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La mort pseudo-glorieuse en hausse
Le suicide en Tunisie
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 11 - 2012

Le nombre des cas de suicide enregistrés durant les dix premiers mois de 2012 est de 197
Selon une étude, le taux de suicide par immolation, de décembre 2010 à octobre 2011, est passé de 4% (été 2010) à 38%
Le profil du suicidé type se présente sous forme d'un homme d'une moyenne d'âge de 32 ans, chômeur, célibataire, d'un niveau d'éducation primaire, vivant seul dans des quartiers défavorisés et endurant des conditions économiques en dessous de la moyenne
Mettre fin à ses jours relève, pour certains, de l'incapacité à surmonter une impasse psychologique et existentielle face à laquelle l'on se trouve tant d'une manière imprévisible (comme les chocs émotionnels, le décès d'une personne chère, une dégradation professionnelle ou sociale castrante) que sous forme d'une goutte qui fait déborder le vase des déceptions. Pour d'autres, le suicide est vu comme étant une preuve de courage à décider de son sort et de soumettre son destin à un acte volontaire, quoique autodestructeur. En Tunisie, parler du suicide en tant que phénomène social était considéré comme une manière indirecte d'avouer le mal-être de toute une société et ébranler, ainsi, l'image d'une politique qui se veut d'apparence irréprochable. Il n'était donc pas étonnant de se heurter à l'absence des indicateurs et des statistiques portant sur un phénomène qui dérange et que les autorités vouent à une importance moindre, celle de cas isolés, sans importance aucune.
Puis, un jeune a décidé de se suicider, immolé par le feu, face au gouvernorat de Sidi Bouzid. Mohamed Bouazizi n'était pourtant pas le premier et ne sera pas le dernier à commettre cet acte suicidaire. Pourtant, c'est son acte à lui, filmé et diffusé sur les réseaux sociaux, qui a marqué l'histoire d'une Tunisie à cheval entre la rupture avec la dictature et la lutte —toujours pas évidente— pour la démocratie.
Depuis, le syndrome de Bouazizi ne cesse de proliférer telle une lave grandissante auprès d'une société qui a du mal à résister au traumatisme psychologique, social, sécuritaire même des évènements du 14 Janvier et de ceux qui y ont succédé; une prolifération qui dit long sur le mal-être général mais aussi sur la fragilité de certaines personnes à risque. Selon les chiffres récents fournis par le ministère de l'Intérieur, les cas de suicide enregistrés en 2012 et jusqu'au mois d'octobre sont de l'ordre de 197 contre 285 en 2011, dont 91 cas de suicide par immolation. Le mois dernier, le ministère de l'Intérieur a recensé 13 cas de suicide, dont 4 par pendaison, 3 par ingestion de substances toxiques, deux par chute volontaire dans des puits, un suicide par immolation, un suicide par défenestration, un suicide par arme et un autre cas par l'ascension au sommet d'un poteau électrique.
Généralement, les psychiatres désignent par personnes à risques celles qui ont déjà un antécédent psychiatrique comme les pathologies jugées favorables au suicide telles que la schizophrénie ou les troubles de l'humeur, mais aussi celles qui ont un antécédent lié au suicide. Dans ce dernier cas, il s'agit des personnes qui ont déjà tenté de se donner la mort ou celles dont les familles comptent des suicidants ou des suicidés.
Cependant, cette approche, quoique pertinente, ne s'avère point une règle incontournable. En effet, une étude sur tous les cas de suicide par immolation enregistrés depuis décembre 2010 et jusqu'au mois d'octobre 2011 a permis de démontrer l'aspect imprévisible, sans antécédents, de la plupart des cas notés. «Nous nous sommes penchés sur l'étude de 62 cas de suicide, laissant ainsi de côté quelque 12 autres cas dont les données sont insuffisantes et donc non pertinentes. Nous avons constaté que la majorité des cas étudiés ne présentent pas des antécédents pathologiques. Seuls 30% des cas présentent des cas de dépression et de troubles psychotiques. L'étude a permis également de constater que le phénomène du suicide par immolation a augmenté pour atteindre 38% alors qu'il n'était, à peine six mois avant, en décembre 2010, que de 4%», indique le Dr Inès Derbal, psychiatre et réalisatrice de l'étude.
Se venger de l'injustice, s'autodétruire
Tout comme Bouazizi, les suicidés par immolation cherchaient à exposer leur refus des difficultés —voire de l'injustice— socioéconomiques au grand jour comme un signe ultime adressé à la société et aux parties officielles. Selon l'étude sur les suicides par immolation, 90% des suicidés vivaient dans des quartiers défavorisés, dont 33,8% sont issus du Grand-Tunis, 25% des régions du Sud et seulement 16% des villes côtières. «Il est important de relever que 84% des suicidés ont effectué cet acte dans des lieux publics, ce qui dénote une volonté confirmée de marquer autrui. D'autant plus que 28% des suicidés ont choisi de se donner la mort dans des lieux représentant l'autorité, comme les postes de police et autres», souligne le Dr Derbal. Le principal motif, semble-t-il, ayant poussé ces personnes en détresse à se donner la mort relève des difficultés économiques et de l'incapacité à s'intégrer dans la vie active. En effet, 45% d'entre elles sont au chômage; une situation qui engendre une lésion psychologique de l'image de soi. Dans les cas restants, il s'agit plutôt de conflits inter-personnels ou professionnels. Le suicide par immolation tente surtout la gent masculine avec un taux de 92%, l'âge moyen des cas étudiés étant de 32 ans.
Quel que soit le moyen par lequel on décide de s'autodétruire, quels que soient le temps et le lieu de l'acte fatal, le suicide constitue la concrétisation quasi évidente de tout un projet suicidaire. Cela commence par une idée qui, favorisée par des facteurs à risques ou par une prédisposition héréditaire et pathologique, se trouve de plus en plus ancrée dans l'esprit de la personne en question au point qu'elle se transforme en une véritable obsession. «La crise suicidaire arrive donc au stade de l'évidence, voire de la solution incontournable et salvatrice délivrant le suicidaire de son mal-être», explique le Dr Rym Ghachem, chef de service à l'hôpital Razi.
Si l'étude élaborée par le Dr Derbal montre que la majorité des cas de suicidés enregistrés au centre national des grands brûlés de Ben Arous est dépourvue d'antécédents pathologiques, la plupart des suicidants accueillis à l'hôpital psychiatrique Razi souffrent de pathologies psychiatriques favorables au suicide. En 2009, une étude rétrospective portant sur le suicide et les pathologies mentales suivies à l'hôpital Razi sur 12 ans (1994/2005) a été menée afin d'étudier la prévalence du suicide, de cerner le profil des patients suicidaires ainsi que les facteurs à risques notables et les pathologies les plus suicidogènes.
Les résultats de cette étude ont permis de dresser les grands traits d'un profil significatif. Ils ont été obtenus à partir de l'étude de 38 cas de suicide. En effet, 90% des suicidés souffraient de pathologies psychiatriques au moment de l'acte suicidaire dont 50% de schizophrénie. «Outre la schizophrénie, la dépression constitue une pathologie suicidogène de taille. Cette maladie se définit comme étant la première cause de mortalité dans le monde», souligne le Dr Ghachem. Par ailleurs, si les femmes commettent plus de tentatives de suicide que les hommes, ces derniers arrivent trois fois plus à terme de leur projet fatal. Ils comptent ainsi 82% du nombre des suicidés.
Schizophrène, de sexe masculin, le suicidé type est célibataire dans 65,8% des cas. Son niveau d'éducation est primaire dans 42,1% des cas et vit dans des conditions économiques en dessous de la moyenne dans 84,2% des cas. Dure réalité pour un Tunisien âgé entre 30 et 39 ans dans 32% des cas. Surtout si son malheur est, de surcroît, nourri de facteurs à risques influents comme l'alcoolisme et la toxicomanie. L'absence de prise en charge médicale et familiale ne peut qu'accentuer le sentiment d'isolement et d'aspiration à une fin proche et imminente. L'étude montre, d'ailleurs, que 84,2% des suicidés ne suivaient pas rigoureusement les traitements prescrits et que 71% d'entre eux ne bénéficiaient pas d'une prise en charge familiale appropriée à leur état de santé. Il y a lieu de noter que plus de la moitié des cas étudiés se suicidaient par pendaison.


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