portraits des martyrs du mouvement décédés dans les geôles de Ben Ali, sous la torture, toute la mesure du changement : «Les visages d'hier transfigurés par l'angoisse et la peur ont laissé la place à ceux confiants des hommes d'Etat. Aujourd'hui la police vous protège ! Le ministre de l'Intérieur est assis à mes côtés et me salue. Ce qui se déroule sous nos yeux est extraordinaire ! C'est un tremblement de terre ! Un tsunami bouleverse depuis plusieurs mois la Tunisie !». En écho aux propos du cofondateur de l'ex-Mouvement de la tendance islamique, l'assemblée crie : «Achaâb yourid Nahdha min jadid», («Le peuple veut une nouvelle renaissance»). Rabia, 48 ans fait partie du comité d'organisation. Heureuse jusqu'à la béatitude de la tenue du congrès dans ces nouvelles conditions, elle ne sent pas la fatigue accumulée le long de plusieurs mois de préparation de l'évènement, dopée qu'elle est par la volonté de rattraper le temps passé, celui de «l'exclusion» et de «la réclusion». «Nous sommes tous volontaires. Certains dorment nuit et jour sur place depuis une semaine. Ce sentiment d'abnégation et de don de soi, nous cherchons à le transmettre aux jeunes générations». Sous le signe du religieux Rabia raconte les séances de formation en communication reçues par les hôtesses et les membres du service du protocole. Tous ont été initiés à l'art de recevoir, de dialoguer, de sourire, de s'habiller et conseillés à propos de la manière avec laquelle ils s'adressent aux journalistes et aux étrangers. Le spécialiste des ressources humaines a même averti le groupe d'éviter de brandir des slogans trop marqués par la religion comme «Allahou Akbar» (Dieu est grand). Rabia regrette que «la spontanéité» des militants en herbe les ait fait oublier cette recommandation. Pourtant, les signes du religieux étaient omniprésents, semblaient quasi envahissants dans le palais des foires du Kram pendant toute la journée d'hier. Avant même que n'intervienne le chef du mouvement cheikh Rached Ghannouchi, le cheikh Mohamed ouvre la séance matinale en récitant, dans un silence total, la sourate Tawba (rédemption). Tous les discours des leaders islamistes sont émaillés de fragments du texte coranique. Autour du site central consacré aux conférences, mille et un lieux pour la prière, mesjed, donnent au palais des foires une autre architecture, une autre manière d'évoluer dans l'espace. L'immense aire de jeux pour les enfants gardés ici pendant que leurs mères s'activent dans le congrès aboutit sur une mini-foire du livre où s'étalent les titres d'une culture islamiste. Les œuvres complètes du cheikh Al Khardaoui y avoisinent une littérature plus marquée par l'histoire d'Ennahdha : La fin du bourguibisme, de Nour Eddine Arbaoui, Témoignages vivants de l'itinéraire de la torture en Tunisie, de Lotfi Snoussi...