Les ligues de protection de la révolution lancent des appels à un nouveau sit-in pour «corriger la trajectoire de la révolution» L'appel pour un nouveau sit-in Kasbah est lancé. Depuis quelques jours, les réseaux sociaux relaient des appels partis de la ligue de protection de la révolution du Kram pour un sit-in intitulé Kasbah 4, en référence aux précédents sit-in post-révolution qui avaient abouti, au final, à la décision d'élire une Assemblée constituante. Au vu des slogans de cet événement programmé pour ce vendredi 8 mars, on peut craindre une radicalisation des ligues et une confrontation avec le parti au pouvoir. Sauf interdiction par les autorités, on s'achemine vers Kasbah 4. La confrontation tant redoutée, tant repoussée entre Ennahdha et les ligues de protection de la révolution aura-t-elle finalement lieu ? La ligue du Kram, qui est l'une des plus virulentes, a donné une conférence de presse dimanche 3 mars au cours de laquelle son président Imed Dghij a annoncé que cette ligue n'a pas besoin de visa légal, «ceux qui ont défilé le 14 janvier n'en avaient pas non plus», qu'elle dispose de la légitimité révolutionnaire, et qu'elle peut être considérée comme une sorte de filiale ou de succursale des ligues nationales qui, elles, ont bien un visa légal. Un appel à un sit-in à La Kasbah a également été lancé et relayé par plusieurs ligues implantées dans le pays au cours du week-end. La Kasbah saison 4 est prévue de se tenir, comme son nom l'indique, à la Kasbah, siège du gouvernement et place emblématique après l'avenue Habib-Bourguiba. Ce sit-in ouvert, annoncé dans la droite ligne de la révolution, démarre vendredi 8 mars, est précédé d'une campagne à l'échelle des réseaux sociaux. Les organisateurs autoproclamés, dépositaires d'une double légitimité révolutionnaire et religieuse, appellent officiellement via Kasbah 4 à l'application de la charia. «Les ligues devaient être dissoutes» Puis, par ordre de priorité, à l'épuration du pays des caciques de l'ancien régime, à l'exclusion du RCD, au nettoyage définitif de la presse et des médias, à la reddition des comptes (Mouhassaba) de tous les corrompus. Un autre slogan appelle enfin à la mise en place d'un gouvernement révolutionnaire. Vaste programme ! Depuis le meurtre de Chokri Belaïd, la situation de cette nébuleuse que l'on appelle indifféremment ligues, comités ou hommes de la révolution, n'est pas très claire. Certaines, dans des villes éloignées, ont choisi l'autodissolution. D'autres, comme la Ligue nationale, ont vu la démission de leur président et de son épouse Mme Maalej. Enfin, la plus remuante, celle du Kram, a été éclaboussée par l'enquête au sujet du meurtre, sans qu'aucune preuve de son implication n'ait été fournie. L'une des trois personnes actuellement en état d'arrestation dans le cadre de cette enquête, Mohamed Amine Gasmi, est considérée comme proche de la Ligue. La Ligue elle-même s'est souvent singularisée par le soutien mécanique qu'elle a toujours exprimé à l'égard des salafistes et des jihadistes. La collusion entre les deux clans ne fait plus aucun doute. Leurs pages ne s'en cachent pas d'ailleurs. Ils se vouent les uns les autres un soutien incommensurable. Dans les dernières confrontations entres les salsafistes de Daouar Hicher et les autorités, la solidarité des ligues envers «leurs frères» s'est voulue indéfectible. Des postures qui ne cessent de mettre mal à l'aise des dirigeants au pouvoir. Plusieurs partis, ainsi que des responsables gouvernementaux, dont le Premier ministre démissionnaire, considéraient que les ligues devaient être dissoutes. La ligue de Médenine, pour rappel, a été décapitée par la justice dans le cadre de l'enquête sur le lynchage de Lotfi Nagdh, coordinateur de Nida Tounès, plusieurs de ses dirigeants sont sous les verrous. Il ne reste plus que deux jours avant la date fatidique. Une obligation de résultat est promise par les organisateurs de Kasbah 4. Ces hommes se voulant durs et déterminés, se réclamant tour à tour porte-parole de Dieu et du peuple, sont prêts à tout. Du coup, la mobilisation est déployée à grande échelle. On multiple les objectifs, on désigne les ennemis ; la gauche mécréante, «ne connaissant rien de la classe prolétaire et des quartiers populaires». Les partis démocrates, «des apostats, laïques et libéraux, traîtres, mandataires de l'Occident», Ennahdha «qui n'en finit pas avec les concessions»... Kasbah 4 se profile d'emblée comme une nouvelle mise à l'épreuve à l'endroit de l'Etat, et précisément du parti au pouvoir. Que faire ? Interdire la manifestation, au risque de provoquer la fureur de ces encombrants sympathisants ? Ou laisser faire, avec tous les dangers de débordements que cela comporte ? Encore une fois, Ennahdha est pris tragiquement en tenailles. L'expérience nous montre que le parti islamiste, entre les raisons d'Etat et les raisonnements partisans, n'a pas toujours su prendre les bonnes décisions.