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Le mouvement Ennahdha a refusé de séparer la mission de prédication de la politique
Entretien avec : Alaya Allani
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 02 - 2013

Il faut aider les salafistes jihadistes à faire ce qu'on appelle les révisions internes de leurs idées
Il faut une mise à niveau des forces de l'ordre qui représentent le paravent contre un danger mortel
Nous voulons que le mouvement libéral au sein d'Ennahdha s'impose sur l'aile dure qui contrôle toutes les structures stratégiques pour le moment
Non, il n'existe pas une armée de 12 mille jihadistes tunisiens en Syrie qui rentreraient bientôt au pays, rassure Alaya Allani. Il estime à 500 le nombre de jihadistes, ce qui est déjà énorme ! Cet universitaire, chercheur en histoire politique du Maghreb, spécialiste de la question islamiste évoque les menaces et les risques qui pèsent sur la Tunisie. Des révélations pas du tout rassurantes. Entretien.
Les Tunisiens ont remarqué ces derniers jours l'apparition d'une police parallèle salafiste, autoproclamée pour protéger les biens privés et les citoyens. Qu'en pensez-vous ?
Il faut mettre la question de la police salafiste dans son contexte. Il y a eu l'apparition depuis quelques mois de groupes se disant agir pour la protection des citoyens et des propriétés publiques et privées. Ce phénomène, quoique inquiétant, en est encore à ses débuts. Cela dit, il faut que les autorités prennent toutes les dispositions et ouvrent des enquêtes pour que ces cas isolés ne se transforment pas en phénomène social.
A quoi peut-on attribuer la flambée de la violence ? Y a-t-il un lien de cause à effet entre l'islamisme politique et ces dérives sécuritaires?
On ne peut pas affirmer que l'islamisme politique s'oriente vers la violence. Mais on peut dire que les courants islamistes radicaux cultivent un penchant pour la violence, car ils divisent la société entre musulmans et apostats.
En ce qui concerne l'islamisme politique, il souffre du problème de l'hésitation. Il apparaît, parfois, sous un visage démocratique, et, parfois, sous un visage islamiste. Il ne faut non plus minimiser l'héritage de ces mouvements qui se sont donné pour programme principal d'islamiser la société.
Ennahdha ne s'est pas débarrassée de cette obsession d'inféoder les institutions de l'Etat et de la société à une lecture particulière de la religion. Nous avons pu penser que ce projet allait être oublié lorsqu'Ennahdha s'est convertie en parti politique. Or il n'en est rien.
La dénomination exacte d'Ennahdha est «parti du mouvement Ennahdha». Or il faut faire la différence entre le parti politique et le mouvement (haraka) relevant d'une idéologie religieuse par excellence. Le chef du parti, Ghannouchi, a gardé les deux dimensions, cela a été conforté lors du dernier congrès de juillet 2012. Le mouvement a refusé de séparer la mission de prédication «daoua» de la pratique politique.
Aujourd'hui, l'assassinat politique est légitimé par certains prédicateurs, dont certains l'encouragent. Je ne suis pas sûr que cela ne se reproduise plus, tant qu'il y a ce mélange voulu entre religion et politique.
Si jamais la situation dans le pays arrive à dégénérer, pourquoi écartez-vous le scénario algérien pour privilégier la thèse de la somalisation?
En Algérie, l'Etat a été frappé de plein fouet, mais n'est pas tombé. Près de deux cent mille Algériens sont morts dans les années 90. Le pays a perdu des milliards, dépensés dans la guerre contre le terrorisme, mais l'Etat est resté sur pied. C'est ce qui a permis à la nation algérienne de continuer d'exister.
Alors qu'en Tunisie, nous n'avons ni les moyens matériels ni militaires de l'Algérie. Si le virus des éliminations physiques et de la violence se propage, les effets seront immédiats sur la pérennité de l'Etat. La violence ouvrirait la porte aux règlements de comptes. Ce serait le déclenchement d'une spirale impossible à arrêter. C'est le cas de la Somalie. Il faut savoir que ce pays est en proie aux luttes intestines entre des factions islamistes entre elles et non pas entre l'Etat et les islamistes. En Tunisie, le risque est grand que les nahdhaouis et les salafistes entrent en conflit ouvert. La déclaration d'Abou Yadh appelant à l'unité du mouvement islamique est un signe fort. Il faut donc soutenir le chef du gouvernement.
Combien de jihadistes tunisiens sont au Mali, en Syrie, et dans d'autres zones de conflits ?
On peut les estimer à cinq cents à l'étranger. En Tunisie, il y a des cellules dormantes qui peuvent être activées suite à la guerre du Mali. Les jihadistes qui étaient dans le Nord du Mali vont se disperser dans les pays africains et le Maghreb. On a vu dans l'opération de In Amenas que le tiers des terroristes étaient tunisiens. La classe politique doit savoir traiter ce dossier avec dextérité.
Il faut savoir que les médias internationaux parlent désormais de la Tunisie comme d'un réservoir de jihadistes. Pourquoi nous avons autant de jihadistes et pourquoi sont-ils passés de la théorie à la pratique ? Des opérations de lavage de cerveau à grande échelle sont menées, sans parler du ministère des Affaires religieuses qui ne joue pas son rôle. Il faut savoir que les Affaires religieuses est un ministère régalien, le nouveau gouvernement doit occuper cet espace. Au Maroc, lorsque le parti Justice et Développement a gagné, le roi du Maroc a cédé tous les ministères régaliens, sauf celui-là. Des centaines de milliers de citoyens pratiquants sont sous l'influence de ce département.
Il faut savoir également que les jihadistes tunisiens qui étaient en prison ont été relâchés sans que l'on sache si leurs idées ont évolué ou pas. Mais d'un autre côté, l'expérience a montré aussi que l'approche sécuritaire seule ne suffit pas. Les Américains ont ouvert un bureau pour négocier avec les talibans à Doha. En Tunisie, tant que leur nombre est sous contrôle, il faut procéder à une mise à niveau avec deux approches sécuritaires autres que celle de Ben Ali ; il faut garder l'œil sur la mouvance jihadiste, procéder à des investigations et les soumettre à des enquêtes en respectant toutes les dispositions juridiques. Ne l'oublions pas, ce sont des gens qui ont porté ou rêvent de porter des ceintures explosives et des roquettes sur le dos.
Il faut aussi ouvrir un dialogue auquel assistent des hommes de religion, des psychologues, des sociologiques. Il faut les aider à faire ce qu'on appelle les révisions internes de leurs idées. Ce programme a été appliqué en Algérie. L'Etat, après avoir engagé la guerre, a lancé le programme de la concorde nationale. Les jihadistes, grâce à ce programme, ont par exemple abandonné l'idée de lutter par les armes contre le gouvernement et la société. Ils ont été aidés également socialement, il faut savoir que 2001 à ce jour, les opérations terroristes et attentats-suicide en Algérie ont beaucoup baissé. Il est impératif que l'Etat récupère les mosquées dissidentes. Il faut traiter la question à la source.
Que vaut une affirmation comme celle avancée par certaines mouvances salafistes selon laquelle la Tunisie est une terre de prédication et non de combat ?
Je vous rappelle les affrontements ouverts, armés et violents qui ont eu lieu avec les cellules de l'Aqmi à Kasserine et Bir Ali Ben Khelifa. Ces jihadistes ne font pas de différence entre le jihad à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Mais malgré tout, le pays n'est pas encore entré dans le circuit du jihad. Abou Yadh a déclaré que 15 salafistes sont morts et qu'à ce jour, cette mouvance n'a pas réagi.
Mais que veut dire interdire le jihad en Tunisie et l'exporter à l'étranger ? De cette manière également on porte atteinte à la Tunisie et à son image. A ce rythme, jamais le pays ne retrouvera sa santé économique, sécuritaire et politique.
Quel est l'organigramme de la mouvance jihadiste tunisienne et quels sont ses liens avec l'étranger ?
Pour «Ansar Acharia», l'organigramme se développe autour de structures de l'information de la prédication, et le caritatif. Ils ont un programme politique comme celui présenté par Abou Yadh à Kairouan, ils ont même parlé d'un syndicat islamique, à l'effet de construire leur base, et profitent du climat politique instable. Ils ne veulent pas s'organiser en parti politique pour ne pas être sous les lumières. On ne peut pas faire de la politique sans avoir une étiquette.
Cela nous rappelle l'histoire de l'islamisme en Tunisie qui avait pour projet l'infiltration dans l'institution sécuritaire, l'islamisation de la société. Ce mouvement Ansar Echaria se trouve dans sept à huit pays, du Mali et de la Mauritanie au Yémen. Ils évoquent même un projet d'organisation internationale à l'instar de l'internationale des Frères musulmans. Il faut savoir que des salafistes reçoivent des cycles de formation à l'étranger. En Tunisie, nous avons dépassé la ligne verte et les clignotants sont à l'orange.
Y a-t-il réellement des caches d'armes et de camps d'entraînement ?
Les autorités ont reconnu l'existence de camps d'entrainement dans les régions isolées. Il faut savoir qu'après la chute du régime de Khadafi, près de huit cent mille pièces d'armes se sont évaporées en Libye. Une grande partie a été exportée au Mali et le reste a été disséminé dans les pays d'Afrique du Nord, Les armes découvertes à Médenine en sont un bel exemple.
Pour limiter les risques, il faut instaurer une profonde coordination avec les services de renseignements étrangers d'un côté et les services tunisiens de l'autre, douane, armée, gendarmerie et forces de l'ordre, et moderniser les structures sécuritaires. Il faut aussi des plans sociaux et économiques en direction des populations installées à proximité des frontières.
Pourquoi la Tunisie s'est-elle trouvée sous la menace jihadiste, est-ce le résultat d'incompétence ou amateurisme ?
Nous n'avions pas une politique religieuse en Tunisie, 8% des mosquées sont hors contrôle, il y a absence de débat national, et aussi incompétence du gouvernement au niveau de la stratégie sécuritaire avec les répercussions de la guerre en Libye.
Sur qui peut-on compter pour contrer la menace jihadiste, les forces de l'ordre, l'armée ?
Sur le plan pratique, les structures sécuritaires sont en partie en bonne santé, il y a des tiraillements, mais le plus gros, je pense, est préservé. Il est donc primordial d'assurer une stratégie de sécurité nationale, et d'asseoir la neutralité de l'administration. J'ai même espoir que le mouvement Ennahdha revoie ses décisions. Sinon, il sera le premier perdant.
Même après quelques moments de doute et de dérives, aucun mouvement radical n'a pu s'imposer. Je souhaite que le mouvement libéral au sein d'Ennahdha s'impose sur l'aile dure qui contrôle toutes les structures stratégiques pour le moment.


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