Par Zakaria BEN MLOUKA * Laurent Fabius, Manuel Valls et Vincent Peillon, ministres du gouvernement français, ont réagi de manière concertée et réfléchie pour nous rappeler l'intangibilité de la liberté d'expression à l'issue de la publication des caricatures obscènes du Prophète Mohamed. Cette réaction officielle appelle de ma part quelques commentaires : Cette position officielle doit être regardée comme une approbation implicite de ces caricatures. Aucun ministre n'a condamné ces caricatures. «Qui ne dit non, consent». La réaction précipitée du gouvernement pour placer cette publication sous la protection constitutionnelle de la liberté d'expression est une volonté manifeste de couper court à la justice, seule habilitée à condamner ou à relaxer l'auteur de ces caricatures. Or, ces caricatures constituent bien une diffamation caractérisée à l'encontre de tous les musulmans et c'est bien à la justice de rendre un jugement et non aux ministres de prononcer un non-lieu sous prétexte de liberté d'expression. La liberté d'opinion et d'expression n'a jamais conféré à personne le droit d'insulter. Dans leur déclaration, ces ministres ont omis de nous rappeler l'intangibilité constitutionnelle de la liberté de protester et de manifester. Ils ont pourtant interdit toute manifestation de protestation aux victimes des caricatures sous prétexte de trouble à l'ordre public. Par ce refus, le gouvernement a contribué clairement à donner une image négative des musulmans. Tout cela est la preuve manifeste que les gouvernements de gauche, comme de droite, continuent à diaboliser et à ostraciser dans les faits les musulmans de France pendant qu'ils font preuve de pondération dans les discours politiques. Enfin, je me permets de rappeler que Messieurs Fabius, Valls et Peillon, entre autres, avaient voté des lois restreignant significativement la liberté d'expression (loi Gayssot article 24, décret n°2003-1164 du 08 décembre 2003, loi n°2004-204 du 06 mars 2004, loi n° 2004-557 du 21 juin 2004 et tous les textes sur les lois dites mémorielles). Ils n'avaient pas non plus défendu la liberté d'expression quand l'humoriste Dieudonné a été condamné pour avoir osé s'exprimer sur des sujets tabous en France, pourtant ni insultant ni obscène. Mais dans ce cas, j'en conviens, les victimes ne sont pas les mêmes... Une culture politique incohérente, une méconnaissance de l'Islam et une inégalité de traitement entre les différentes religions sont à l'origine de la montée du racisme antimusulman et de l'islamophobie en France. De cette incompréhension résultent des caricatures et des éditoriaux de journaux hebdomadaires islamophobes ainsi que des révélations d'actrices qui se découvrent une haine et une peur des musulmans. Il appartient au ministre de l'Intérieur en particulier de lutter contre ces dérives comme il a su très bien le faire par ailleurs, de traiter équitablement toutes les composantes de la société française et de faire baisser les tensions entre les communautés. * (Président du Conseil représentatif des Arabes de France — CRAF)