PARIS (AP) — Un peu moins d'une décennie après le crash du Concorde qui avait fait 113 morts peu après son décollage de Roissy, le procès de la catastrophe s'ouvre aujourd'hui devant le tribunal de Pontoise, promettant une belle bataille d'experts. La compagnie américaine Continental Airlines et cinq personnes physiques devront répondre de leur responsabilité dans cet accident. Le procès n'a pas encore débuté que la défense a déjà avancé son arme de bataille: la thèse de la justice et du Bureau d'enquêtes et analyses (BEA) serait fausse. Selon le scénario de l'accusation, l'accident du 25 juillet 2000 aurait été causé par la perte d'une lamelle en titane par un DC-10 de Continental Airlines sur le tarmac. Cette lamelle de 4,5 kilos aurait provoqué l'éclatement d'un pneu du supersonique d'Air France dont les débris en caoutchouc auraient perforé le réservoir insuffisamment protégé de l'avion en raison de défaillance dans le suivi de l'appareil. «Cette version n'est que la version officielle. Nous allons la combattre et établir que l'incendie avait pris sur le Concorde huit secondes avant que cette pièce ne le rencontre, soit 700 mètres avant», affirme à l'Associated Press M. Olivier Metzner, défenseur de la compagnie américaine qui va plaider la nullité d'une procédure qu'il juge uniquement à charge. «Les enquêteurs du BEA et les enquêteurs judiciaires n'ont privilégié qu'une seule piste et ils n'ont pas recherché les vraies causes de l'incendie dont ils nient l'existence. Alors que les pompiers l'affirmaient, alors que les commandants de bord l'affirmaient, ils sont passés outre», a-t-il ajouté. «Ce qui semble certain», estime Me Metzner, «c'est que le Concorde n'était pas en état de voler ce jour-là». Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs (Fenvac), regrette que «Continental tente de faire annuler le procès». «Depuis le début, la stratégie de la défense, c'est de rendre la procédure plus complexe en produisant de nouvelles expertises», accuse-t-il dans un entretien à l'AP, avertissant que les familles des victimes «sont en attente de vérité». Outre la compagnie américaine, un chaudronnier de Continental, John Taylor, et Stanley Ford, chef de l'équipe au sein de laquelle travaillait M. Taylor, seront sur le banc des prévenus. Tout comme trois Français également visés par l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel: Henri Perrier, directeur du programme Concorde de 1978 à 1994, Claude Frantzen, ancien responsable du programme à la Direction générale de l'Aviation civile (Dgac), déjà prévenu — et relaxé — dans le procès de l'accident du Mont Sainte-Odile, et Jacques Hérubel, ingénieur en chef Concorde au sein d'Aérospatiale de 1993 à 1995. M. Daniel Soulez-Larivière, avocat de Claude Frantzen, estime que «ce procès est une erreur». «Ce n'est pas une affaire pénale, elle n'aurait jamais dû venir devant un tribunal correctionnel. En France, dès qu'il y a un accident avec des morts, il y a un procès criminel» alors «que le BEA a dit que cet accident était imprévisible», dénonce-t-il à l'AP. Seules 24 personnes physiques se sont portées parties civiles pour ce procès. La majeure partie des familles de victimes ont renoncé à l'être car elles ont déjà été indemnisées par Continental Airlines, un peu, et par Air France, beaucoup. La compagnie française sera également partie civile tout comme son Chsct (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les syndicats des pilotes d'Air France ou encore le Syndicat national des pilotes de ligne (Snpl). «On préfère ne pas mettre en cause le Concorde, ne pas mettre en cause Air France et on se satisfait du coupable idéal: Continental Airlines», accuse M. Metzner. «D'autres pistes étaient à creuser. Nous avons fait des demandes, elles nous ont été refusées». A l'issue d'un rythme de trois audiences par semaine, le procès devrait se terminer le 28 mai.