La virtuose et son violon noyés dans un concert auquel elle aurait pu donner du relief. Quel projet musical pouvait réunir un guitariste afro-groove et une violoniste classique de renommée internationale? Telle est la question qu'on se posait, en allant assister au concert qui a réuni Yasmine Azaïez et Khaled Nemlaghi, jeudi dernier, au festival de Hammamet. Le public était nombreux, venu découvrir une expérience inédite et apprécier une musique pleine d'inventivité et de performances de musiciens d'ici et d'ailleurs. Sur la scène, le groupe de Khaled Nemlaghi était au complet : basse, percussions, batterie, saxophone, synthé et guitare électrique; un groupe composé de musiciens africains qui apportent aux mélodies de Nemlaghi les couleurs du continent noir. Yasmine Azaïez, avec ses interventions au violon, ajoutait à l'ensemble le swing du jazz et la violence du rock. Au fait, de quoi était composé le produit présenté par Khaled Nemlaghi? D'un répertoire de chansons et autres compositions qui varient entre le reggae et l'afro groove, avec des paroles simplistes et une impression de déjà entendu. En somme, rien d'original. Ce qui a donné le plus à ce concert monotone, ce sont les belles envolées et les solos délirants que les musiciens qui accompagnaient Nemlaghi offraient au public. C'est à se demander ce que venait faire Yasmine Azaïez dans ce tableau? Tant bien que mal, la violoniste trouvait place pour des improvisations d'une créativité inouïe, elle prêtait même sa voix pour agrémenter le tout. Son violon vibre, swingue et bat le tempo dans un genre qui semble la passionner. Elle, qui a commencé une carrière professionnelle à huit ans et qui a joué dans les festivals les plus prestigieux de musique classique, s'est montrée discrète et modeste. On avait, souvent, du mal à entendre et à discerner son instrument. Parfois, on lui cédait la place pour des variations rock et des solos d'une incroyable prouesse. A d'autres moments, elle avait du mal à trouver un «coin», dans une formation qui ne laissait aucune place à son instrument. Pourtant, la talentueuse violoniste persévérait dans la besogne et montrait une belle générosité d'esprit pour essayer de se fondre dans l'ensemble. On s'attendait à beaucoup plus de liberté dans le jeu, à une alchimie qui aurait opéré entre le violon, cet «intrus» dans le monde du jazz, et les autres instruments, à des prises de risques qui auraient montré que les frontières n'existent pas dans la musique. Rien, hélas, n'en a été et nous sommes restés sur notre faim. Pourquoi Khaled Nemlaghi a-t-il associé Yasmine Azaïez dans ce projet sans, pour autant, ouvrir ses compositions pour mieux accueillir son talent? A vrai dire, la simple introduction du violon dans la musique afro n'est pas un exploit en soi, mais quand on fait appel à une musicienne de l'envergure de Yasmine Azaïez, il faut au moins ne pas limiter sa participation à des parenthèses musicales quasi inaudibles. Nemlaghi, un artiste quasi inconnu, aurait-il recouru à cette virtuose hors pair, juste pour utiliser son nom et drainer le public? En tout cas et en fin de compte, Yasmine Azaïez, n'aura fait que prêter son talent et sa popularité à un projet qui bat de l'aile.