La dernière attaque de l'ambassade de France en Libye prise au sérieux par les services de renseignements tunisiens. Le groupuscule obscurantiste Ansar Dine, de plus en plus actif dans les pays du Maghreb, est passé par là 40 pays africains, dont la Tunisie, dans le collimateur des Américains Après Boston, Tripoli. La griffe de la nébuleuse intégriste est, décidément, partout. Même au Canada où deux jihadistes, dont l'un de nationalité tunisienne, viennent d'être arrêtés, au moment où ils projetaient de perpétrer un attentat. Dans la foulée, l'Espagne est parvenue à mettre hors d'état de nuire deux terroristes d'Al Qaïda, tandis que des milliers de leurs «camarades» continuent de faire de la résistance dans les conflits qui embrasent aujourd'hui la Syrie, l'Irak, l'Afghanistan, le Mali, la Somalie, le Yémen et, un peu plus loin, le Nigeria. Cette présence de plus en plus massive, Al Qaïda la doit sans aucun doute à son extraordinaire capacité de mobilisation (des partisans) un peu partout dans le monde, avec, notamment, une recrue de taille, en l'occurrence Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) qui lui a juré fidélité en 2007. Depuis, l'organisation secrète chère à Oussama Ben Laden a gagné du terrain, en étendant ses visées jusqu'au Mali, au Yémen, en Syrie, en Somalie et au Nigeria, après s'être longtemps contentée de son traditionnel fief de l'Afrique du Nord. Or, il est maintenant établi que Aqmi tire sa principale force de l'apport ô combien précieux du mouvement fondamentaliste Ansar Dine (défenseurs de la religion). Exigeant, coûte que coûte, l'instauration de la charia, ce groupuscule obscurantiste dont le fanatisme religieux pur et dur n'est plus à démontrer s'est fait connaître au monde au lendemain des terribles attaques qu'il avait lancées, en 2004, contre des trains à Madrid, et qui ont fait 200 morts et plus de 1.800 blessés. Rendu également «célèbre» par les nombreux rapts spectaculaires d'étrangers qu'il avait commis et qui lui ont rapporté un très joli pactole (on parle de plus de 250 millions de dollars, selon certaines sources occidentales), Ansar Dine a fait récemment du jihad en Syrie et au Mali son nouveau cheval de bataille, en y injectant çà et là des milliers de combattants, entre hommes aguerris et néophytes, traduisant ainsi magistralement son étonnante capacité de mobilisation et, par là, l'étendue du «magnétisme» qu'il exerce sur les jeunes, y compris les... «intellos» d'entre eux, sachant qu'il compte dans ses rangs des architectes, des ingénieurs, des médecins et même des savants ! C'est aussi Ansar Dine qui est parvenu en 2012 et à la surprise du monde entier à... occuper le nord d'un pays souverain, à savoir le Mali, avant d'en être, en partie, chassé dernièrement par une intervention franco-africaine tout de même coûteuse en pertes à la fois humaines (plus de 50 personnes entre tués et blessés) et financière (la France a dû dépenser environ 200 millions d'euros pour assurer le coût de l'opération). Mené de main de maître par leur guide spirituel Iyed Aghali, un vétéran de la guerre d'Afghanistan, le mouvement s'appuie sur différentes structures conduites par Abderrahman Al Gouli (alias «l'émir Wathik»), Mourabti Ben Moula (alias «l'émir Abou Abida») et Othman Ag Houdi (un cousin de Iyed Aghali). Le mouvement est doté également d'un... porte-parole officiel, le dénommé Senda Ould Bounana, professeur de théologie de son état et orateur au verbe facile. Tunisie : Abou Iyadh en sait quelque chose Dès lors, il n'est plus étonnant de voir ce mouvement sanguinaire s'implanter en Tunisie. Là où il a tôt fait, au lendemain de la révolution, d'ériger une base arrière dont les destinées ont été confiées à un certain Abou Iyadh, désormais l'homme le plus recherché du pays. Ce dernier, salafiste jihadiste notoire, n'a pas tardé à construire son propre émirat qui n'a pas attendu une éternité pour faire étalage de son agressivité, comme en témoignent, dans un premier bilan, déjà sanglant, l'attaque de l'ambassade US à Tunis, la mainmise sur plusieurs mosquées, le raid d'El Abdellia et les violences perpétrées sur les revendeurs clandestins de boissons alcoolisées, etc. Par ailleurs, il n'est pas exclu, soutiennent plusieurs sources policières, que le groupe de Abou Iyadh soit impliqué aussi bien dans l'assassinat de Chokri Belaïd que dans la prolifération de la circulation des armes dans le pays, ainsi que dans l'envoi de jihadistes tunisiens en Syrie, en Libye, au Mali et en Somalie. Plus, le dernier attentat de l'ambassade de France à Tripoli est pris très au sérieux par nos services de sécurité qui n'hésitent pas à accréditer la thèse de l'implication de Ansar Dine, en guise de vengeance, suite aux revers qu'il ne cesse d'essuyer dans le conflit malien. Tout cela pour dire que ce mouvement est devenu une grande menace pour la sûreté nationale en Tunisie. L'apport des Américains Plus qu'une vérité, il s'agit là d'un carton jaune pour nos services de sécurité et l'armée. Un avertissement que les Américains ne cessent de «mijoter». Le général Carter Ham, patron de l'Africom, et l'ambassadeur US en Tunisie, Jacob Walles, ne l'ont-ils pas réitéré récemment, en réaffirmant clairement la présence dans nos murs des acolytes d'Al Qaïda, donc d'Ansar Dine ? Si les ministères de l'Intérieur et de la Défense en ont pris acte en redoublant de vigilance tant à l'intérieur du pays qu'aux frontières, les Américains, dans leur combat acharné qui les oppose à leur bête noire qu'est Al Qaïda, ont pris dernièrement de nouvelles mesures préventives et sans doute plus musclées que jamais, à partir de leurs proches bases militaires en Allemagne, en Espagne et à Djibouti, dans le cadre d'une nouvelle stratégie de lutte qui touchera pas moins de 40 pays africains dont la Tunisie.