Par Abou Fayçal * L'Association des anciens officiers de l'Armée nationale a soufflé, le 28 juillet 2012, sa première bougie. Auparavant, elle a organisé, le jour du 51e anniversaire de la Bataille de Bizerte, le 19 juillet, un colloque relatif à ces évènements tragiques. C'est la première fois qu'en un demi-siècle le sujet est présenté et débattu publiquement. Il est bon de rappeler qu'en 1961, la Tunisie, indépendante depuis seulement cinq ans, comptait une population de près de quatre millions d'habitants, une armée qui faisait encore ses premiers pas et une guerre sur ses frontières ouest qui durait depuis sept ans. D'autre part, la France, quatrième puissance militaire mondiale, après avoir perdu l'Indochine, menait, depuis 1954, une guerre sans merci, ait contre les révolutionnaires algériens. Elle était gouvernée, depuis trois ans, par le général de Gaulle, un président qui avait une idée particulière de la France, de sa grandeur et de sa place dans le monde. D'autre part, la Tunisie, avec Bourguiba comme président, appuyait par tous les moyens et avec tout son potentiel, l'Algérie combattante et abritait, sur son sol, près de vingt mille moujahidine de l'ALN (l'Armée de libération nationale algérienne) qui disposait d'une totale liberté d'action avec son état-major, son école, ses bases, ses camps et toute une logistique de guerre. Notre pays a payé cher ce soutien constant à l'Algérie combattante puisque l'aviation française a lâchement bombardé, à titre de représailles, le village de Sakiet Sidi Youssef, le 8 février 1958, causant des centaines de victimes innocentes. Bien que l'évacuation des troupes françaises du territoire tunisien soit terminée en automne 1958, c'est la base stratégique de Bizerte qui demeura sous contrôle et commandement français. La Tunisie n'a jamais cessé de réclamer l'évacuation de cette base pour que l'indépendance du pays soit parfaite. Toutes les démarches politiques et diplomatiques n'avaient malheureusement pas abouti. D'autre part, alors que la Tunisie continuait à chercher une solution pacifique du problème, un acte de provocation français allait jeter de l'huile sur le feu : c'est l'allongement de la piste d'envol permettant de recevoir de nouveaux types d'avion plus performants. Cependant, il est difficile de croire que Bourguiba cherchait la confrontation avec la France, sachant pertinemment le déséquilibre des forces entre les deux pays mais c'est lui qui, le 18 juillet 1961, fit interdire tout survol de l'espace aérien tunisien par les aéronefs français. Ce sont deux officiers de la même promotion (la 1ere promotion), lieutenants à l'époque et âgés de près de vingt-cinq ans, qui nous ont permis de remémorer ces évènements tragiques de cette guerre entre David et Goliath. Si le général® Mohamed Said El Kateb, chargé de pilonner, de nuit, avec ses mortiers la base aérienne de Sidi Ahmed, était seul contre tous, le Colonel® Béchir Ben Aissa s'est trouvé avec un groupe de camarades de promotion, comme lui sans aucune expérience mais solidaires et déterminés, n'ont pas cédé à la panique et avec quelques centaines de sous-officiers et de soldats ont fait honneur à l'Armée tunisienne. En effet, organisant brillamment la défense tous azimuts de la médina, ils ont pu l'interdire aux attaques françaises et repousser toutes leurs tentatives venant du nord (les paras), du sud( les blindés) et du canal( les troupes de la marine). N'ayant pas osé mettre pied à terre pour pénétrer dans les ruelles de la médina où le corps à corps aurait été décisif, les troupes françaises ont tout fait pour saper le moral de nos vaillants combattants ( tirs de roquettes, mitraillage du haut de l'Otla, tirs de chars, lancer de tracts) et ce, jusqu'à la décision du cessez-le-feu par le Conseil de sécurité de l'ONU. Le témoignage émouvant de ces deux officiers a tenu en haleine l'auditoire représenté par une constellation de personnalités inégalée (deux anciens Premiers ministres, neuf anciens ministres, d'anciens ambassadeurs, gouverneurs, P-DG, D.G., d'anciens officiers généraux et supérieurs, des officiers supérieurs d'active des forces armées et de la Garde nationale, des attachés militaires, des universitaires, des médecins, des étudiants, etc.). En relatant la bravoure de leurs camarades ayant participé à ces quatre jours de feu et de sang dont trois étaient présents (les colonels® Hamida Ferchichi, Noureddine Boujellabia et Mohamed Benzerti), ils ont permis à l'assistance de les applaudir longuement. Les débats ont été menés de main de maître par l'invité d'honneur, Monsieur Ahmed Mestiri, le troisième ministre de la Défense nationale qui, avec beaucoup de tact, d'objectivité et de patriotisme et s'étant retrouvé dans son élément, a retenu l'attention de l'auditoire par ses remarques pertinentes, ses brillantes analyses et sa mémoire infaillible. Bravo à l'Association des anciens afficiers de l'Armée nationale qui, avec une organisation exemplaire, nous a démontré le sens de la discipline, de la rigueur et de l'efficacité qui la caractérise. Rien d'étonnant à cela quand on sait qu'elle est composée de la fine fleur des anciens cadres et chefs des forces armées dont la formation polyvalente et l'expérience peuvent être explorées et exploitées par la 2e République naissante. *(Ancien cadre supérieur, auditeur de l'Institut de défense)