Un demi-siècle après son exécution, le 24 janvier 1963, dans un champ de tirs à Bir Bouragba, une zone militaire au Cap Bon, le martyr Ahmed Rahmouni est arraché de l'oubli par l'exhumation de son corps hier. Parce que, du temps de Bourguiba, ce militant du mouvement national, compagnon fidèle de Salah Ben Youssef, a été victime d'un jugement injuste, prononcé à la hâte par le tribunal militaire de l'époque sans même avoir eu le droit à une défense. L'affaire refait, aujourd'hui, surface. L'exhumation demandée par la famille du martyr a été, déjà, acceptée depuis novembre dernier par un comité militaire. Et il ne reste alors que passer à l'action, dans un geste de reconnaissance pour réhabiliter le défunt dans sa propre dignité, inhumée avec lui dans un cimetière collectif à Bir Bouragba, où reposent en paix ses camarades dont Lazhar Chraïti, Abdelaziz Akermi et d'autres. Tous avaient été exécutés en 1963 après avoir été accusés d'implication dans un coup d'Etat contre le régime bourguibien. Cinquante ans passés déjà. C'est hier matin que les sépultures du martyr ont été finalement transportées à bord d'une ambulance de l'hôpital militaire à son domicile au Bardo, sous les bons auspices de la coordination de la vérité et de la justice pour l'équité des martyrs du 24 janvier 1963, avec le concours de l'alliance des associations de Tunis et de Thala. Entre-temps, la dépouille de feu Rahmouni, enveloppée du drapeau national, a été, ainsi, posée à terre, juste devant l'hôpital militaire, pour réciter la Fatiha à sa mémoire. Une oraison funèbre symbolique a été prononcée en son honneur par des membres de sa famille et de ses proches, en présence également de Mohamed Brahmi et Ahmed El Khaskhoussi, deux élus à l'Assemblée nationale constituante. Une foule s'approchait peu à peu des lieux, brandissant une longue banderole sur laquelle on peut lire des versets coraniques, mais aussi un slogan frappant : «Les sépultures du cheikh Ahmed Rahmouni, un témoignage éloquent des crimes du despotisme et de liquidation politique ». Des cris ont été lancés en signe de fidélité aux martyrs du pays. «Ce sont là les traces des exactions atroces perpétrées par le régime de Bourguiba au lendemain de l'indépendance...», ainsi commente M. Ahmed Rahmouni, neveu du martyr et organisateur du cortège. « On aurait dû réserver à tous les martyrs de 1963 des funérailles à l'image de leurs sacrifices et de leur militantisme, mais l'institution militaire a refusé de le faire. Aujourd'hui, elle ne s'est pas montrée prête à faire face à son passé, dans le cadre du processus de la justice transitionnelle», a-t-il déploré. La présence du secrétaire général du Mouvement des démocrates socialistes (MDS) et représentant du Front populaire, Ahmed El Khaskhoussi, et Mohamed Brahmi du mouvement Echaâb, se veut, à leurs dires, un message fort aux politiques, mais aussi un vibrant hommage au défunt et à tous les martyrs de la Tunisie. Vers midi, l'ambulance transportant la dépouille s'est dirigée vers Le Bardo, avant de se déplacer, aujourd'hui, dimanche, à Thala, ville natale du martyr, où se dérouleront les obsèques au siège de l'ancienne bâtisse de la filiale de l'enseignement zeitounien, fondée à l'époque par le défunt. Elle abrite actuellement l'inspection de l'enseignement primaire dans la région. Comme nous l'a révélé son neveu, le cortège funèbre arrivera, finalement, au cimetière de Thala où le martyr, né en 1920, sera inhumé, de nouveau, au carré des martyrs du 8 janvier 2011. Affaire Fayçal Barakat, quoi de neuf ? Le Centre d'information et de documentation sur la torture (CIDT-Tunisie) vient de communiquer, le 28 février dernier, que le nouveau pouvoir judiciaire, issu de la révolution, s'est emparé, à la demande de la famille, de l'affaire Fayçal Barakat, décédé le 8 octobre 1991, sous les bottes de ses tortionnaires, dans un poste de police à Nabeul. L'exhumation demandée par le comité contre la torture dans sa décision du 10 novembre 1999 a eu lieu avant-hier en présence d'un juge d'instruction, d'un médecin légiste et d'un certain nombre de défenseurs des droits de l'Homme, tunisiens et étrangers.