La réélection de M. Rached Ghannouchi à la tête du mouvement Ennahdha, les résultats du congrès, dont l'élection du Conseil de la choura (correspondant au comité central) et les résolutions du parti pour l'avenir ont été l'objet, hier, d'une conférence de presse double présidée par M. Abdellatif El Mekki, président du congrès, en présence de M. Ghannouchi qui prendra la parole par la suite. L'originalité de ce congrès, présenté comme d'inspiration islamique, est que les candidats ne se présentent pas eux-mêmes, mais sont proposés par leurs collègues. Ce qui explique peut-être la pléthore de candidats au Conseil de la choura : 590 pour 100 sièges élus directement par les congressistes. Sachant que 50 autres seront choisis par les cent élus selon des critères de compétence et d'expertise dans les différents domaines. Quant au bureau exécutif du parti formé de 17 membres, il sera proposé par le président Rached Ghannouchi qui le soumettra à l'approbation du Conseil de la choura. Les membres du BE seront essentiellement choisis en dehors du Conseil de la choura, sachant que si des membres de ce dernier figurent au BE, ils seront remplacés par les candidats non élus classés derrière le centième élu. Déjà, devront être remplacés Rached Ghannouchi lui-même, puisqu'il est élu ici et là, et Salah Karkar, pour des raisons de santé. Lors de la conférence de presse, M. Abdellatif El Mekki a annoncé le score des cent candidats élus et d'une dizaine d'autres susceptibles d'accéder au conseil pour suppléer aux vacances. Les dix premiers élus donnent une idée sur les sensibilités représentées et les perspectives de compromis au niveau des orientations futures du mouvement : Ajmi Lourimi, Sadok Chourou, Abdelkarim Harouni, Habib Khedher, Habib Ellouze, Abdellatif El Mekki, Ali Laâridh, Abdelmajid Najjar, Hamadi Jebali et Noureddine Bhiri. Sachant qu'ont également été élus des personnages qui avaient pris leurs distances à un certain moment, comme Abdelfattah Mourou, Salah Karkar, Ben Issa Addemni ou Mohamed Chammam. M. El Mekki a défini le parti Ennahdha comme étant une formation centriste agissant à élargir ses alliances au centre et s'opposant à toute bipolarisation. Sachant, dira-t-il, que «ce rassemblement centriste ne se fera pas forcément au niveau du gouvernement mais à l'Assemblée et dans l'opinion». Il a réfuté toute lutte entre de prétendues ailes modérée, radicale ou autres, affirmant que «le mouvement est uni autour de ses principes déclarés et ses thèses qui se sont avérées rassurantes au sein du mouvement comme auprès du peuple tunisien». A un journaliste qui critiquait le faible nombre des femmes élues à la Choura, soit 6 ou 7, M. El Mekki a expliqué que l'écrasante majorité des militants qui ont connu la prison sont des hommes. Ajoutant que les femmes ont refusé le principe de la discrimination positive. Prenant la parole, M. Rached Ghannouchi a expliqué que ce congrès est exceptionnel par le fait qu'il met en avant la légitimité de la prison et de l'exil. D'où le faible nombre de femmes. Expliquant que les hommes qui ont tenu bon en prison sont ceux dont les femmes se sont tenues derrière et se sont distinguées par un double rôle de mère et de père dans la cohésion et la résistance du noyau familial. Il a indiqué que le même raisonnement vaut pour les jeunes. «Le mouvement Ennahdha est homogène dans sa modération, dira Rached Ghannouchi, sur la base des certitudes que ses militants partagent. Personne au sein de notre parti ne met en doute l'Islam, personne ne met en doute la démocratie, personne ne met en doute l'Etat tunisien en tant qu'Etat national (ad-daoula al qotria), personne ne met en doute l'égalité entre femme et homme...». Ajoutant : «Nous sommes tous des centristes modérés. Nous n'avons ni salafistes, ni laïques». Le président d'Ennahdha a ensuite évoqué la problématique de l'emploi, relevant la contradiction entre le chômage qui frappe la jeunesse diplômée de l'université et le manque de travailleurs que constatent les entreprises et les agriculteurs. Il a donné l'exemple de la cueillette des olives qui n'a pu se faire que pour un tiers seulement des oliveraies par manque de main-d'œuvre. «Un patron s'adresse au bureau d'emploi pour recruter 100 personnes, et il ne se voit proposer que 3», dira-t-il, regrettant la destruction de la formation professionnelle au profit de bacheliers au rabais et de diplômés universitaires en excès. Et de donner l'exemple de la Grande-Bretagne (où il vivait) où 5% seulement des élèves sont destinés à l'enseignement supérieur. Et M. Ghannouchi d'expliquer que si une réforme n'intervient pas rapidement, nous aurons affaire à une main-d'œuvre étrangère qui occupera le terrain, «car la nature a horreur du vide». Toujours dans le domaine de l'économie, le chef du mouvement Ennahdha a déploré le fait qu'une centaine d'hommes d'affaires sont bloqués dans leurs activités, suggérant des solutions rapides et équitables pour leurs victimes dans le passé, pour eux et pour l'économie nationale. A propos des personnes impliquées avec l'ancien régime dictatorial, M. Ghannouchi a estimé leur jugement nécessaire pour ceux qui ont commis des crimes, considérant que pour les autres, la lutte sera politique. «Car il faut absolument les empêcher de reproduire l'ancien système dictatorial».