La campagne de cueillette des olives a démarré officiellement le 11 novembre dans toutes les régions de Sfax. Les prévisions de cette année tablent sur 270 000 tonnes d'olives, ce qui équivaut à 60.000 tonnes d'huile. Pour cette saison, le secteur oléicole va créer 23 mille emplois sur une durée de 120 jours. Dans un contexte d'incertitude et de doute, les agriculteurs ne sont pas optimistes quant aux conditions de la cueillette. Le recrutement des ouvriers est devenu un défi. Alors que le chômage persiste en Tunisie, la majorité des agriculteurs parlent d'un manque cruel d'une main-d'œuvre qualifiée pour travailler dans les oliveraies. «La main-d'œuvre dans le secteur agricole est devenue depuis l'année dernière de plus en plus rare dans le gouvernorat de Sfax. Certains ouvriers ont choisi de quitter le pays et de travailler en Libye, d'autres préfèrent rester dans les cafés au lieu de travailler dans les champs», explique Jamel, un agriculteur d'El Amra. Un manque d'intérêt des chômeurs pour les travaux agricoles est remarquable. Les jeunes disent que les salaires agricoles ne sont pas compétitifs par rapport aux autres secteurs. Passer une longue journée laborieuse pour gagner 15 dinars n'est pas rentable pour la majorité de ces chômeurs. «La cueillette des olives est une tâche très difficile. De son côté, le propriétaire veut réaliser de bonnes recettes. Et pour ce faire, il cherche toujours la main-d'œuvre la moins chère pour travailler pendant des heures indues. Cette logique d'exploitation est refusée, aujourd'hui, par la majorité des jeunes. Il faut penser sérieusement à améliorer les salaires des ouvriers agricoles», confie Hassen, un jeune au chômage. Rencontré dans son bureau, M. Mongi Khbou, le chef d'arrondissement de la production agricole au Crda de Sfax, indique que «la cueillette des olives a été toujours une saison de fête dans les régions de Sfax. Mais depuis l'année dernière, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée devient un véritable problème pour les agriculteurs. Généralement, la main-d'œuvre agricole est payée entre 15 et 17 dinars. Mais pour la cueillette des olives, il s'agit d'un autre contexte. Les ouvriers sont payé au kfiz et non à la journée. Le kfiz est l'équivaut de 450 kg. Le prix de la cueillette d'un kfiz varie entre 45 et 60 dinars. Un ouvrier avec sa femme et deux enfants peuvent cueillir un kfiz et demi par jour et peuvent gagner 70 dinars». La sécurité dans les oliveraies devient une obligation La vraie campagne de cueillette n'a pas commencé. Elle bat son plein à la mi-décembre. «Cette période coïncide avec les vacances scolaires et universitaires. Les élèves et les étudiants seront sollicités pendant cette période pour aider les familles dans la cueillette», et en ce qui concerne les informations qui circulent sur le recours à des ouvriers chinois pour travailler dans les oliveraies de Sfax, le responsable nie ces rumeurs et indique que la saison est encore à son début. Un autre aspect de la récolte des olives est manquant. L'achat sur pied de la récolte n'a pas trouvé sa dynamique habituelle à cause des craintes de vols, puisque les oliveraies des grandes régions de production, notamment Jbeniana, El Amra, Hancha et Menzel Chaker ont été victimes de vols. De grandes quantités d'olives ont été vendues aux unités de transformation qui ne respectent pas la loi. Le climat de crainte et d'inquiétude que vivent les producteurs d'olives a été accentué par les actes criminels dont ont été victimes les propriétaires des lots techniciens dans la région qui a vu jusqu'à maintenant le vol de près de 20 lots agricoles totalisant environ 40 mille oliviers étalés sur 20 hectares. Les propriétaires agacés ont fermé la route entre Sfax et Mahdia au niveau de la région de Saâdi. Les protestataires ont indiqué que leurs lots ont reçu la visite de bandes criminelles des délégations de Jbeniana et El Amra. Les brigands étaient équipés d'armes blanches et de fusils de chasse. Suite à cette insécurité que vivent les producteurs d'olives dans différentes régions, à la multiplication des opérations de vol, de pillage, d'intrusion et de saccage des biens, et suite aux dégâts subis par nombre d'entre eux, notamment dans la région de Sfax, l'Utap met en garde dans un communiqué les parties gouvernementales concernées par le volet sécuritaire contre les répercussions dangereuses de ces actes criminels sur le déroulement de la saison de la cueillette et de transformation des olives qui s'annonce pourtant bonne. L'Utap appelle à l'obligation d'accélérer la mise en place de plans sécuritaires efficaces dans les régions de production, avec la participation de la profession, de multiplier les rondes dans les alentours des fermes, et de renforcer le contrôle sur les routes, notamment au niveau des points par lesquels transitent habituellement les camions chargés d'olives, pour s'assurer de leur origine et l'identité de leurs propriétaires. Une réunion s'est tenue, récemment, au siège du gouvernorat de Sfax pour traiter des méthodes nécessaires pour sécuriser la récolte des olives. Ont pris part à cette réunion, le directeur des districts de la sûreté et de la garde nationale, le président du bureau régional de l'Utap, des agriculteurs et des propriétaires d'unités de transformation. Les intervenants ont souligné la nécessité de protéger la récolte et surtout l'olivier puisque les voleurs utilisent des barres de fer. Un arbre cueilli par cette méthode peut mettre quatre ans avant de revenir à une production normale. Pour sa part, le directeur du district de la Garde nationale a appelé les agriculteurs à soutenir les efforts de l'Etat en formant des groupes pour assurer la sécurité de leurs oliveraies. Production de margine Cette année, on estime que les unités de transformation vont permettre de produire 320.000 m3 de margine. 220.000 m3 seront stockés dans les dépôts d'Agareb et de Menzel Chaker. «Pour les quantités qui restent, on prévoit l'exploitation de la technique d'irrigation entre les rangées d'oliviers en raison de 50 m3 par hectare. C'est une technique conseillée par l'Institut de l'olivier. Elle sera supervisée par le Crda de Sfax. Une opération très délicate mais pour le moment, elle est urgente. Il faut trouver des solutions à long terme comme l'utilisation de la margine en tant que biocarburant. La recherche scientifique doit se pencher sur ce problème», conclut M. Khbou. L'huile d'olive, un produit stratégique La culture des olives joue un rôle économique et social très important dans la région de Sfax qui compte 6,5 millions d'arbres, soit 10% de l'ensemble des oliviers à l'échelle nationale. Les oliveraies s'étendent sur les 2/3 des terres cultivées dans la région qui se place au premier rang des régions produisant l'huile d'olive (entre 1/3 et 1⁄2 de la production nationale selon les campagnes, triturant même les olives cueillies dans d'autres régions). Cette saison, la production va atteindre 270.000 tonnes d'olives, l'équivalent de 60.000 tonnes d'huile d'olive contre respectivement 160.000 l'année dernière, ce qui équivaut à 35.000 tonnes d'huile d'olive. Elle va offrir 23.000 emplois contre 18.000 l'année précédente. Sfax compte 400 huileries sur un total de 1.750 unités dans le pays. D'après le guide des exportations de Sfax, la culture de l'olivier offre 20% de l'emploi agricole. De ce fait, la filière oléicole est particulièrement porteuse pour le développement urbain et régional. Non seulement elle introduit une dynamique dans l'appareil économique de la région en contribuant au renforcement de ses sources de financement à partir des recettes générées par les tonnages exportés, mais elle assure aussi la réinjection, dans le circuit économique et régional, des rentes dégagées. La filière est de plus réputée pour le nombre d'emplois créés. Cet impact est appelé à s'amplifier avec l'activité de conditionnement de l'huile d'olive pour le marché extérieur. Depuis 1994, les exportations de l'huile d'olive ont été assurées par l'Office national de l'huile et près de 170 exportateurs privés impliqués dans la collecte et la commercialisation de ce produit. S.H.