La présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), Néjiba Hamrouni, a exprimé hier, lors d'une conférence de presse qu'elle a tenue avec des membres du bureau exécutif du syndicat, sa peur de la constitution d'une Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) qui serait plutôt dépendante. «La communication qui est parvenue avant-hier au syndicat en provenance de la présidence de la République affirme que la présidence n'est pas tenue de prendre en compte la proposition du Snjt et qu'elle peut choisir les neuf membres et le président de la Haica parmi les différentes propositions qui lui ont été présentées. Sachant que plusieurs propositions ont émané de partis politiques, nous exprimons notre crainte de l'installation d'une instance qui ne soit pas indépendante. Nous avons déployé, depuis deux jours, des efforts pour former un lobbying autour de la défense de l'indépendance de cette instance primordiale comme instance de régulation du secteur», a souligné Néjiba Hamrouni. Pour elle, la question de l'indépendance de la nouvelle Haica est très importante pour l'avenir proche des médias, tout en rappelant la grève générale du 17 octobre réussie à plus de 90% dans tous les organes de presse nationaux comme expression massive des journalistes et des travailleurs dans le secteur contre les agressions répétitives perpétrées à l'encontre des journalistes, et contre les tentatives du gouvernement de mettre les médias sous sa coupe. Selon elle, la communication du gouvernement n'a pas changé en dépit de cette historique grève... C'est dans ce sens que le Syndicat national des journalistes tunisiens réitère ses craintes quant à l'indépendance des médias et notamment ceux de l'audiovisuel à cause de la procédure par laquelle seront choisis le président et les membres de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle. Une composition qui serait annoncée le 10 décembre, à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale des droits de l'Homme, comme l'a annoncé la présidence de la République, et ce, après une série de séances de travail et de concertation ayant réuni le président de la République, Moncef Marzouki, avec plusieurs responsables des médias publics et privés, représentants des instances et syndicats professionnels du secteur ainsi que des experts et spécialistes des médias. Eviter le parallélisme des procédures Pour appuyer sa position quant à l'indépendance de la nouvelle Haica, la présidente du Snjt a évoqué un rapport qui a été préparé par les deux experts Mohamed Ridha Jnayah et Mustapha Ben Ltaïef, respectivement président et membre de la sous-commission chargée des médias au sein de l'ancienne Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Ledit rapport remet en question plusieurs points dans les projets présentés pour amender l'article 116 dont notamment l'article 7 qui, selon lui, «a une visée sectorielle privilégiant certaines parties au détriment d'autres et ne prend pas en considération que la Haute instance a des tâches relatives principalement aux contenus dont les auteurs sont des journalistes. D'où il est inacceptable que les organisations des journalistes soient représentées par un seul membre alors que les autres professions audiovisuelles non journalistiques sont représentées par trois membres. Cela fait abstraction de la nature de l'instance, de ses fonctions initiales et de sa spécialité», poursuit le rapport. Pour sa part, le secrétaire général du Snjt, Mongi Khadraoui, a affirmé que si cette instance régulatrice n'est pas démocratique, elle ne sera pas à la hauteur des tâches qui lui incombent. «Dans ce cas, il y aura certainement un problème de parallélisme des procédures. Et nous présentons nos deux candidats, indépendants, selon les articles 6, 7 et 8 du décret n° 116. Nous tenons à ce que nos candidats soient présents dans la formation de la Haica. Dans le cas où on ne respecterait pas les procédures telles qu'elles sont stipulées dans le décret n° 116, nous aurons deux solutions. La première est de recourir à la justice, la seconde est syndicale pour défendre l'indépendance de cette instance. A ce moment-là, nous convoquerons une assemblée générale extraordinaire pour consulter les journalistes qui sont tous concernés par cette question», a ajouté Mongi Khadhraoui. L'Inric refait surface Plusieurs autres questions ont été évoquées lors de cette conférence dont la situation à la radio et à la télévision nationales où certains dossiers sont pratiquement clos et d'autres, à l'instar du dossier des animatrices Najoua Zouhair et Nadia Haddaoui, licenciées illégalement de la radio, ne font que perdurer devant le blocage pour lequel opte la direction de la radio. Par ailleurs, était également présent à la conférence le président de l'Instance nationale de réforme de l'information et de la communication (Inric), Kamel Laâbidi. Ce dernier est venu confirmer l'existence de cette instance qui s'est autodissoute le 4 juillet 2012. Il a indiqué que l'Inric est actuellement en contact permanent avec la société civile, l'Assemblée nationale constituante et la présidence de la République, réaffirmant que pour que l'Inric soit légalement dissoute, un décret doit être publié.