Un projet de code sera présenté à la constituante, le 20 décembre prochain Le bilan des politiques d'investissements est plutôt sombre : un déséquilibre régional criant et des filières industrielles peu développées, constituées principalement d'entreprises de travail à façon, à faible valeur ajoutée, qui cherchent une main-d'œuvre peu qualifiée, à un salaire compétitif De toute évidence, la réalisation d'un gap d'investissement privé qui a coûté jusqu'à deux points de croissance et près de 35 mille emplois, annuellement, dans un contexte de généreuses incitations est de nature à remettre en cause toute la batterie d'avantages qu'offre l'ancien code d'incitation aux investissements. D'ailleurs, ce code a fait l'objet de nombreuses critiques qui remettent en cause son efficacité. Pis, certains le considèrent comme un outil d'injustice fiscale. Et du coup, il convient de rechercher un nouveau code mieux approprié aux spécificités de l'économie nationale, à la conjoncture internationale, aux nouvelles priorités ainsi qu'aux nouvelles orientations politiques du pays. Les travaux ont d'ores et déjà commencé et c'est dans ce cadre que le comité exécutif chargé de la refonte du CII a présenté, hier, lors d'une séance de travail, au siège du ministère de l'Investissement et de la Coopération internationale, les objectifs, la méthodologie et l'échéancier des activités du projet de refonte du CII. Conformément à ce planning, un projet complet sera présenté le 20 décembre à l'Assemblée nationale constituante. Cette ébauche a été débattue avec une liste étendue de représentants de plusieurs organisations et institutions en vue de recueillir les réactions, les propositions et les recommandations de ces parties prenantes. De l'organisation patronale à la centrale ouvrière, en passant par certains corps de métiers et plusieurs consultants, la démarche s'annonce consultative et participative. En effet, chaque dinar investi pourrait bénéficier à une large liste d'opérateurs. Un code vieillissant Dans son allocation d'ouverture, le ministre de l'Investissement, M. Riadh Bettaieb, a relevé: «On passe d'un code vieillissant qui n'a été jamais évolué à un autre qui sera en mesure de relever les défis du transfert technologique, d'asseoir les bases d'une économie de savoir, d'assurer le développement des régions et de lutter contre le chômage». Et de renchérir, «il y a urgence, on a un délai à respecter. On doit présenter le projet à la Constituante en décembre prochain». A vrai dire, il s'agit des mêmes objectifs qu'on annonce depuis toujours. Mais à chaque période, l'équipe dirigeante est appelée à mettre en place les plans appropriés, le cadre juridique nécessaire et de les réviser en permanence. En effet, chacune des lois est dotée d'une espérance de vie, qui pourrait être rétrécie par des changements de la conjoncture, et à terme le remplacement est inévitable. Autrement, l'incitation, qui fut révolutionnaire lors de sa promulgation, sera sans effet, voire générer des contreperformances. Dans cette perspective, les travaux, fait-il savoir, commenceront par l'évaluation globale et objective de l'ancien code et de ses réalisations. Sur un autre plan, «le prochain code s'alignera aux meilleures pratiques internationales», précise le ministre. A la lumière d'un benchmarking avec d'autres pays, ajoute-t-il, on a tiré les enseignements nécessaires pour la préparation d'un plan d'action efficace. Le tout, martèle-t-il, «dans un esprit de consultation et de participation, on a cherché à impliquer le secteur privé, la société civile et plusieurs corps de métiers». Pour sa part, le responsable du comité exécutif a énuméré les défaillances inhérentes à l'ancienne législation d'encouragement des investissements. De la fragmentation au manque de clarté en passant par la lenteur et la complexité des procédures, il a mis en évidence qu'il faut transformer le code d'incitation en un code d'investissement traitant d'autres aspects comme la garantie des investisseurs, les règles d'accès au marché, le règlement des litiges... Ainsi, les objectifs de la réforme consistent en l'alignement du code avec les objectifs du développement de la Tunisie, l'agrégation des textes fragmentés sous un seul et unique code générique, la simplification des mécanismes d'incitation et la mise en place d'un organe chargé de la veille, du suivi et de l'évaluation des avantages. Pour ce faire, une analyse coûts-bénéfices des mécanismes actuels est en mesure d'évaluer et de sélectionner à maintenir ou à supprimer. De même, d'après le responsable, les expériences réussies d'autres pays similaires pourraient apporter des éléments de réflexion pour le comité exécutif. L'insuffisance du code Réagissant à cet exposé, le représentant de la centrale patronale a rappelé que les entraves aux développements des investissements ne se résument pas dans le CII. « Avant d'élaborer un code, il y a lieu de mettre en place des mesures d'urgence pour résoudre les problèmes de la logistique et d'apaiser les conflits sociaux », note-t-il. Dans le même ordre d'idées, le président de la Chambre tuniso-néerlandaise a préconisé de considérer la compétitivité des entreprises en mettant l'accent sur l'évaluation du coût final de production plutôt que sur des incitations financières ponctuelles. Ainsi, pour un investisseur, la qualité des infrastructures est plus déterminante que l'enveloppe des subventions et des primes. Son homologue tunisien a pointé du doigt le défaut de communication sur la destination tunisienne, notamment aux Pays-bas. Sur la même longueur d'onde, le directeur de la Chambre tuniso-française a placé les incitations fiscales dans les derniers rangs des mobiles des investisseurs. La qualité des infrastructures et l'efficacité de la chaîne logistique sont plus importantes aux yeux des entreprises que les montants de gratifications. Cartographie des filières industrielles Pour sa part, le représentant de l'organisation ouvrière a insisté sur le fait que «tout doit s'articuler sur l'emploi de bonne qualité». Pour ce faire, il recommande de cibler les régions et les secteurs à même de fournir une cartographie des filières industrielles. Ce travail, a-t-il prévenu, ne doit pas discriminer les non-diplômés qui représentent la masse des chômeurs. De même, la corruption à l'échelle locale, a-t-il souligné, mine le climat des affaires. Ce qui est de nature à décourager tout promoteur. De nos jours, le bilan de toute la politique d'investissement, et non seulement le CII, est plutôt sombre : un déséquilibre régional criant et des filières industrielles peu développées, constituées, principalement, d'entreprises de travail à façon, à faible valeur ajoutée, qui cherchent une main-d'œuvre peu qualifiée, à un salaire compétitif. Certes, les stratégies, les mécanismes et les dispositifs mis en place en matière d'encouragement des investisseurs, notamment le Code d'incitation aux investissements, ont misé sur d'autres résultats, mais le fait est là. D'où, ces incitations fiscales accordées pour compenser les insuffisances en infrastructures et en ressources humaines dans les régions, qui peuvent générer un manque de compétitivité par rapport aux entreprises sur les côtes, n'étaient pas en mesure de compenser les écarts de développement. De nos jours, les priorités sont bel et bien connues, les besoins des investisseurs aussi. D'où, pour mener à bien le rythme des investissements, la réforme du code doit être associée à des travaux de renforcement des infrastructures et de perfectionnement de la chaîne logistique.