C'est, en fin de compte, la troupe d'Alep des chants soufis qui a animé la soirée de jeudi dernier au palais d'El Abdellia, à la place de la troupe des «Chouyoukh Salatine Ettarab» qui était pourtant annoncée dans le programme des Nuits d'El Abdellia. «Une erreur fortuite», selon la direction de la manifestation. En tout cas, le spectacle a été donné devant une assistance hétérogène et nombreuse qui est venue (ré)écouter les merveilles du patrimoine syrien, plus particulièrement celui de la prestigieuse école d'Alep. Composé de cinq musiciens et de deux chanteurs, cet ensemble nous a proposé, pendant une heure et demie, un programme qui varie entre «qoudoud» et «mouwachahat», chansons et airs liturgiques, allant très bien avec l'ambiance ramadanesque où sont les bienvenus le dense et le léger, à la fois. Le spectacle débuta par un «mouwachah» intitulé «Fika kollou ma ara hassan», interprété en duo par les voix de Fahd Isamel et Ali Kanjarini qui étaient accompagnés des musiciens Marouen Zakri (qanoun), Bekri Aboudan (flûte), Mohamed Masri (violon), Abdelhamid Echaykh et Saleh Khatib (percussions). Ils ont ainsi chanté l'amour dans sa plénitude, enchaînant ensuite avec deux autres «mouwachah» «Ya sahi essaber khadha minni» et «Iski'l îtacha». Ce dernier, un air liturgique, puisé dans le pur patrimoine syrien, a offert au public présent un moment d'élévation spirituelle, rehaussé par la prestation harmonieuse d'un «takht» (orchestre classique réduit) performant dont la rigueur professionnelle était évidente. La soirée continua avec des intermèdes, des cocktails de morceaux célèbres du répertoire de Syrie et même d'Egypte, où le groupe est allègrement passé des «qoudoud» (qaddouka al mayyess) aux chansons et aux chansonnettes (Ibâthli jawab, chams echamousa..) formidablement exécutés et chantés, tantôt en solo, tantôt en choeur, entraînant l'auditoire dans une ambiance de plus en plus chaleureuse. Les applaudissements n'en finissaient pas. La dernière partie de la soirée a été consacrée à un tour de «maoulaouia», avec la prestation du derviche tourneur Omar Kanaâne qui, vêtu d'une jupe ample et d'une tunique en blanc, n'arrêtait pas de tournoyer sur place, suivant les invocations religieuses «Ya khatama al anbia» et «Talâa al badrou alayna», deux airs qui font les louanges du Prophète Mohamed et dont le rythme va crescendo. Le derviche tourneur, d'abord les bras croisés, puis levant la main droite et abaissant la gauche pour établir le contact entre le ciel et la terre, n'en finit pas de tourner sur lui-même, face à un public comme médusé. Cela a valu le déplacement.