Les enseignants du secondaire sont venus en grand nombre hier, deuxième jour de la grève, devant le siège du ministère de l'Education à l'avenue Bab Bnet, où ils ont remué ciel et terre pour faire entendre leur voix. Mais en vain! Leur ministre, M. Abdellatif Abid n'a pas bougé le petit doigt. Il ne leur a même pas prêté oreille. Selon lui, la grève est injustifiée, n'ayant aucune raison d'être, considérant que seuls les canaux du dialogue pourraient aboutir à des solutions. Alors que le Syndicat général de l'enseignement secondaire vient de révéler que les rounds de négociations ont fini d'avoir lieu entre les deux parties et que le ministère de tutelle n'a pas honoré ses engagements, beaucoup d'élèves et de parents se sont déclarés contre ce mouvement jugé irresponsable et précipité. Il intervient au moment des préparatifs des examens avec un taux de réussite estimé à plus de 93%. Vers midi, les grévistes se sont déplacés, dans une manifestation de protestation, à la place Mohamed-Ali au siège de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt), où ils se sont massés en grand nombre pour faire pression sur le ministère. Ils ont scandé de multiples slogans portant autant de messages révélateurs de signes de mécontentement et de colère, mais aussi d'un attachement indéfectible aux droits des enseignants. «Oui pour le respect des négociations, non à la négligence des résultats d'accords», «Promesses non tenues, l'intégration des suppléants est la seule solution», «Ministre dégage !, «Ecole publique, culture citoyenne et enseignement démocratique», «Retraite à 55 ans, un droit, l'intégration des suppléants est un devoir», et bien d'autres slogans incitateurs à la recrudescence. Interrompu à maintes reprises par une nouvelle vague de slogans, le discours improvisé du SG du syndicat, Lassâad Yaâkoubi, a été longuement applaudi. Criant haut et fort, M. Yaâkoubi a plaidé pour le renforcement du secteur et pour une véritable gratuité de l'enseignement, afin que l'école publique puisse redorer son blason et reconquérir la confiance de ses élèves et leurs parents. L'objectif, selon lui, est de reconstruire l'image d'une institution éducative, à la hauteur des revendications de la révolution. Afin qu'elle porte en son sein la cause d'une nation, transmettant, de la sorte, le flambeau de la citoyenneté et du civisme aux générations futures. «Nous voulons hisser notre école à des paliers supérieurs pour garantir à nos enfants un avenir radieux», poursuit-il. C'est pour cela, a-t-il ajouté, qu'ils insistent aujourd'hui sur la réforme du secteur et la régularisation de la situation de ses professionnels pour améliorer leurs compétences pédagogiques et promouvoir leurs conditions de vie. Les grévistes ont repris du souffle pour répéter les mêmes slogans, promettant de tenir bon et d'aller jusqu'au bout. M. Boulbaba Hammami, professeur d'enseignement technique au collège Sadiki, affirme que cette grève est une faute grossière que le ministère de tutelle doit assumer, car selon lui, elle n'aurait jamais dû avoir lieu, étant donné que les négociations engagées avec le syndicat avaient abouti à des conventions en vertu desquelles toutes ces revendications seraient été satisfaites. Et le secrétaire général de l'enseignement secondaire relevant de l'Ugtt de rappeler que cette grève est intervenue en l'absence d'un ultime accord avec le ministère de tutelle au sujet des revendications— objet de ce mouvement de protestation. Celles-ci portent essentiellement sur les avancements professionnels, l'allègement des heures de travail en fonction des années d'ancienneté, le départ à la retraite à 55 ans après 30 ans de service, et l'approbation de la prime dite de «pénibilité» dont le montant est de l'ordre de 150 dinars, eu égard, à l'en croire, à la spécificité du métier et au caractère lassant qu'il revêt. Cela, outre l'abaissement de l'âge de la retraite volontaire à 55 ans qui permettrait d'ouvrir de nouvelles voies d'embauche aux jeunes demandeurs d'emploi. «De telles décisions promotionnelles pourraient, ainsi, créer d'ici 2015 quelque 25 mille nouveaux postes d'emploi, ce qui équivaudrait à environ deux points de croissance », estime-t-il. Ce que demandent les enseignants, a-t-il réitéré, est le retour à la table des négociations et l'engagement du ministère de l'Education et celui de la Jeunesse et des Sports à respecter les conventions qu'avaient déjà signées avec le syndicat. Sinon, à ses dires, l'escalade se poursuivra et les protestations vont prendre un nouvel élan, dénonçant, à cet effet, l'introduction des agents de sécurité pour demander aux directeurs de certains lycées la liste des grévistes, ce qui rappelle, selon lui, les anciennes pratiques de la police politique. Pour conclure, M. Yaâkoubi a annoncé la tenue d'une réunion, au cours de la semaine prochaine, de la commission administrative sur les événements.