Cinq hommes politiques expriment leurs attentes L'intervention du chef du gouvernement Hamadi Jebali prévue, vraisemblablement, sous forme d'une adresse à la nation qui sera faite, croyons-nous savoir demain, est très attendue par la classe politique, les médias et les divers autres observateurs. Ce discours intervient à un moment où le pays traverse une période difficile marquée par la recrudescence de la violence, les surenchères politiques et le manque de visibilité quant au calendrier des prochaines échéances. D'aucuns considèrent à juste titre le discours du chef du gouvernement comme une étape cruciale dans le processus de la transition démocratique. Le chef du gouvernement réussira-t-il à rassurer les Tunisiens en apportant des réponses claires à leurs nombreuses interrogations ? Ou s'agit-il d'une banale opération de communication sans aucun impact sur la réalité ? Pour en savoir plus, La Presse a recueilli les attentes d'un certain nombre d'hommes politiques. Fethi Jerbi, vice-président du Mouvement Wafa : Il faut arrêter d'avoir peur des salafistes Si le chef du gouvernement va transposer, dans son intervention fort attendue par le peuple et l'ensemble des forces politiques du pays, les déclarations fort apaisantes de Samir Dilou (accordées à l'hebdomadaire français L'Express, ndlr), nous dirons tant mieux. Toutefois, la vigilance demeure toujours de mise. Nos objectifs demeurent, au-delà des dissensions et des divisions, les mêmes, à savoir la consécration de la démocratie, de la liberté et du droit à la dignité. Quant au problème des salafistes qui apparaît un peu comme l'obsession de tout le monde, je pense qu'il peut être résolu en leur donnant les moyens d'exister légalement tout en les tenant pour responsables des actes de leurs militants. Pour ce qui est des annonces que le chef du gouvernement pourrait faire dans son intervention, je pense que l'essentiel est de nous entendre sur l'urgence de parvenir à l'organisation d'élections réellement démocratiques et transparentes. Des élections qui seront dirigées par une instance complètement indépendante de tous les partis politiques, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. L'Isie patronée par Kamel Jendoubi est la plus indiquée pour poursuivre le travail, avec les rectifications qui s'imposent au regard de l'expérience du 23 octobre 2011. Quant au dialogue national auquel appellent certains partis, moi je suis pour la légitimité issue des urnes et le peuple décidera de son avenir lors des prochaines élections. L'essentiel est que les Tunisiens sachent choisir, la prochaine fois, les plus compétents et les plus méritants, en toute responsabilité et liberté, loin de toute appartenance idéologique. Ridha Belhaj, porte-parole de Nida Tounès : J'attends de Jebali qu'il prône l'Islam éclairé Les déclarations de Samir Dilou, qui appartient à l'aile modérée au sein d'Ennahdha, ne sont pas surprenantes, au regard de l'expérience de terrain de l'homme et de sa parfaite connaissance des réalités du pays, ainsi que des contacts qu'il maintient avec les autres forces politiques nationales. Quant aux factions dites dures au sein d'Ennahdha, elles sont restées déconnectées de la réalité du pays, après avoir quitté la prison. Quant à Hamadi Jebali avec lequel j'ai eu des discussions, je considère qu'il représente l'Islam éclairé et qu'il a les moyens d'imposer la vision d'un Islam ouvert, un Islam dont la Tunisie a besoin en ces temps difficiles par lesquels passe la Tunisie. Il assume une grande responsabilité en matière de consécration de cette vision du fait de son statut de première personnalité politique du pays détenant entre les mains le pouvoir de la décision politique. J'attends qu'il soit au rendez-vous avec l'histoire en vue de faire réussir la deuxième phase de la transition démocratique en s'engageant devant le peuple à : – Mettre en place une feuille de route en vue de ce qui reste de la transition démocratique. – Œuvrer à assurer la neutralité effective du gouvernement pour ce qui est de la deuxième phase de la transition. – Réactiver l'Isie dirigée par Kamel Jendoubi et créer, au plus vite, une instance de régulation des médias. – Entamer un dialogue national immédiatement avec la participation de tous les partis politiques, qu'ils soient représentés ou non à l'ANC. En ces temps durs, le courage politique, la compétence personnelle, l'audace et l'anticipation sont plus qu'exigés. Abderrazak Hammami, président du Parti du travail patriotique démocratique : Des engagements clairs et précis Je voudrais que le chef du gouvernement adresse au peuple un message rassurant comportant des engagements clairs et précis sur la volonté ferme du gouvernement d'assumer ses responsabilités en matière de préservation de la sécurité des citoyens et des institutions du pays. Pour que soit restaurée la confiance des Tunisiens en leur Etat et que se rétablisse, aussi, la confiance de nos partenaires en notre pays. Il faut arrêter de donner de notre pays l'image d'un pays au bord de la faillite sécuritaire ou celle d'un pays où la loi est appliquée à plusieurs vitesses. J'attends du chef du gouvernement un message d'un engagement clair et net sur une feuille de route relative à la rédaction d'une Constitution ouvrant la voie à un Etat démocratique et civil. Je m'attends aussi à ce que Hamadi Jebali affirme clairement la disposition du gouvernement à parvenir à un consensus avec les forces politiques et les composantes de la société civile sur la mise en place des instances relatives aux élections, à la justice et aux médias. J'estime, d'autre part, que le message du chef du gouvernement doit contenir un autre engagement, celui de la tenue d'un dialogue national qui aura pour objectif de mettre un terme aux tiraillements politiques afin que tout le monde se consacre à la satisfaction des revendications sociales et économiques qui ne peuvent plus attendre. Quant aux déclarations du ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, elles sont très avancées et augurent d'un nouveau discours qui nous permettra de rompre avec le double langage, que ce soit au niveau de certains ministères ou à celui du parti au pouvoir. Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha : La langue de bois n'est plus de mise Au sein de la Troïka, nous sommes en train d'évaluer le rendement du gouvernement et nous pouvons dire que le bilan est globalement positif. Toutefois, nous reconnaissons que l'opinion publique éprouve une certaine inquiétude, du reste légitime, à propos de quelques dossiers comme la situation sécuritaire, le traitement des affaires de la corruption, etc. Ce sont des questions qui sont au fronton des préoccupations du gouvernement. Je pense que Hamadi Jebali apportera les réponses qu'il faut à ces préoccupations. Pour ce qui est de la journée du 23 octobre prochain, la présidence du gouvernement dispose d'un plan clair et cohérent qui dissipera les inquiétudes des Tunisiens pour l'avenir de leur pays. Pour ce qui est des prochaines échéances, plusieurs initiatives ont été avancées comme celles d'Ettakatol et d'Al Joumhouri, elles sont en cours de discussion et le chef du gouvernement fera part, sûrement, de sa réaction à l'égard de ces initiatives. A propos des déclarations de Samir Dilou, je pense que nous avons instauré un réel processus démocratique où les ministres parlent désormais librement, expriment leurs opinions avec beaucoup de transparence et prennent, parfois, leurs distances avec l'action gouvernementale. Ces positions ne peuvent en aucune manière menacer la solidarité du gouvernement ou sa cohérence. Aujourd'hui, la langue de bois n'est plus de mise et chaque responsable est en mesure de s'exprimer librement et de faire entendre sa voix. Quant à Samir Dilou, le gauchiste n° 1 d'Ennahdha, il a toujours dit, haut et fort, ce qu'il a sur le cœur. Issam Chebbi, porte-parole d'Al Joumhouri : Nous nous attendons à des solutions effectives Notre espoir est que le chef du gouvernement rompe, dans son adresse télévisée, avec ce discours qui justifie ce qui vient de se passer dans notre pays au cours de la semaine dernière. Nous voudrions qu'il fasse preuve d'audace et qu'il propose des solutions effectives aux problèmes en suspens. Au parti Al Joumhouri, nous souhaitons que le chef du gouvernement montre qu'il est disposé sérieusement à un dialogue avec les autres forces politiques nationales qui sont, en réalité, ses partenaires et non ses ennemis. Quant aux déclarations de Samir Dilou, je souhaite qu'elles traduisent réellement les positions du gouvernement où il occupe le poste de porte-parole et d'Ennahdha où il est considéré comme l'un des dirigeants les plus en vue. Je crains fort, d'autre part, que ces déclarations très en avance par rapport aux positions d'Ennahdha ne soient destinées uniquement à l'opinion publique internationale.