Emotions et révélations ont marqué l'ambiance au stade 4-Août de Ouagadougou samedi dernier, lors de la cérémonie de clôture de la 23e édition du Fespaco, assurée par le groupe musical ivoirien Magic System. Une semaine de films, de rencontres, de colloques et d'ateliers a été couronnée par l'annonce des grands gagnants de cette édition, qui s'est tenue du 23 février au 2 mars. Les Etalons d'or, d'argent et de bronze de Yennenga sont revenus à Tey du Sénégalais Alain Gomis, Yema de l'Algérienne Djamila Sahraoui et La pirogue du Sénégalais Moussa Touré. La Tunisie s'est vu décerner le 1er prix du meilleur documentaire, grâce au film Même pas mal de Nadia Fani et d'Alina Isabel Pérez, ainsi que le Poulain d'Or du meilleur court-métrage : Les souliers de l'Aïd d'Anis Lassoued. Le cinéma et la critique face à de nouveaux défis La veille de la clôture, les prix spéciaux du festival avaient été annoncés. Des prix parrainés par des organismes partenaires du festival, décernés à titre d'encouragement aux cinéastes africains, surtout aux jeunes parmi eux. Le prix de la critique, attribué par la Fédération africaine de la critique cinématographique (Facc) et parrainé par RFI, a été remporté par One man's show du Nigérian Aduaka Newton Ifeanyi. Pendant le Fespaco 2013, la Facc a organisé un atelier d'écriture auquel ont pris part une vingtaine de jeunes journalistes et critiques, venant de différents pays africains, ainsi que de la diaspora. Lors d'une réunion de la Facc, tenue en marge du festival, ces jeunes ont exprimé leur volonté et leur disposition à redynamiser la fédération présidée par le critique sénégalais Baba Diop, qui a du mal à trouver un local et des financements pour ses activités. Les problèmes de financement et d'organisation touchent également le Fespaco qui a eu un démarrage difficile, marqué par de nombreux changements de programme et soucis techniques lors des projections. Cette année encore, on a reproché au festival de ne pas avoir une ligne directrice sur laquelle se base la sélection. De plus, le fait que le règlement intérieur du festival impose aux réalisateurs —dont les œuvres sont sélectionnées pour la compétition— de fournir des copies en 35 mm, au risque d'être disqualifiés, a encore été au cœur du débat. C'est ainsi que la sélection de la 23e édition est passée, pendant le festival, de 19 à 20 films, puis finalement à 15. Le coût élevé du support 35 mm, surtout pour les jeunes réalisateurs basés en Afrique, est une contrainte à revoir par les organisateurs qui se trouvent confrontés au défi de s'adapter aux évolutions technologiques du cinéma. Ouverture sur la diaspora La visibilité est tout de même assurée pour toutes ces œuvres. Les différentes sections du festival offrent en effet un panorama du cinéma africain, entre cinémas d'auteurs d'un côté, et cinémas populaires de l'autre, deux mouvements qui se développent en parallèle dans la plupart des pays africains. Le Fespaco est dans ce sens un miroir de l'Afrique, dans toute sa diversité, sa richesse et sa complexité. Ses prix prestigieux et conséquents sont sollicités par les cinéastes africains. Ce qui en fait un événement important où les enjeux culturels sont souvent mêlés aux enjeux politiques. Rappelons que cette édition a été placée sur le thème «Cinéma africain et politiques publiques». Malgré les critiques, tous les intervenants du cinéma africain défendent l'existence du Fespaco et souhaitent le voir au même rang que les grands festivals dans le monde. Ils le font en étant d'abord présents lors de chaque édition, en créant des réseaux de professionnels et des réseaux de financement et de distribution pour les films africains, ensuite. Le Fespaco, véritable plaque tournante du cinéma dans le continent, est un révélateur de réalisateurs dont il est un soutien important. Cette 23e session du Fespaco est, à plus d'un égard, une session charnière. On y a, entre autres, annoncé que pour la prochaine édition, la compétition sera ouverte aux cinéastes de la diaspora. L'attribution de l'Etalon d'or au Franco-Sénégalais Alain Gomis en est un premier signal. Longue vie au cinéma africain et vivement le prochain Fespaco! Le palmarès complet de la 23e édition : - Etalon d'or : Tey-Aujourd'hui d'Alain Gomis (Sénégal). - Etalon d'argent : Yema de Djamila Sahraoui (Algérie). - Etalon de bronze : La pirogue de Moussa Touré (Sénégal). - Meilleur scénario : Jamal Belmahi pour Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch (Maroc). - Meilleur premier rôle masculin : Saul Williams dans Tey-Aujourd'hui d'Alain Gomis. - Mention spéciale à Hamadoun Kassogué pour son rôle dans Toiles d'araignées d'Ibrahima Touré (Mali). - Meilleur premier rôle féminin : Mariam Ouédraogo dans Moi, Zaphira d'Apolline Traoré (Burkina Faso). - Mention spéciale à Djamila Sahraoui, réalisatrice et comédienne dans Yema. - Meilleur son : Amaury de Guay de Nexon et Arthur Le Roux pour Le collier de Makoko de Henri-Joseph Koumba (Gabon). - Meilleure image : Raphael O'Byrne pour Yema de Djamila Sahraoui. - Meilleur montage : Mick Audsley pour How to steal 2 millions de Charlie Vundla (Afrique du Sud). - Prix Oumarou Ganda de la première œuvre : Les enfants de Troumaron de Harrikrisna Anenden et Sharvan Anenden (île Maurice). - Poulain d'or du meilleur court-métrage : Les souliers de l'Aïd d'Anis Lassoued (Tunisie). - Poulain d'argent du meilleur court-métrage : La photographie de David Randriamanana (Madagascar). - Poulain de bronze du meilleur court-métrage : Dialemi de Nadine Otsobogo (Gabon). - 1er prix du meilleur documentaire : Même pas mal de Nadia El Fani (Tunisie). - 2e prix du meilleur documentaire : Calypso Rose de Pascale Obolo (Cameroun). - 3e prix du meilleur documentaire : Président Dia de Ousmane William Mbaye (Sénégal). - 1er prix de la meilleure série TV et vidéo : L'œil de la cité de Samantha Biffot (Gabon). - Prix spécial du jury pour les séries : Waga Love de Guy Désiré Yaméogo (Burkina Faso). - Meilleur film de fiction numérique : Zamora de Bhangi Shams (Tanzanie). - Mention spéciale pour la fiction numérique : Congé de mariage de Boubacar Diallo (Burkina Faso). - Prix spécial du jury pour la fiction numérique : Beyond the picket line de Lensoe Serote (Afrique du Sud). - Prix Paul Robson du meilleur film de diaspora : Le bonheur d'Elza de Mariette Monpierre (Guadeloupe).