Par Noureddine KETARI Tout a été dit sur la Caisse de compensation qui intervient pour adoucir les prix des produits alimentaires, du transport, des engrais, de l'eau et surtout de l'énergie ainsi que sur le gaspillage des ressources qu'elle représente : 20% environs du budget de fonctionnement de l'Etat ! Des moyens financiers importants prévus pour aider les categories les moins aisées mais qui finissent par profiter davantage aux categories sociales et même aux entreprises qui pourraient s'en passer. Il est temps d'orienter ces montants vers le financement des projets productifs et créateurs d'emplois. Pour le seul secteur de l'énergie, il s'agit de 2 500 milliards de dinars rien que pour les subventions directes et d'un montant équivalent pour les entreprises pétrolières ! Nous savons par ailleurs que la Caisse de compensation est «un produit politiquement dangereux», qui doit être manipulé avec beaucoup de précaution. Mais cela n'interdit pas d'imaginer des moyens pour réduire ses charges ou même de les empêcher d'augmenter, sans attendre «les études stratégiques» et les avis des consultants, qu'ils soient nationaux ou internationaux. L'énergie photovoltaique ou «électricité solaire» offre en effet un domaine où une action, menée avec succès par l'Agence nationale pour la maîtrise de l'énergie et la Steg a fait la démonstration qu'il est possible de réduire les charges de la Caisse de compensation : Le programme «Prosol-Elec » géré conjointement par ces deux organismes permet l'accès du consommateur qui décide de produire lui même sa propre électricité grâce au recours à l'énergie solaire, à une subvention et à un crédit bancaire. Ce crédit est garanti par la Steg et est réglé sur 7 ans dans le cadre des factures d'électricite. Les installateurs et les produits proposés sont soumis à agrément. Des campagnes d'information, de formation technique, de coaching sont menées par l'Anme, la Steg et les installateurs eux-mêmes. Les installations sont receptionnées par la Steg. L'électricité produite sur votre toit est livrée directement à la Steg et sa valeur est déduite de votre facture periodique. Du coup, le consommateur échappe définitivement aux prochaines augmentations du prix de l'électricité ! Une centaine d'entreprises ont vu le jour, des emplois sont créés et se développent. La crédibilité du systeme et la satisfaction des consommateurs attestent du succès de ce programme. C'est l'exemple type d'une action pilote, menée avec efficacité et rigueur, et qui mérite d'être étendue. L'approche est identique pour l'énergie solaire thermique. Le chauffage de l'eau sanitaire par l'énergie solaire est un phénomène banalisé à travers le monde. En Tunisie, l'Anme et la Steg ont réussi à développer et à satisfaire une demande. Le projet tunisien Prosol mis en place depuis 2005 est un modèle de promotion de l'énergie solaire thermique mondialement reconnu. Ce qu'il faut retenir c'est que toutes les fois qu'une installation solaire thermique ou photovoltaïque entre en production, la charge de la Caisse de compensation est définitivement réduite à concurrence de l'énergie solaire produite puisque chaque Kwh produit et vendu par la Steg est subventionné. Ce succès permet d'envisager d'aller plus loin pour réaliser un triple objectifs à plus grande échelle : – Réduire la facture énergétique au niveau national, – Réduire la facture de la consommation d'électricité pour les abonnés de la Steg – Réduire d'une manière significative la charge de la Caisse de compensation dont le poids sur le budget devient insupportable. Comment procéder concrètement? 1- L'établissement d'un tarif fortement progressif, en fonction du volume des consommations d'électricité, ferait qu'à partir d'un palier à définir, les très gros consommateurs résidentiels auront le choix entre payer le juste prix — non subventionné — de l'électricite ou de s'équiper en installation photovoltaïque. Au-delà d'un autre plafond à déterminer, cela pourrait même devenir obligatoire. 2– Toutes les nouvelles residences dont la consommation prévisionnelle serait supérieure à un palier donné devraient être obligatoirement équipées d'installation photovoltaïques . 3– Rendre obligatoire les chauffe-eau solaires dans «les nouvelles constructions résidentielles» quel qu'en soit le standing et en faire une condition au raccordement à la Steg. Plusieurs pays méditerranéens l'ont fait, l'Anme a étudié ces expériences et serait en mesure de mettre cela en application sans difficultés notables. L'impact sur le prix des nouvelles constructions sera négligeable Ces deux mesures sont équitables et rentables à la fois pour le budget de l'Etat et pour le consommateur qui se soustrait ainsi à toutes les augmentations prévisibles du prix du KWh. Doter les 20.000 logements sociaux en cours de lancement, d'un KWc et d'un chauffe-eau solaire accentuerait le caractère social des logements et serait une opération de promotion de l'énergie solaire dont l'Etat serait le premier à récolter les fruits 4– Réduire jusqu'à supprimer, par la même démarche tarifaire, l'accès non justifié et inéquitable des visiteurs à la compensation. 5– Le plan solaire lui-même pourrait être repris pour être basé davantage sur l'implication des consommations résidentielles. Cela revient à faire contribuer une large couche de la population au financement de la production de l'énergie. Les propositions ci-dessus reviennent à dire que: – Il s'agit pour l'Etat de diminuer progressivement le montant de la subvention à la consommation du Kwh-Steg et de le remplacer en partie par une subvention du coût de l'installation photovoltaïque pour les ménages à faible revenu. La subvention est donc servie une seule fois, et pour les petits consommateurs seulement. – Au final, la Steg recevrait la production d'une centrale installée sur les toits de ses propres clients et financée par leurs soins. A moyen terme, la Tunisie pourrait ainsi – Développer la demande auprès des usines tunisiennes de panneaux photovoltaïques et de chauffe-eau solaires — développer le marché pour les entreprises d'installation, les bureaux d'études et de contrôle et de maintenance qui se sont engagés dans le secteur, qui continueront à créer des emplois. C'est un début de solution, pour montrer que les solutions existent. Des moyens existent pour soulager la Caisse Cela signifie simplement que la Caisse de compensation n'est pas une fatalité, et que des moyens existent pour réduire son poids qui, non seulement ne fâchent pas les consommateurs mais les réconfortent autant qu'ils soulagent le budget de l'Etat. La même démarche est en effet applicable pour l'eau comme pour d'autres articles ou des mesures d'économie dans les consommations résidentielles, industrielles, agricoles, touristiques peuvent être mises en place pour reduire le montant des consommations et surtout le montant des compensations. La mesure la plus efficace serait le recours aux techniques d'économie d'eau que le Canada, qui est loin de se plaindre de la sécheresse, a déjà mis en œuvre : accessoires économiseurs d'eau au niveau des équipements sanitaires, et des modes opératoires . Les arbitrages entre les différentes demandes d'eau selon les régions et les secteurs, que ce soit pour l'hôtellerie, l'irrigation, les piscines privées par rapport aux besoins des populations et des animaux en eau potable, peuvent se faire par le biais des tarifications et de la réglementation et même de l'allocation des ressources. L'on peut imaginer d'autres créneaux pour empêcher les charges de compensation d'augmenter puis de les réduire. La Caisse est en tout cas loin d'être une fatalité.