Par notre envoyé spécial à Pékin, Mouldi M'BAREK La Chine est-elle encore communiste ? C'est la question que se posent plusieurs observateurs qui connaissent mal la culture, l'histoire, la sociologie et la démographie de la Chine. A titre de rappel, il y a 61 ans, le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclamait la naissance de la République Populaire de Chine. En 1978, Deng Xiaoping optait pour la réforme et l'ouverture. Aujourd'hui, de Pékin à Shanghai en passant par Taïzhou ou Tianjin, on a plutôt l'impression de visiter des villes occidentales où d'immenses et multiples affiches tapissent les façades et les murs. Mieux encore : la Bourse fleurit en Chine, les privés sont encouragés par les autorités et les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à s'installer dans le pays où le Parti communiste détient le pouvoir depuis 1949. C'est bel et bien le communisme «à la chinoise». Pour paraphraser le Petit Timonier, c'est-à-dire Deng Xiaoping, l'initiateur de la réforme et de l'ouverture, disons peu importe que le parti soit communiste ou libéral pourvu qu'il fasse nourrir 1,3 milliard d'âmes. «Depuis plus de 5.000 ans, la Chine n'a jamais pu résoudre le problème de la pauvreté. Aujourd'hui, pour la première fois, chaque Chinois mange à sa faim», rappelle M. Zhai Jun, vice-ministre des Affaires étrangères, qui, tout en reconnaissant que le chemin demeure encore long pour parfaire la Chine, s'interroge en réponse à un journaliste : «Lorsqu'on a 1,3 milliard d'âmes, faut-il leur garantir les droits de manger, de se loger, de se soigner…ou faut-il penser au pluralisme !?». C'est cette réalité que plusieurs observateurs paraissent ignorer ou sous-estimer. Il va sans dire que certains pays très peuplés ont opté pour d'autres systèmes politiques et d'autres schémas de développement. Toutefois, alors que tous les indicateurs socioéconomiques croissent en Chine, plusieurs pays ayant opté pour le libéralisme ont vu la pauvreté augmenter, les revenus stagner ou baisser, la santé se dégrader, l'éducation se détériorer… Il ne s'agit là ni de défendre le socialisme et encore moins de critiquer le libéralisme mais tout simplement de faire un constat. «Le monde est pluriel et les voies de développement sont multiples. Le seul critère qui prime est la volonté populaire», souligne le vice-ministre chinois des Affaires étrangères. Le communisme «à la chinoise» a permis de sauver le pays et d'assurer son développement. «L'économie socialiste de marché» est une conciliation «à la chinoise » entre socialisme et capitalisme, soit une économie mixte où l'Etat et le privé font bon ménage. Jusqu'à nouvel ordre, ce modèle économique fonctionne bien en Chine alors que le communisme a lamentablement échoué ailleurs. Qui l'emportera, à la fin, le communisme «à la chinoise» ou le libéralisme à l'américaine ? Est-il vrai que la corruption et la bureaucratie sont propres aux systèmes autoritaires ? D'un autre côté, est-il vrai que le libéralisme est source de crises, de faim, de misère et d'inégalités dans le monde ? En dehors des préjugés des uns et des autres, aucun système n'est parfait. Et, au-delà des mots et des appellations, il y a la réalité. De nos jours, les idéologies sont en panne et, en définitive, l' important c'est le résultat. «Peu importe que le chat soit noir ou gris pourvu qu'il attrape les souris», disait Deng Xiaoping. C'est qu'au-delà des noms des partis politiques, de leurs idéologies et de leurs référentiels intellectuels, aujourd'hui, place est donnée au pragmatisme et à la bonne gestion. Les différences entre la gauche et la droite sont de plus en plus imperceptibles et peu saisissables. Quoi qu'il en soit, à l'heure des crises, des mutations et des transformations radicales, il est de plus en plus difficile voire impossible de préférer un système à un autre. Il appartient aux peuples de choisir et d'inventer, en toute souveraineté, leur modèle, leur système et leur mode de vie. Les Chinois, dans leur écrasante majorité, semblent très attachés à leur modèle qui est à l'origine de toute leur puissance actuelle. Il est certain qu'il s'agit d'une spécificité propre à nos amis chinois qui sont les les seuls maîtres de leur destin. «L'important est le respect mutuel, la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et l'égalité entre les peuples», conclut le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, lors d'une rencontre avec les journalistes arabes. Une chose est certaine : les crises actuelles nous enseignent que l'humanité est la somme de ses cultures, de ses modèles, de ses civilisations et de ses différences et que tout système, quel qu'il soit, demeure à parfaire. En définitive, ce qui prime, c'est le choix souverain et libre des peuples qui détermine leur propre destin. Et l'on ne peut prétendre transposer un modèle d'un pays donné à un autre car chaque système est unique et est le reflet de l'authenticité et des spécificités culturelles, sociales, politiques, civilisationnelles et historiques de tout peuple.