Comme tous les impôts, l'impôt sur le revenu est conçu pour être un impôt juste. C'est un levier fiscal important pour réduire les inégalités de revenus. Il est fondé sur le principe de participation équitable des citoyens dans leur contribution aux charges de la collectivité. Théoriquement, on peut facilement admettre que c'est un impôt juste, dans la mesure où il touche les contribuables (citoyens assujettis à l'impôt) proportionnellement à leurs revenus du fait de sa progressivité. Cette progressivité signifie qu'un ménage aisé paie en proportion plus qu'un foyer à revenu plus faible. D'une manière générale, on mesure la progressivité de l'impôt sur le revenu en rapportant celui-ci aux recettes fiscales. Lorsque la part de l'impôt sur le revenu dans les recettes fiscales augmente, la progressivité de l'impôt total augmente. Inversement, quand elle baisse. Le graphique ci-dessous montre une faible progressivité de l'impôt sur le revenu avec une quasi-stabilité de la part de l'impôt sur le revenu dans les recettes fiscales autour de 20% pendant la dernière décennie, voire une baisse en 2008. Partant de ce fait, il contribue moins à la réduction des inégalités de revenus. Part des impôts sur le revenu dans les recettes fiscales Toutefois, ce ratio n'est autre qu'une moyenne qui peut de plus comporter un biais non négligeable d'où les limites de son interprétation. Il n'en demeure pas moins que de nombreux experts s'accordent pour souligner que l'économie tunisienne bute aujourd'hui sur un vrai problème fiscal. L'impôt sur le revenu en est la preuve. En effet, le mécanisme est en apparence très simple. Le barème de l'impôt prévoit plusieurs tranches. La fraction du revenu située dans la première tranche n'est pas imposée, que le revenu total soit faible ou très élevé. La fraction du revenu située dans la deuxième tranche est imposée à 15% pour tout le monde. Ainsi, tous les contribuables se trouvent à égalité. Naturellement, un petit contribuable reste dans les tranches basses. Un gros contribuable peut être imposé jusqu'à 35% de son revenu. Sur le plan théorique tout paraît logique et il n'y a rien de choquant. Cependant, sur le plan pratique, il en va autrement. En effet, en Tunisie, les tranches du barème des impôts sur le revenu des personnes physiques n'ont pas été actualisées depuis 1989 et les montants des déductions pour salaire unique, enfants et parents à charge, n'ont quant à eux pas été révisés depuis 1983. Ceci étant, la prise en considération de l'inflation aurait fait augmenter les seuils d'imposition pour chaque tranche de revenu et aurait permis l'exonération de l'impôt sur le revenu des catégories sociales les plus fragiles et une imposition moindre de celles qui sont relativement modestes. A titre indicatif, les barèmes ont été révisés sept fois en France pour la même période. Concrètement, la non-actualisation des tranches et des déductions et les augmentations annuelles du niveau des salaires a conduit à l'imposition de la quasi-totalité des personnes, même ceux touchant le Smig, alors qu'ils étaient non imposables en 1990. Ainsi, en 1990, un salarié touchant le Smig ne payait pas d'impôts sur le revenu, car il se plaçait dans la première tranche du barème. Or, l'inflation fait que 1.500 dinars perçus en 1990 sont équivalents à environ 3.500 dinars perçus aujourd'hui. De ce fait, la prise en considération de l'inflation aurait élargi la première tranche de 0-1.500 à 0- 3.500 et aurait évité à ces salariés de payer des impôts en les faisant sortir des tranches imposables. De même, l'indexation des montants des réductions pour salaire unique et enfants à charge, en vigueur depuis 1983, aurait également permis d'obtenir d'importantes baisses des impôts payés. Partant donc du principe que l'imposition ne peut toucher que l'excédent du revenu par rapport au minimum vital, il en résulte, qu'à moins de risque de création de tensions sociales, toute personne dont le revenu est en dessous de ce minimum ne devrait pas subir une imposition au titre de son revenu. Dans cette perspective, nous pouvons avancer les recommandations suivantes : Dans la mesure où le barème et les déductions n'ont pas été révisés, il est recommandé de procéder, d'une manière périodique, à l'actualisation du barème et des déductions. Ceux-ci doivent être indexés sur l'inflation. Dans ce même contexte, on pourrait imaginer une augmentation du nombre de tranches et donc des taux d'imposition par palier de 5%.