Selon une étude récente du ministère de l'Education nationale, on compte 560 mille jours d'absence pour l'ensemble des instituteurs du primaire et 200 mille jours d'absence pour les enseignants du collège et du secondaire. Le congé de maladie est devenu l'arme favorite des enseignants pour s'absenter légalement aussi souvent que bon leur semble. Ils n'hésitent pas à en abuser d'autant plus que ce justificatif n'est jamais remis en question au niveau des directions régionales. Selon une étude élaborée par le ministère de l'Education nationale, la maladie se classe en tête des principales causes de l'absentéisme des enseignants en milieu scolaire. Mais derrière le recours fréquent aux certificats de maladie, se cache une réalité amère: le mécontentement des professeurs face aux mauvaises conditions d'enseignement, aux agressions répétées ciblant les enseignants, à la baisse catastrophique du niveau de l'élève et surtout à l'éloignement des établissements éducatifs qui a viré au ras-le-bol pour les professeurs enseignant dans les écoles rurales. Le taux d'absentéisme est très élevé dans les zones où sont mutés un grand nombre d'éducateurs pour enseigner dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Plus que les mauvaises conditions de travail, c'est la distance séparant l'établissement de la ville d'origine qui incommode ces enseignants, obligés de faire tous les jours la navette. Gouvernorat de Bizerte : un taux d'absentéisme très élevé en milieu rural Les statistiques et les chiffres établis par le ministère de l'Education nationale au cours des années précédentes révèlent l'ampleur de ce phénomène. Le taux d'absentéisme s'élève à 5.6% pour les instituteurs du primaire et à 6% pour les enseignants des collèges et des établissements secondaires. Le ministère a également comptabilisé le nombre total des jours pendant lesquels se sont absentés l'ensemble des éducateurs au cours de l'année scolaire. On compte, ainsi, 560 mille jours d'absence pour l'ensemble des instituteurs du primaire et 200 mille jours d'absence pour les enseignants du collège et du secondaire. Plusieurs facteurs ont été pris en considération dans la définition du taux d'absentéisme qui a été établi suivant le sexe, le statut de l'éducateur, la zone où a été muté l'éducateur ainsi que les différentes causes d'absentéisme. C'est dans le gouvernorat de Bizerte que le taux d'absentéisme est le plus élevé, atteignant 9,5%, suivi par le gouvernorat de Nabeul où le taux d'absentéisme s'élève à 8%. Les statistiques établies révèlent, par ailleurs, que les femmes s'absentent plus que les hommes avec un taux d'absentéisme dans le primaire qui s'élève à 8% pour les femmes contre 3,2% pour les hommes. Idem aux collèges et aux lycées où le taux d'absentéisme en fonction du sexe est similaire. «La première cause responsable de l'absentéisme est la maladie, a relevé le directeur général des études, de la planification et des systèmes d'information au niveau du ministère de l'Education. Les femmes s'absentent beaucoup pour cause de maternité. Par ailleurs, l'enquête qui a été réalisée par le ministère sur l'absentéisme des éducateurs montre que le nombre d'absences est très élevé notamment pendant l'hiver. Les enseignants s'absentent soit parce qu'ils sont malades, soit parce que leurs enfants sont malades soit parce qu'ils n'ont pu se rendre à leur établissement respectif, notamment en raison des mauvaises conditions climatiques,à l'instar de pluies abondantes responsables de l'impraticabilité des routes. Même si ces enseignants arrivent à terminer leur programme, les absences répétées ont un impact négatif sur le niveau des élèves et sont responsables indirectement des redoublements répétitifs et de l'abandon scolaire». Absentéisme ou moyen de chantage L'absentéisme a, par ailleurs, un coût: 60 millions de dinars. Aujourd'hui, les enseignants en usent comme chantage pour faire pression sur les directions régionales afin d'obtenir l'amélioration de leurs conditions et le changement des critères de mutation des éducateurs. Dans la localité de Ghezala située dans le gouvernorat de Bizerte, excédés de devoir tous les jours faire la navette, douze enseignants se sont absentés, en début de semaine, dans ce lycée imposant, située à l'entrée du patelin et qui surplomble une plaine verdoyante. Professeur d'italien, Hanène, une jeune enseignante, habitant la zone de l'Aouina effectue tous les jours 176 kilomètres pour se rendre au lycée, ce qui lui coûte environ vingt dinars de carburant par jour. « Je dois tous les jours me lever très tôt pour prendre la route. C'est stressant et même fatigant à la longue. Une partie du salaire sert à payer l'essence. Avant la fin du mois, beaucoup d'enseignants se retrouvent à court d'argent car une partie de leur salaire a été utilisée soit pour approvisionner quotidiennement leur voiture en carburant soit pour utiliser divers moyens de transport afin de se rendre au lycée. Par conséquent, à la fin du mois, ils n'ont même plus les moyens de s'approvisionner en essence. C'est, entre autres, ce qui explique l'absentéisme des enseignants». Après des années d'enseignement, lassés du long trajet quotidien, des enseignants, à l'instar de cette professeur d'éducation islamique, finissent par opter pour le congé de longue durée afin de se reposer. Ce choix ne sera remis en question par aucun responsable éducatif, conscient de la pénibilité du travail des éducateurs. Dans le collège de Ghezala, l'éloignement constitue également une des principales causes de l'absentéisme des enseignants, où 80% effectuent la navette au quotidien, observe le directeur de l'établissement. «Le taux d'absentéisme est élevé, note, à son tour, le surveillant général. Beaucoup d'enseignants effectuent un long trajet pour venir ici. C'est harassant. Une enseignante a préféré prendre un congé de maladie de longue durée pour éviter la navette au quotidien». Améliorer les conditions de travail ne suffirait pas à résoudre le problème de l'absentéisme des enseignants, responsable de la baisse du rendement de l'enseignant dans les établissements éducatifs,note le directeur du collège qui pense que les critères sur la base desquels sont mutés les enseignants devraient être révisés afin de réduire le taux d'absentéisme des éducateurs.