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«Il n'y a pas de démocratie sans tolérance politique»
Entretien avec Mustapha Kamel Nabli
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 02 - 2013

S'élevant au-delà des clivages (politiques et économiques), Mustapha Kamel Nabli lance un certain nombre de pistes pour faire sortir le pays du marasme économique et du blocage politique dans lesquels il sombre. Gouvernement de technocrates, violence politique, endettement, inflation...: au-delà des opinions tranchées qu'il a sur toutes ces questions brûlantes, Mustapha Kamel Nabli insiste sur le primat du politique sur l'économique, sur l'implication de tous dans la gestion de la crise politique... Véritable feuille de route d'un patriote qui interpelle la classe politique et ne laisse guère indifférent ? Une alternative en cas d'échec de l'initiative Jebali? Ou plutôt une entreprise de long terme qui veut ménager l'avenir ? L'ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie s'en défend, même s'il se dit toujours prêt à servir un pays qui lui a beaucoup donné. Interview.
Il y a quelques jours, le quotidien français Les Echos titrait «L'économie tunisienne déstabilisée par la transition chaotique». Qu'en pensez-vous?
On ne peut, à vrai dire, pas parler d'une économie tunisienne déstabilisée. La situation est cependant très fragile. Nous avons passé deux années difficiles en pensant qu'au bout de ces deux années, les choses devraient et allaient se stabiliser et que la reprise serait au-rendez-vous. Aujourd'hui, en ce début d'une troisième année de transition, la situation est malheureusement bien plus précaire qu'elle ne l'avait été il y a deux ans. Et cela, à mon sens, pour deux raisons: non seulement les perspectives sont difficiles mais les conditions qui nous ont permis de passer le cap en 2011-2012 ne sont plus là. Les marges de manœuvre qu'on avait alors ont presque totalement disparu. Au niveau des finances publiques, nous avions un niveau de dette raisonnablement bas. Aujourd'hui, la dette publique représente 46% du Pib et sera probablement de 48 à 50% en 2013. La capacité de l'Etat à s'endetter est donc plus restreinte et les possibilités de financements extérieurs sont plus limitées qu'elles ne l'avaient été il y a deux ans. De même, au niveau des paiements extérieurs: les réserves de changes couvraient jusqu'à 140 jours d'importation et le taux d'endettement était relativement faible. Deux années après, nos réserves de changes sont beaucoup plus faibles, notre endettement extérieur est plus élevé et notre capacité à s'endetter davantage est plus limitée. Troisième constat : nous avons commencé avec un niveau d'inflation relativement faible, 3,5%, et nous sommes aujourd'hui à un taux d'inflation de 6%. Par conséquent, la possibilité d'une politique plus expansive, qu'elle soit monétaire ou budgétaire, est plus difficile aujourd'hui. Enfin et en termes de marges de manœuvre, l'état de santé du secteur bancaire national est plus précaire. Celui-ci avait, à la fin de 2010, une situation de portefeuilles qui n'était pas très bonne avec un niveau formel de créances accrochées de 13%. Les résultats vont montrer que pour 2012 le niveau de ces créances classées va être beaucoup plus important. La capacité du système bancaire à financer l'économie et l'entreprise est donc aujourd'hui plus limitée et plus restreinte qu'il y a trois ans.
Les perspectives sont encore brouillées. En ce sens que deux moteurs importants de la croissance sont aujourd'hui en panne, à savoir l'exportation et l'investissement. L'exportation avec notamment un secteur du tourisme sinistré, un secteur d'extraction du phosphate et produits dérivés en difficulté et qui est toujours sujet à des perturbations sociales et une industrie manufacturière qui souffre d'un manque en investissements et des marchés en crise. Pour ce qui est de l'investissement, nous voyons qu'il continue d'être en berne, surtout l'investissement privé et cela est certainement imputable au manque de visibilité et de manque de confiance en l'avenir chez les investisseurs qui est dû à son tour à l'incertitude politique, sécuritaire, sociale... Reste la consommation, publique et privée, celle-là même qui avait permis de surmonter en partie le cap de 2011-2012. Mais les perspectives en 2013 de cet autre moteur de la croissance sont hypothéquées. La capacité de l'Etat à augmenter ses dépenses sont en effet limitées en raison de la contrainte des finances publiques. La propension des ménages et des particuliers à consommer sera quant à elle forcément réduite, car selon toute vraisemblance il n'y aura pas de nouvelles augmentations salariales et les capacités de financement et d'endettement sont plus restreintes pour les ménages. Vous voyez que j'utilise beaucoup les termes de «contraintes», «limites», ou «restreintes» pour signifier toutes les difficultés que nous allons rencontrer à agir pour faire face aux défis économiques.
Quelles sont alors, à votre avis, les voies et les pistes à explorer pour une sortie de crise ?
La sortie de crise passe en premier lieu par un retour de la stabilité, stabilité politique, sécuritaire et sociale. C'est une condition absolument nécessaire à la reprise. Un retour de la stabilité permettrait d'abord un regain de confiance des opérateurs économiques. La stabilité politique permettrait aussi à un gouvernement stable et légitime de prendre les mesures nécessaires. Ce qu'on a vu au cours des derniers mois, c'est pratiquement un blocage dans les décisions économiques. Or, pour qu'il y ait reprise économique, il y a beaucoup de décisions qui doivent être prises et des décisions courageuses parce qu'elles ne seront pas forcément et toujours faciles à faire accepter et à faire passer.
Viennent, ensuite, les décisions économiques elles-mêmes. A mon sens, il existe quatre priorités ou urgences auxquelles il faudrait répondre à court terme. Il faudrait en premier lieu mettre en place un plan d'urgence pour la reprise des exportations, notamment pour le secteur sinistré du tourisme et le secteur des phosphates. Ensuite, il faudrait tout faire pour éviter d'entrer dans une spirale inflationniste. Tout comme la spirale de violence, on sait comment y entrer mais on ne sait pas comment s'en sortir. Il faudrait à cet égard que la politique monétaire soit plus restrictive qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant et que des mesures claires soient prises pour mieux réguler les circuits de distribution et faire face aux activités de contrebande. Troisième priorité : un plan clair pour sauvegarder les finances publiques et éviter les dérapages. Il est en effet probable que si l'on continue à s'inscrire dans ce qui est prévu dans le budget de l'Etat, le déficit sera bien plus important que les 5.9% annoncés. A mon sens, le déficit implicite est beaucoup plus élevé. Ce déficit devra donc être maîtrisé soit par une action sur les dépenses de subventions et des dépenses de salaires, soit par une mobilisation de ressources supplémentaires, ce qui est difficile dans les conditions actuelles avec le risque que cela comporte en termes d'aggravation de l'endettement extérieur et des perspectives négatives de la notation souveraine du pays. Quatrième priorité : la mise en place d'un plan d'assainissement, de recapitulation et de réformes structurelles profondes dans le secteur des banques, celles publiques en particulier et dans certaines banques privées, qui ont besoin d'être recapitalisées et renforcées au niveau de leurs fonds propres et de leurs méthodes de gestion... Cela étant, il est évident que la question du développement régional, qui est à la fois une priorité économique et sociale, doit être au cœur de ce plan d'action. Il faudrait dans ce sens impulser plus et surtout mieux l'action en matière de développement régional. Je ne pense pas que c'est une question de crédits. Les financements existent, mais c'est une question d'exécution et de priorités et qui mérite une gestion très rapprochée de la part du gouvernement.
Cela a tout l'air d'un programme que vous préconisez pour le prochain gouvernement...
Oui, c'est un programme d'action sur le court terme.
Quels sont, dans l'immédiat, les préalables à la mise en place de ce programme d'action à court terme ?
J'insiste encore, la stabilité politique est à mon sens le socle sans lequel aucune politique de redressement et de développement ne peut se construire. Il y a à cet égard trois questions fondamentales qui doivent être traitées et résolues d'une façon claire. La question de la violence en premier lieu. Il faudrait qu'il y ait un accord et un consensus national très fort sur le rejet de la violence comme moyen d'expression et d'action politique. Il faudrait qu'il y ait un mécanisme pour que cela soit mis en œuvre. C'est une des priorités fondamentales du prochain gouvernement avant même toutes les questions économiques dont j'ai parlé. Quand le rejet de la violence devient partagé par tout le monde, cela crée le cadre nécessaire pour la reprise de la confiance et de la stabilité. La stabilité politique nécessite aussi un consensus sur le calendrier politique : rédaction de la Constitution et promulgation des lois nécessaires pour l'organisation des élections. C'est extrêmement important car cela permet de donner à toutes les parties une visibilité sur les prochains mois. Toutefois, au-delà de l'impérieuse nécessité d'un fort consensus sur le rejet de la violence politique et d'un consensus sur le calendrier politique, il est aujourd'hui primordial et il nous revient à tous de casser et de rompre cette tendance à la division et à la polarisation qui a caractérisé la dernière étape. Il faudrait observer un retrait par rapport à cette démarche et rechercher ce qui nous unit plutôt que ce qui nous sépare. C'est extrêmement important pour calmer les esprits, consolider la confiance et donner beaucoup plus de sérénité au citoyen tunisien quant à son appartenance, ses institutions et ses perspectives..
C'est un peu de cet esprit que procède l'initiative du chef du gouvernement Hamadi Jebali...
Le chef du gouvernement a réalisé que la continuation de la politique et des pratiques suivies depuis quelques mois menait le pays droit vers la catastrophe. La manière avec laquelle ont jusqu'ici été appréhendées les questions de la violence politique, du calendrier politique et de la polarisation de la vie politique, risquait de conduire le pays droit au mur. Je pense cependant que ces questions transcendent la simple dimension d'un gouvernement de technocrates. Le traitement de ces questions de fond est une responsabilité généralisée à l'ensemble des partis politiques, à la société civile et à tous les citoyens qui doivent s'exprimer et faire entendre leur voix. Ce qui s'est passé ces derniers jours à la suite de l'assassinat politique du martyr Chokri Belaïd a donné aux citoyens l'occasion de s'exprimer et de dire «stop, ça suffit !». Aujourd'hui, personne, aucun chef de gouvernement, aucun parti politique ne peut répondre à lui tout seul à ce cri. C'est donc une action collective qui nécessite que chacun reprenne un peu ses esprits et ses distances par rapport aux intérêts personnels et placer l'intérêt national au-dessus de toutes les considérations.
La cause est pourtant entendue. Elle semble même faire depuis le 6 février 2013 l'unanimité au sein de la classe politique...
Les partis politiques d'opposition et la troïka au pouvoir disent à ce titre la même chose. Le problème est qu'il y a souvent un décalage énorme entre l'action et les déclarations. Il faut casser les murs qui se sont érigés ces derniers temps entre les différents partis politiques. Il faut que tout le monde accepte tout le monde, les rejets réciproques ne sont pas constructifs. Le mouvement Ennahdha représente une sensibilité importante, c'est un parti qui existe, qui est implanté et qui continuera à exister mais les autres partis aussi, le Front populaire et Nida Tounes... Il n'y a pas de démocratie sans tolérance politique. Et c'est là le message essentiel. Certains, par calcul ou même par conviction, interprètent les choses différemment, en mettant en exergue la « peur de la contre-révolution». Il faut à cet égard que les acteurs politiques s'engagent à respecter et à défendre l'esprit et les objectifs de la révolution, à savoir la liberté, la dignité et le progrès, et à ne jamais permettre la possibilité d'un retour à une dictature quelle qu'en soit la nature. Sur cette base, il y a de la place pour tout le monde qui adhère à ces principes sur l'échiquier politique national.
Il faudrait une formidable énergie mobilisatrice et peut-être bien une personnalité nationale fédératrice pour que tout cela soit possible. Qu'en pensez-vous?
Cela ne se décrète pas. Si des personnalités émergent, ce serait extrêmement positif et utile, mais nous ne devrions pas nous attendre à des miracles. En attendant, il faut que tout le monde fasse son travail afin que le pays puisse enfin sortir de la crise.
Quelle serait à vos yeux la composition idéale d'un éventuel gouvernement de compétences?
La compétence n'est pas seulement dans la capacité à formuler des idées et élaborer des solutions mais elle réside aussi dans la capacité à les exécuter et à gérer les situations qui en découlent. La compétence signifie une capacité à diagnostiquer le problème, à définir la solution et à appliquer cette solution au problème posé. Ces compétences doivent être immédiatement opérationnelles, c'est-à-dire des compétences capables de se jeter immédiatement dans l'action, d'agir et de réaliser.
Quel est votre positionnement personnel dans toute cette « grande cuisine » ?
Permettez-moi de vous dire clairement que je ne me positionne pas ! Je suis quelqu'un qui agit lorsque je vois que je peux être utile. Cela a toujours été ma ligne de conduite, ma conception de la vie et de la chose publique. Cela est peut-être frustrant pour certains, mais je suis ainsi. Mon seul engagement politique est pour le bien public et pour la Tunisie. Un point c'est tout. Ce pays m'a beaucoup donné et je suis toujours prêt à lui rendre un tant soit peu..


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