D'emblée, l'ambassadeur de France en Tunisie, M. François Gouyette, entre dans le vif du sujet en affirmant que la conférence de presse, qui s'est tenue hier à l'ambassade de france à Tunis et à laquelle ont été conviés un bon nombre de médias tunisiens, vient confirmer et «rappeler ce que la France a fait et fait pour soutenir la transition démocratique». Une rencontre dont le timing ne semble pas anodin, surtout après les déclarations du leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, dans un entretien publié, dimanche 24 février, par le Journal du Dimanche : «La relation entre la Tunisie et la France est complexe. La France est un pays si proche de nous. Malgré cela, la France est le pays qui comprend le moins l'Islam et les Tunisiens», a-t-il déclaré. Ces propos viennent en réaction à ceux du ministre français de l'Intérieur Manuel Valls qui s'est exprimé, le lendemain du meurtre du militant et martyr Chokri Belaïd, en parlant de «fascisme islamique», mettant en garde contre un obscurantisme qui monte un peu partout en Libye, en Egypte et en Tunisie et en assurant que «la France ne coopère jamais quand il s'agit de réprimer un peuple». A cela Ghannnouchi répond encore dans le même média français en notant: «Ennahda, les Frères musulmans, Al-Qaïda : Manuel Valls a mis tout le monde dans le même sac et, ce faisant, a montré qu'il ne comprenait rien à l'Islam. À l'inverse, les Allemands, les Britanniques, les Américains y parviennent et savent que l'Islam n'est pas uniforme et comporte des radicaux, des modérés, et que nous sommes à la tête des composantes modérées». Les propos de M. Valls ont également suscité l'indignation des partisans du parti au pouvoir Ennahda qui n'ont pas hésité à brandir et à clamer le slogan «France dégage» lors de dernières manifestations pro-légitimité. L'ambassadeur a affirmé que la conférence n'a aucun rapport avec les propos du ministre qu'il justifie par l'émotion suscitée par l'assassinat du militant de gauche Belaïd. «L'image de la France a souffert durant la révolution et nous tenons à affirmer que la France, plus que jamais, entend continuer de soutenir le peuple tunisien», a-t-il encore déclaré. M. François Gouyette a souligné que d'autres points de presse thématiques, portant sur des sujets qui intéressent les médias et l'opinion publique tunisiens, seront organisés par l'ambassade. «Ni indifférence, ni ingérence» «Nous vivons un moment important pour la Tunisie, après la désignation de Ali Laârayadh. La France demeure, de loin, le premier partenaire économique de la Tunisie, avec des investissements directs et indirects en comptant 1.300 sociétés implantées dans le pays», a t-il noté, en insistant sur le caractère bilatéral et le rapport d'égal à égal dans la coopération des deux pays. Il illustre ses propos en citant Delanoë: «Ni indifférence, ni ingérence». Pour confirmer cette coopération, des visites diplomatiques de délégations françaises en Tunisie viendront relancer, selon lui, d'autres antérieures. Il cite, dans ce sens, comme exemple, la visite d'Etat effectuée par le président Marzouki qui a discouru devant l'Assemblée nationale, ainsi que la visite attendue pour le mois de mai du président français François Hollande et qui viendrait traduire, à un haut niveau, le soutien de la France. Une coopération bilatérale «Nous avons toujours tenu à établir un véritable partenariat avec l'intérêt mutuel de la réussite de la transition démocratique. Cette coopération , reprend-il, se traduit par l'accompagnement de la Tunisie dans différents secteurs que ce soit à travers la consolidation des acquis de la société civile, des forces vives de la nation par le biais de programmes de restructuration et de développement de projets de partenariat, ou par l'aide au renforcement de l'Etat de droit avec une coopération dans les domaines de la justice, l'administration, les droits de l'Homme et la fonction publique ou encore par la dynamisation de l'économie, un point estimé capital par l'ambassadeur de par les demandes dans ce sens qui ont constitué le socle de la révolution. Nous opérons, dans ce sens, avec des aides à l'Etat et des investissements directs et indirects», a souligné l'ambassadeur français. Des points sur lesquels revient M. Freland, directeur de l'IFT, en parlant des actions qui, rappelle-t-il, s'élargissent pour toucher plusieurs régions du pays. Trois axes sont ainsi dans les priorités de l'IFT : le soutien à la société civile dont bénéficient 1200 associations et structures depuis la révolution. Ainsi un forum a été mis en place dans ce sens et un nouveau concept a vu le jour, celui des maisons des associations implantées à Tunis, Sfax et à Gafsa. Le renforcement de l'Etat de droit avec le soutien aux acteurs publics et privés, la relance de la coopération entre les deux pays dans le domaine de la justice et le soutien apporté au secteur de l'information par le biais, entre autres, de formations professionnelles dont auraient bénéficié près de 500 journalistes tunisiens depuis la révolution. Le troisième et dernier axe touche à l'économie à travers la formation d'enseignants, la contribution dans la formation de jeunes Tunisiens, la formation professionnelle avec la mise en place de 20 centres à travers le pays. «La France est là où vous ne la voyez pas d'une manière directe» Mme Péridon, des services de l'ambassade, a, de son côté, insisté sur la coopération économique en rappelant que la France est le premier pourvoyeur de fonds avec des acteurs tels que le ministère de l'Economie et des Finances et l'AFD. «La France est là où vous ne la voyez pas d'une manière directe», conclut la conseillère économique de l'ambassade de France. L'AFD qui est implantée dans 70 pays dans le monde est un bailleur de fonds qui intervient, dans plusieurs régions, dans le cadre d'un agenda économique français, explique son directeur, M. Berton. Il explique que ses actions contribuent dans la croissance, à travers des financements et des crédits avec des conditions avantageuses à l'économie, l'agriculture, le développement durable, l'infrastructure, l'eau potable, la construction de routes, de métro, le développement du monde rural (le programme de développement d'eau potable à Tataouine). L'AFD qui agit aussi au niveau de la croissance verte avec des programmes d'assainissement et de dépollution, a mobilisé, aux dires de son directeur, 740 millions d'euros de fonds en 2011-2012. 50 projets seront ainsi en cours de mise en place. A la question d'une collègue sur le sort de cette coopération dans le cas d'atteinte aux droits de l'Homme, l'ambassadeur français a déclaré que la France continuera de coopérer quel que soit le gouvernement en place, dès lors que le peuple tunisien s'est prononcé dans la liberté et la transparence pour choisir ses gouvernants.