La scène politique frémit depuis quelques semaines. On y assiste à des redéploiements et des repositionnements. Le dernier en date concerne l'irruption d'un nouveau parti, l'Alliance démocratique, regroupant le courant réformiste du PDP, le Parti de la Réforme et du Développement (issu d'une scission du PDP) et plusieurs personnalités nationales. En fait, tout est agencé en prévision du bipolarisme escompté de la vie politique nationale : d'un côté, le mouvement Ennahdha, ses alliés et ses satellites ; de l'autre côté, le mouvement Nida Tounès et ses associés. Deux opinions contradictoires s'articulent là-dessus. Pour d'aucuns, c'est tout à fait normal. Un peu partout dans le monde, comme l'a démontré jadis Maurice Duverger, la vie politique se résume dans la bipolarisation. Les plus vieilles démocraties planétaires en témoignent (USA, France, Grande-Bretagne...). Et en Tunisie, on n'échappe pas à la règle. Pour d'autres en revanche, cette bipolarisation n'est pas sans rappeler de vieux démons. Dès les années 80 du XXe siècle, la bipolarisation de la vie politique entre l'ex-RCD et Ennahdha a été, à leurs yeux, catastrophique pour la démocratie. Et ils voient volontiers en Nida Tounès une résurgence, sinon des séquelles tenaces, du RCD. En vérité, à bien y voir, il y a bien des légendes tissées autour de Nida Tounès. Comme tous les partis politiques tunisiens, les gens l'ont rejoint délibérément. Personne n'en doute. Mais le fait qu'il ait fait une irruption fracassante sur la scène politique en quelques mois, de manière à tenir la dragée haute à Ennahdha, gêne et déconcerte plus d'un. Il s'est d'emblée inscrit comme alternative, refusant d'être confiné dans un rôle de figurant ou de simple comparse. Considérée sous certains aspects, notre vie politique ressemble parfois à un sinistre bal de vampires. Avec, en sus, des histoires abracadabrantes. Il est des moments où tout le monde calomnie et invective tout le monde. Et les enfants regardent (les jeunes en fait). Et deviennent saignés à blanc par le ressentiment, le fiel distillé à petites doses, l'aveuglement. Et l'on s'étonne après que beaucoup de jeunes soient si prompts aux violences et voies de fait à l'encontre du protagoniste d'en face, au passage à l'acte. Bien évidemment, il y a d'autres voix au chapitre. Tel le Front populaire, soucieux de promouvoir la voix de la gauche, ou l'Alliance démocratique, prônant la social-démocratie dans un univers politique accaparé par les forces contradictoires du bloc des droites. Les partis du Front populaire ont, de surcroît, un puissant ancrage dans la centrale syndicale, l'Ugtt, incontournable relais de la société civile. En fait, début novembre, tout le monde s'avise d'organiser le ban et l'arrière-ban en prévision des prochaines élections législatives et présidentielle. Elles auront lieu courant 2013. Et elles camperont le décor pour les cinq années à venir. Tout compte fait, les dés ne sont pas encore jetés et les jeux ne sont pas faits. Le bal des alliances, des contre-alliances et des retournements inespérés se trame dans l'ombre. Jusqu'ici, deux faits saillants caractérisent la place. D'un côté, les principaux alliés d'Ennahdha dans la Troïka, le CPR et Ettakatol, se sont sérieusement fragilisés. Scissions et départs massifs les ont entamés. Et Ennahdha peine à leur trouver des remplaçants de choix. D'un autre côté, Nidaa Tounès ne cesse de rallier des personnalités et militants en rupture de ban avec leur parti. Ayant vu le jour après les élections de l'Assemblée constituante, Nida Tounès y compte déjà pas moins de 10 constituants. De quoi postuler légitimement à un bloc parlementaire. Et ce n'est, pour les uns et les autres, qu'un début. En prévision de la nouvelle curée électorale.