L'Organisation nationale de l'enfance de Tunisie (Onet) va à la dérive. C'est du moins ce que signifient les propos accusateurs avancés par M. Fayçal Mahbouli, consultant expert, conseiller au commerce extérieur et membre du conseil national de l'Onet à La Presse. Depuis quelques mois, les échos d'une corruption au sein de l'Onet circulent dans les médias, dénonçant des abus financiers qui fragilisent cette organisation, jugée pourtant par M. Mahbouli comme l'une des organisations les plus fortunées de notre pays. En effet, après la désapprobation lors du congrès national de ladite organisation, en date du 2 septembre 2012, du rapport financier en raison de certains points d'interrogation, et suite au cambriolage du siège de l'Onet que certains soupçonnent comme prémédité pour détruire toute preuve comptable susceptible de dévoiler les abus commis, les responsables de l'Onet ont passé la vitesse supérieure en ayant recours au licenciement de quatre ouvriers. En effet, MM. Ibrahim Ben Khlifa, Abdelkader Jemaâ, Ammar Neffati et Hadi Kochbati ont été mis à la porte après des années d'activisme à l'Onet, et ce, suite à la médiatisation d'informations qualifiées par M. Tijani Ben Dhaou, président de l'organisation, comme non fondées. «Ces ouvriers ont travaillé durant de longues années à l'Onet. Aujourd'hui, le budget de l'organisation est fragilisé par l'absence de l'appui de l'ancien régime. Aussi, l'Onet a-t-elle décidé d'exempter ces ouvriers de leurs missions. Scandalisés par cette décision qui menace leur gagne-pain, ces derniers ont opté pour un ton agressif — ce qui est normal, il faut les comprendre — suite à quoi, la commission les a traduits devant le conseil de discipline», explique le Pr Mokhtar Laâbidi, universitaire et secrétaire général de l'Onet. Cependant, cette action en dit long sur les cheminements de l'organisation vers la dérive. La corruption la ronge telle une tumeur, l'empêchant ainsi de payer ses dettes et de verser les salaires de son personnel. « La corruption dont souffre l'Onet, indique M. Mahbouli, est telle que l'organisation arrive carrément à un état de désastre financier, la contraingant à lancer par voie de presse un cri de secours ». Il faut dire que les soupçons sont quasi confirmés par l'absence de documents pouvant les chasser. Selon le Pr Mokhtar Laâbidi, la transparence fait défaut dans cette organisation depuis 2005. « Pas de procès- verbaux documentant les réunions, des traitements avec des personnalités virtuelles, notamment dans les institutions nationales, ainsi que des lacunes financières flagrantes font que la situation dans laquelle se trouve l'Onet est critique. Pour la première fois dans l'histoire de cette organisation, le rapport financier a été désapprouvé par les membres. Nous avons recommandé un audit extérieur pour décortiquer ce problème. Mais la présente commission a suggéré un audit interne, ce qui n'est pas logique et encore moins efficace », indique M. Laâbidi. M. Mahbouli cite à titre indicatif l'acquisition, par l'Onet, d'un bus qui ne coûte pas plus de 27 mille dinars, alors que les responsables avancent un prix non fondé qui s'élève à 48 mille dinars. « Nous avons voulu examiner les documents relatifs à l'achat de l'engin, en vain: aucune preuve sur l'achat du bus», fait-il remarquer. Pis encore: l'Onet a concocté en partenariat avec un fonctionnaire au sein du ministère des Affaires étrangères des colonies de vacances pour Paris en faveur de 10 ou de 15 enfants. Les parents des chérubins ont payé près de 16,8 mille dinars à cet effet. « Or, aucune preuve documentée n'exsite sur cette collaboration. Les parents vont éventuellement porter plainte contre l'Onet», indique M. Laâbidi. Par ailleurs, les cotisations non payées à la Cnss depuis des années sont estimées, selon M. Laâbidi, à plus de 70 mille dinars. L'irrégularité au niveau du versement des salaires, faute d'argent et l'état délabré dans lequel se trouve l'Onet, autant de problèmes qui semblent résulter des abus financiers exercés au sein de l'organisation. « Le versement des salaires n'est assuré souvent que suite à l'intervention des autorités régionales. La situation dans laquelle se trouve l'Onet préoccupe maintes institutions. Aussi, le gouverneur de Ben Arous est-il intervenu récemment auprès de la direction de l'Onet pour s'opposer au renvoi jugé comme abusif des ouvriers. De son côté, le ministère des Affaires de la femme et de la famille a décidé d'interrompre toute collaboration avec l'Onet. Par ailleurs, le dossier relatif à la corruption est actuellement entre les mains du ministère des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières», ajoute M. Mahbouli. Il est également à souligner que le ministère de la Jeunesse et des Sports a octroyé à l'Onet une subvention d'une valeur de 60 mille dinars, et ce, en vue de régler le problème salarial au sein de cette organisation. « Juste après l'obtention de cette somme, quatre ouvriers ont été mis à la porte. Pourtant, le problème salarial promet d'être résolu, du moins provisoirement. Mais je pense qu'ils préfèrent garder l'argent pour leurs propres intérêts», renchérit l'interlocuteur. M. Mahbouli précise également que, contrairement à ce qu'a avancé le responsable de la communication relevant du bureau régional de Kairouan qui a indiqué que le rapport financier présenté, lors du congrès national de l'Onet, a été approuvé par la Cour des comptes, M. Abdelkader Zgolli, premier président à la Cour des comptes a nié cette déclaration, en précisant que la Cour des comptes n'est pas habilitée à approuver un rapport financier, mais plutôt à le contrôler.