Avec la prestation de Gheorghe Zamfir à l'ouverture de cette 7e édition de Mûsîqât, on ne peut qu'être optimiste quant à la suite du programme. Nous pouvons même nous aventurer et affirmer que la soirée du 3 octobre figurera parmi les plus réussies et des plus appréciées du festival. Peut-il en être autrement, lorsqu'il s'agit du «Roi» de la flûte de Pan, tout droit venu des Carpates. Musicien, auteur et compositeur de réputation internationale, reconnu comme étant l'un des plus grands chefs d'orchestre, Gheorghe Zamfir est surtout le plus illustre représentant de l'instrument à vent traditionnel qu'est la flûte de Pan (ou le «naï» roumain). Plus que son représentant, le musicien a même révolutionné cet instrument en améliorant le son obtenu initialement avec le rajout de tubes fabriqués dans du bambou chinois de la meilleure qualité. Un ouvrage qui a fait sa renommée en Roumanie et, par la suite, au niveau international. Mieux, cet instrument, qui était considéré comme secondaire jusqu'à ce qu'il passe sous les mains magiques de Zamfir, s'est vu introduire sur la scène musicale internationale, faisant, quelque part, la renommée de cet artiste. Mais, à vrai dire, ce dernier la doit aussi à sa persévérance et à sa grande passion pour la musique. En effet, né dans un milieu modeste, c'est à force de petits boulots qu'il a pu se permettre ses premiers cours de musique. Son professeur appuie son inscription à l'Académie de la musique de Bucarest. Il passe, par la suite, au Conservatoire de musique de la ville et finit par attirer l'attention de l'ethnologue musical Marcel Cellier. La suite, c'est l'artiste lui-même qui nous l'a racontée sur scène avec son accent authentique, évoquant «un palmarès fabuleux grâce à cet instrument ancestral». Plus de 200 albums (Magic of the panpipes, Doina din arges, Panflute & organ, Christmas at Notre Dame basilica, etc.) et CD publiés, plus de 40 millions d'enregistrements vendus, 90 disques d'or et de platine, diverses récompenses et tournées de par le monde. Rien à envier à un Michael Jackson et aux Beatles! Les cinéphiles peuvent le reconnaître en se remémorant les bandes originales de films, tels que le chef-d'œuvre de Sergio Leone Il était une fois en Amérique ou Kill Bill de Quentin Tarantino aux compositions desquels il a participé. Pour ce second passage en Tunisie, l'artiste était accompagné de trois musiciens de l'orchestre national de la Radio roumaine, deux violonistes et l'une des rares femmes jouant du tambal (cymbalum ou piano tsigane, instrument à cordes frappées) en Roumanie, comme l'a précisé Zamfir. Le morceau inaugural a vite fait d'annoncer la couleur et de nous donner une idée sur la beauté de la rencontre entre un instrument et son maître. S'ensuivit une démonstration durant laquelle on a découvert les multiples variations de la flûte de Pan, déclinée sur scène en plusieurs dimensions. C'est avec la plus petite que l'artiste entame cette longue suite avec des tons élégiaques, qu'il semble comme murmurer, des fois, en sifflotant délicatement pour devenir plus intenses et plus entraînants, les autres instruments suivant le rythmes dans cette musique de la Transylvanie. Un premier morceau épatant, chaleureusement applaudi pour l'audience. Le deuxième, également puisé du répertoire traditionnel roumain et tzigane nous venant directement de la région de Dracula, Valachi, connue pour ses ensembles taraf qui accompagnent généralement les danses traditionnelles. Cela est d'autant confirmé par les rythmes endiablés offerts par le flûtiste et l'excellent jeu des violons et du tambal. Zamfir n'oublie pas de dédier un morceau à son maître, «le plus grand, le plus fameux» nous dit-il, celui qui, à 14 ans, lui a mis la flûte entre les mains, lui prédisant un avenir glorieux grâce à cet instrument. Et il a vu juste car l'aventure dure depuis près de 50 ans, faisant de son disciple une légende vivante qui continue à écrire son histoire. De morceau en morceau, le virtuose ne finit pas de nous épater, étalant son grand talent, sa sensibilité généreuse dans sa manière de murmurer à son compagnon de route, le «naï» roumain, les plus intimes sons des «doinas» (lamentations ou méditations) de la région natale de sa mère, la Olténie, ou encore quand il s'en sépare, un peu, pour pousser la chansonnette ou pour céder la place à un saisissant duo de violon et de tambal. Le public, conquis jusqu'à la fin, l'a couvert de «Bravos». Certains (sûrement!), le souffle coupé, ne pouvaient qu'applaudir chaleureusement. Tous ont fini par lui adresser une standing-ovation, bien méritée! Et comment!