C'est une véritable légende vivante que la Tunisie a accueillie dans le cadre du festival d'Al Aqsa organisé le 15 juillet au Palais des congrès, par quatre associations, à savoir l'Association tunisienne des jeunes médecins, l'Association tunisienne de soutien à la Palestine, l'Instance nationale de soutien à la résistance et hostilité à la normalisation et au sionisme et la Ligue tunisienne de tolérance. En effet, c'est Samir Kantar qui a été la vedette de ce festival. L'homme a passé 30 ans dans les prisons israéliennes avant d'être relâché en 2008, suite à une négociation et un échange avec le Hezbollah. Le matin, une conférence de presse tumultueuse avait été organisée sous le titre «Union de la résistance face aux complots de morcèlement américo-sioniste» dans laquelle les évènements syriens avaient fait l'objet de la plupart des interventions des journalistes qui n'ont pas hésité à chahuter le correspondant d'Al-Jazira au moment où il a posé une question à Samir Kantar. Lors de la conférence, Abdennaceur Jabri, vice-président de l'instance administrative du groupement des dignitaires musulmans du Liban, s'est montré virulent face à la montée des gouvernements islamistes en Tunisie et ailleurs, estimant que ceux-ci ne sont que le prolongement de la politique américaine dans la région arabe. Concernant les évènements en Syrie, l'intervenant n'a pas hésité pas à dénoncer un complot qui vise à mettre à genoux le peuple syrien et le régime syrien qui, selon lui, est le fief de la résistance arabe face aux sionistes. L'invité poursuit son analyse au fur et à mesure des questions et dénonce ce qu'il appelle un projet de division sectaire, prolongement d'une division géographique des Etats arabes. Sur le dossier palestinien, il explique que la faiblesse du peuple palestinien réside dans les choix de ses leaders. Samir Kantar, quant à lui, ne mâche pas ses mots et n'use d'aucune langue de bois pour défendre le régime syrien et Bachar Al Assad. Le doyen des prisonniers libanais rappelle à l'audience que suite à la vague contestataire qui a secoué la Syrie, le régime avait fait un pas envers l'opposition et avait commencé un processus de réforme, sauf que l'opposition avait rejeté en bloc toute négociation préférant les armes et les guerres fratricides, obéissant ainsi au complot américano-sioniste. Il rappelle également que Bachar Al Assad avait soutenu de façon inconditionnelle la résistance, notamment durant la guerre de 2006, et comment il avait refusé les propositions de Collin Powell, secrétaire d'Etat américain, qui a menacé la Syrie d'envahissement si elle ne s'arrêtait pas de soutenir la résistance au Liban et en Palestine. Les médias ont aussi fait l'objet d'une attaque en règle de Samir Kantar, en faisant la différence entre avoir une ligne éditoriale et devenir une partie de la campagne militaire (faisant allusion à la chaîne qatarie). Il est 22 heures au Palais des congrès, plein de monde à l'intérieur agitant des drapeaux syrien, libanais, palestinien et tunisien. A l'extérieur, des protestataires contre le festival d'Al Aqsa qui, selon eux, sonne le glas d'un envahissement chiite de la Tunisie. Une atmosphère complètement étrangère à la culture tunisienne régnait au Palais des congrès, une atmosphère qu'on suivait jadis sur la chaîne du Hezbollah. Entre chants engagés de la troupe Dignité et les discours enflammés des invités, le nom de la Syrie et celui de Bachar ont été scandés à plusieurs reprises par les présents et le slogan «Mort à Israël» a résonné très fort. Prenant la parole, le représentant du Hamas a été surpris par des accusations de traîtrise venue de la foule, en raison de la position du mouvement sur le dossier syrien. Succédant au représentant du Hamas au pupitre, Samir Kantar enfonce le clou, en rappelant que les mortiers ayant atteint Israël provenaient du régime syrien. Fort de ses origines palestiniennes, il a appelé le peuple palestinien à se soulever et à choisir un des dirigeants à même de le mener vers la victoire. Samir Kantar a aussi exhorté publiquement le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, à prendre une position claire de soutien au peuple palestinien et de refus de toute normalisation avec l'Etat d'Israël: «J'appelle cheikh Rached Ghannouchi à sortir et dire publiquement et clairement qu'il est contre l'Etat d'Israël et au côté du peuple palestinien, si le cheikh le fait, ce sera un signe très fort envers la Palestine». C'est donc un véritable hommage à la résistance face aux sionistes, mais aussi un véritable casse-tête pour ceux qui ne savent plus où se trouve la vérité dans un monde où chacun prétend la détenir et où l'on s'accuse mutuellement de collaboration avec les Américains et les sionistes, et surtout, où chacun de son côté prétend défendre l'arabité et l'Islam.