Par Abdelhamid GMATI Les forces de l'ordre ont prouvé, en ce dimanche 19 mai, qu'elles n'ont rien perdu de la vitalité et du professionnalisme dont elles faisaient preuve durant la dictature. Elles ont su contrer les velléités belliqueuses de cette mouvance Ansar Echaria qui défiait l'Etat et ses institutions et tenait coûte que coûte à tenir son 3e congrès malgré les interdits des autorités. Certes, il y a eu des affrontements déplorables à Kairouan et à la Cité Ettadhamen à Tunis faisant des blessés et un mort, mais la situation a été rapidement maîtrisée, évitant ainsi le pire. Une question fuse d'emblée : qu'est-ce qui les empêchait d'intervenir et d'être aussi efficaces durant ces derniers mois, laissant la violence s'installer et prendre de l'ampleur dans le pays? La réponse, que tout le monde connaissait, vient d'être confirmée officiellement par un membre du gouvernement, le ministre des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle, M. Samir Dilou, qui reconnaît que «par son laxisme et son manque de courage politique, le gouvernement est responsable de la montée en puissance des salafistes, alimentée par des imams extrémistes qui prêchent la haine et la violence». Les dirigeants syndicaux des forces de l'ordre avaient, à maintes reprises, pointé du doigt les «instructions politiques» qui les empêchaient d'agir. Dans quel but ? D'aucuns affirment qu'Ennahdha, au pouvoir, faisait œuvre de diversion en créant un climat d'insécurité et de crainte, le temps de maîtriser les rouages de l'Etat et consolider sa mainmise sur le pays. D'où l'émergence des salafistes, des ligues de protection de la révolution et autres groupements avec leurs agressions et leurs violences. Autre déclaration inattendue : celle du Premier ministre, M. Ali Laârayedh, qui a estimé qu'«Ansar Echaria est une organisation illégale et est étroitement liée au terrorisme». C'est la première fois que ce groupe salafiste est qualifié de terroriste par un membre d'Ennahdha. Même le gourou islamiste Rached Ghannouchi a réagi (à retardement) pour dire que «ce jour (le 19 mai), même si ce n'était pas un jour de joie, est un jour de victoire pour la loi et pour l'Etat et il constitue une nouvelle étape dans les rapports entre l'Etat et la violence. Nous en faisons porter l'entière responsabilité à Ansar Echaria». Et tous ces responsables affirment que l'Etat sévira sévèrement contre tous ceux qui tenteront de menacer la stabilité et la sécurité nationale, la loi devant être appliquée à tous, sans exception. Soit, mais question : puisque ce groupe d'extrémistes est illégal, qu'attend-on pour le dissoudre et l'interdire. Jusqu'ici seul le petit parti Ettakatol, membre de la Troïka et du gouvernement, a souligné la nécessité de «mettre un terme» à ce groupe. Et puisque ses membres sont des terroristes, pourquoi ne les a-t-on pas arrêtés, ne serait-ce que sous l'accusation d'appartenance à une organisation «hors la loi» ? A Kairouan, ils ont sollicité et obtenu la protection de la police pour quitter les lieux. Certes, on nous dit que 274 personnes ont été arrêtées ce jour-là et que plus de 700 l'ont été deux jours auparavant. Parmi les interpellés, 49 sont passés en jugement : certains accusés ont bénéficié d'un non-lieu, alors que d'autres ont été condamnés à des peines de 6 mois de prison avec sursis pour avoir violé l'état d'urgence et l'interdiction de rassemblement. Cette opération aura-t-elle été suffisante pour dissuader les terroristes ? Visiblement, on en est loin. Un député nahdhaoui, Habib Ellouze, qui ne cesse de défendre ces salafistes, a prétendu que des négociations ont été entamées pour que le groupe terroriste puisse tenir son congrès. Information démentie par Samir Dilou. Néanmoins, Ansar Echaria a appelé à un rassemblement, demain à Kairouan, pour demander la libération de son porte-parole, en détention depuis samedi. Rappelons que ce sieur avait appelé à s'en prendre aux forces de sécurité et à l'armée. Les gouvernants répètent que la Tunisie n'est pas une terre de prédication. Cela n'empêche pas des étudiants de la mouvance salafiste de dresser une tente de prédication à l'intérieur de l'Institut supérieur des études technologiques de Gafsa sans l'autorisation du directeur. Une enseignante à la faculté de La Manouba affirme que la majorité des étudiantes qui portent le niqab le font pour des raisons financières, c'est-à-dire qu'elles sont payées pour porter ce voile étranger à notre pays. Bien d'autres questions restent en suspens. Les réponses seront fournies au fur et à mesure que les choses cachées seront dévoilées. Ce n'est donc pas demain la veille que ce courant extrémiste, encouragé et soutenu en sourdine, va être jugulé. En attendant, pendant que tout le monde s'inquiète de la situation sécuritaire et des problèmes économiques pressants, on fait passer à l'ANC la loi sur l'indemnisation des ex-prisonniers politiques en la camouflant. Et pendant ce temps, la ministre des Affaires de la femme et de la famille assiste et donne sa bénédiction à un mariage entre deux personnes âgées de plus de 80 ans.