Il n'y a pas mieux que le cinéma pour célébrer la lutte féministe, un documentaire qui fixerait dans les mémoires le combat de femmes tunisiennes pour la liberté et l'émancipation. Le documentaire Dorra Bouzid, une Tunisienne... un combat du cinéaste Walid Tayaâ fait partie de ce genre de films qui ne contiennent aucune prouesse technique, mais qui racontent tout bonnement une facette de notre histoire, une version parmi tant d'autres qui constituent la mémoire collective. Produit par Nomadis Image et soutenu par l'Institut français de Tunisie, Dorra Bouzid, une Tunisienne...un combat a drainé un public «sélect», lors de son avant-première le vendredi 8 mars à l'espace Mad'art. Tous les ami(e)s de la doyenne des journalistes tunisiennes sont venus découvrir un parcours atypique d'une femme qui a vécu de près la lutte nationale auprès de ses parents, éminents syndicalistes, ainsi qu'auprès de son beau-père, l'homme politique et grand penseur Mahmoud Messadi. Le film illustre, à travers le témoignage de Dorra Bouzid, le premier combat médiatique féministe et nationaliste dans la publication qui allait devenir Jeune Afrique, qui la révélait, elle, comme la première Tunisienne journaliste. Egalement première pharmacienne sérologue, elle a participé à la création de huit autres médias dont Faïza, le premier magazine féminin arabo-africain et, plus tard, Femmes et Réalités. Elle a, par ailleurs, collaboré dans 35 publications tunisiennes et étrangères, a créé la soirée des écoles de danse au Festival international de Carthage. Elle a aussi écrit un livre d'art, L'école de Tunis, premier ouvrage de référence sur la peinture tunisienne. «Je n'ai pas été torturée, mais comme tous les journalistes indépendants de mon pays, j'étais constamment virée, interrogée, inquiétée, tout en continuant à lutter contre cette trop longue dépossession qui n'en finit pas, malgré notre révolution qui nous a semblé magique», témoignait-elle, lors de la présentation du film. Dans ce documentaire, Dorra Bouzid raconte sa vision du monde, alors que ses amis et ses proches apportent des témoignages qui ont permis au réalisateur d'esquisser un portrait d'une femme tunisienne farouchement moderne, une femme qui a vécu le colonialisme et la ferveur de l'indépendance, une femme qui a marqué de sa plume le secteur du journalisme, le féminisme et la féminité... Dommage que la caméra de Walid Tayaâ ait été un peu trop docile et n'ait fait que suivre la version et le récit de Dorra Bouzid, son regard qui ne manque pas de tendresse sur le personnage. Dommage aussi qu'il n'ait pas osé prendre la liberté qu'il fallait pour explorer les contours pour faire un film qui aurait, également, mis en avant cette rencontre entre une femme qui a lutté pour l'indépendance du pays et un cinéaste qui appartient à une génération qui a affranchi la Tunisie de la dictature et de la tyrannie.