Bien que l'Algérie soit à l'honneur cette année, la Tunisie lui volera la vedette, en quelque sorte, du fait de la révolution du 14 janvier et de ce qu'elle a inspiré comme œuvres littéraires et analytiques. «Le Maghreb des livres» (MDL) met chaque année à l'honneur, depuis 2001, l'un des trois pays du Maghreb. Après le Maroc en 2012 et avant la Tunisie en 2014, ce sont les lettres algériennes qui seront mises à l'honneur en 2013, à l'hôtel de ville de Paris. Cela dit, la Tunisie sera présente aujourd'hui et demain, 16 et 17 février, à travers trois maisons d'édition (Ceres, Elyzad et Démeter), ainsi qu'un grand nombre d'auteurs (tunisiens) d'ouvrages sur la Tunisie avant et après la révolution tunisienne, et d'auteurs étrangers intéressés par l'actualité tunisienne avant et après le 14 janvier 2011. Tunisie, la route des jasmins Parmi les invités cette année, sera présent Jaloul Ayed avec son récent livre Tunisie, la route des jasmins. Connu pour être un grand mélomane, auteur notamment de la symphonie Hannibal Barca, Jaloul Ayed, l'homme de finances, revient sur la date du 28 janvier 2011, où il est rappelé en Tunisie en tant que ministre des Finances du gouvernement transitoire. Dans son livre, il répond à une multitude de questions : la Tunisie peut-elle parvenir à résorber un problème structurel comme le chômage? Quels sont les chemins possibles vers une économie soutenable sur le long terme? Comment concilier les impératifs nationaux et les exigences d'une économie mondialisée ? Echo aux débats contemporains Tunisie, un siècle d'images (1857-1956) est l'intitulé d'un ouvrage cosigné par la spécialiste du monde arabe contemporain et de l'histoire coloniale Fériel Ben Mahmoud et la chercheuse algérienne et professeure d'histoire Michèle Brun. Les auteures s'intéressent dans leur livre à l'identité et à la culture de la Tunisie devenues, au lendemain de la révolution, des enjeux politiques. Faisant écho à ces débats contemporains, les images rassemblées qui couvrent un siècle d'histoire tunisienne sont autant de clés permettant de mieux comprendre un pays, à travers une très riche iconographie qui offre une vue d'ensemble de la Tunisie rarement proposée. Le Maghreb des livres sera marqué également par la présence de l'écrivain et homme politique Habib Boularès avec son dernier ouvrage Histoire de la Tunisie : les grandes dates, de la préhistoire à la Révolution. Ce livre se lit comme un roman, s'étudie comme un manuel, se feuillette comme un album offrant une présentation de tout ce que l'on doit savoir de l'histoire d'un des plus vieux pays du monde. Le MDL 2013 sera aussi une occasion pour les lecteurs de prendre connaissance du livre de Habib Mellakh, Chroniques du Manoubistan, qui revient sur l'affaire du doyen Habib Kazdaghli. Ce livre se veut un véritable journal de combat et de défense des valeurs humanistes, soit un hymne à la liberté et à la résistance des hommes et femmes du savoir, de la culture et des arts. Figures emblématiques Outre les ouvrages d'histoire et à vocation politique, le Maghreb des livres, dans sa version 2013, sera une occasion pour découvrir aussi le roman et la poésie de Tunisie. Le grand poète tunisien Tahar Bekri sera présent avec son dernier recueil Au souvenir de Yunus Emre dans lequel il réaffirme avec modernité la liberté humaine. Loin des visions et des dogmes obscurs, le recueil célèbre la vie, l'amour et la paix sur terre, dans un questionnement profond du monde, de la société et du pouvoir, dans un dialogue exigeant avec l'actualité dans une Tunisie sous tension. Etant l'une des références dans la littérature tunisienne, la romancière Azza Filali y prendra part avec son ouvrage Ouattan (Patrie), un livre qui, sur fond d'affairisme vorace, de chômage et de corruption, décrit une rencontre entre trois êtres qui va infléchir leur destin, ouvrant à chacun un nouveau départ, ténébreux ou inespéré. Hôtel Miranda, premier roman d'Iman Bassalah, journaliste et écrivaine, vivant entre la France, l'Italie et la Tunisie, sera aussi de la partie. La révolution du Jasmin n'a pas encore eu lieu quand, après un séjour dans une geôle tunisienne, Selma, 20 ans, monte dans une embarcation incertaine pour Lampedusa. La disparition mystérieuse de Yamen, son fiancé, la pousse à mettre les voiles dehors pour regagner Paris, sa dernière raison de vivre. Louise, photographe parisienne, a décidé qu'elle ne passerait pas un 14 Juillet de plus enfermée dans son couple. Elle abandonne mari, enfants et vie aisée. Les deux fugitives vont partager un terminus provisoire à Montreuil : l'hôtel Miranda. Un bouge sans étoiles où l'humanité brillera, à travers des personnages solaires au passé triste. Un foyer où Selma et Louise entament, au milieu des autres, l'ultime voyage vers la liberté. Livres biographiques Dans la catégorie des livres biographiques, les lecteurs auront à découvrir La dernière odalisque de Fayçal Bey, le petit-fils du dernier bey de Tunis. Traduit en plusieurs langues, ce livre connut un grand succès lors de sa sortie en 2001. L'auteur y évoque l'histoire de sa grand-mère, Safiyé, dont il ne sait rien de ses origines. Il raconte : «Lorsque, enfant, je questionnais notre entourage, on me répondait d'un ton mystérieux qu'elle était une odalisque». Fayçal Bey finit par découvrir l'incroyable destin de Safiyé. Elle avait dix ans quand elle échappe, en 1919, au massacre de sa famille et fuit les rudes montagnes du Caucase pour les splendeurs des palais d'Istanbul. Mais en plein déclin de l'Empire ottoman, princesse esclave, elle est offerte à l'épouse du bey de Tunis qui la guide au sein des intrigues du sérail. Des années plus tard, Safiyé épouse, sans l'avoir jamais vu, un prince qui se révélera l'amour de sa vie. Puis, à nouveau rattrapée par l'histoire, elle se retrouvera en 1957, emprisonnée par Bourguiba avec les siens. Une fresque romanesque palpitante, hymne d'amour d'un prince à son pays et d'un petit-fils à sa grand-mère. Témoignages d'auteurs étrangers Trois auteurs étrangers ayant porté leur regard sur la Tunisie post-révolutionnaire seront également au rendez-vous. Sylvie Camet, auteure d'ouvrages de critique littéraire, sera présente avec La passagère : journal à deux voix de la Tunisie en révolte. Enseignante à la faculté de Sousse lorsque surviennent les événements qui vont faire basculer l'histoire de la Tunisie en 2011, Sylvie Camet prend rapidement note des transformations dont elle est témoin. La vie quotidienne se réorganise, changée dans ses habitudes, traversée par un sentiment enivrant de liberté, mais tenaillée aussi par des craintes nouvelles. La passagère est l'aboutissement de ces lignes croisées : un journal personnel et des fragments recueillis au fil des mois, à travers une écriture, immédiate et rétrospective à la fois, permet de tenir un double langage, celui de l'urgence et celui de l'analyse. Quant à Jacqueline Gaspar, installée en Tunisie depuis 1951, elle proposera son livre Wassila Bourguiba. Ayant connu Wassila Ben Ammar qui deviendra, plus tard l'épouse d'Habib Bourguiba, l'épouse de Lorand Gaspar, chirurgien et écrivain français d'origine hongroise qui a travaillé pendant vingt ans dans les hôpitaux de Tunis, Jacqueline Gaspar revient dans ce livre sur la lutte pour l'indépendance, les premiers pas de l'Etat tunisien puis la présidence de Bourguiba, et la place privilégiée de Wassila dans les coulisses de l'Etat. Elle parle d'une immense liberté d'esprit, des enjeux politiques et sociaux de son époque, enjeux qui restent étonnamment actuels : la lutte pour une laïcisation de l'Etat, l'indépendance de la nation tunisienne, la liberté et l'égalité des citoyens, la place de la femme dans la société, les difficultés et les aléas de la progression vers une démocratie toujours à venir. Cécile Oumhani, prix littéraire européen 2009 de l'Adelf, (Association des écrivains de langue francaise) pour son roman Le café d'Yllka, sera également parmi les auteurs présents avec son livre Une odeur de henné. Depuis son enfance, Kenza se sent différente. Habitée par un vif désir de connaissance, elle fait tout pour échapper aux conventions de son milieu. Aussi, quand ses parents lui annoncent qu'un jeune homme a demandé sa main, Kenza se révolte. Elle part pour Paris, loin de l'emprise de la tradition. Grâce à son écriture sensible, Cécile Oumhani donne vie à un personnage attachant qui se débat dans ses contradictions, vit intensément ses émotions. Un roman élégant qui se fait l'écho intime de questions brûlantes dans la société tunisienne d'aujourd'hui.