Pour célébrer ses 47 ans, la Télévision tunisienne a organisé, hier, un colloque international autour du thème «La télévision publique: les garants de l'indépendance et de la neutralité », une occasion pour cette institution de lancer le débat et de provoquer la réflexion afin de franchir de nouveaux pas dans la restructuration et la mise en place de nouveaux mécanismes de travail. En guise d'ouverture, la direction de la Télévision tunisienne a concocté un documentaire retraçant les différentes phases parcourues par cette vieille institution. Tant de chemin parcourus depuis la première image des premières speakerines annonçant l'avènement de «la boîte à image», un chemin semé de succès et de beaucoup d'embûches... Après le discours de bienvenue de la PDG de la Télévision tunisienne, Mme Imen Bahroun, qui a présenté à l'assemblée le livret de la politique éditoriale de l'établissement fraîchement conçu, Mongi Khadhraoui, secrétaire général du syndicat national des journalistes, a souligné, dans son intervention, la nécessaire réforme des médias pour devenir une fois pour toutes un service public, insistant sur son indépendance et sur son objectivité, soulevant par là même les nombreux problèmes dont souffre le secteur. Le chef du gouvernement provisoire, M. Ali Laârayedh, qui a officiellement annoncé l'ouverture du colloque, a insisté dans son discours sur l'indispensable collaboration des médias publics et même privés pour la réalisation de la transition démocratique, soulignant le fait que seule la démocratie est le garant de l'indépendance du service public. A cet effet, il affirme que les médias sont les partenaires de l'Etat dans son acheminement vers les prochaines élections. Et pour finir, il annonce l'autorisation du «bartering» (échange de programmes avec des espaces publicitaires ou troc) comme moyen d'aide et de financement des productions pour Ramadan 2013. Echange d'expériences La première séance du colloque présidé par professeur Arbi Chouikha a porté sur les expériences étrangères. Trois interventions d'experts européens sont venues éclairer nos premiers pas vers la réforme du secteur et de la télévision tunisienne saluant l'avènement, quoique tardif, de la Haute instance indépendance de la communication et de l'audiovisuel (Haica) en tant qu'institution régulatrice du PAT. Najla Amri, directrice régionale du bureau de la BBC au Caire et qui a suivi en tant qu'experte les différentes phases de la rédaction de la charte et de la politique éditoriale de la télévision tunisienne, a déclaré que ce document est un point de départ essentiel dans la construction d'une information post-révolution. Et que toute réforme commence par l'instauration d'une ligne éditoriale claire et précise pour tout service public, soulignant que ce dernier doit se distinguer inconditionnellement de toute autre institution privée ou partisane. La charte et la ligne éditoriale qui doit être impérativement signée par les employés du média en question font office d'un contrat de confiance entre l'institution et la société, et entre l'institution et les pouvoirs publics. Jérôme Cathala, directeur en charge de l'éditorial et du développement des magazines d'information de France télévisions, a partagé l'expérience française, insistant sur l'obligation d'avoir un cadre légal et même constitutionnel, soulevant le rôle essentiel du public-actionnaire (puisqu'il paye la redevance télé) dans la régulation du service public qui revendique une information indépendante, équilibrée et exhaustive. Il rejoint Benoît Moulin, directeur de l'information à la Rtbf (service public belge francophone)et représentant de l'Unesco, dans la nécessité de construire le cadre légal pour aboutir à des règles de fonctionnement, surtout avec les autres opérateurs médiatiques et qui aidera à instaurer le contrat de gestion qui précise la mission qu'on attend du service public. Car d'après lui, le vide juridique laisse la porte ouverte à tous les procès d'intention. Le contrat de gestion permet d'après lui de définir les objectifs de l'institution publique et par conséquent, ses besoins et sa stratégie. Lectures et analyses de la télévision tunisienne La deuxième séance, bousculée par le temps et le retard cumulé lors de l'ouverture, fut expéditive, les intervenants ont dû écourter leurs communications malgré leur importance et la pertinence de leurs analyses. Abdelkerim Hizaoui, directeur général du Capjc, a souligné que la réforme du secteur est une entreprise ambitieuse qui commence à porter ses fruits avec la création de la Haica et les prémices des nouvelles législations. Les tensions persistent toutefois entre le service public et les pouvoirs publics et que seul un cadre juridique clair et précis pourra dissiper. Maher Abderrahmane, homme de média, journaliste et expert de l'audiovisuel, a présenté une communication brillante sur les perspectives de réforme de la télévision tunisienne. Il n'a pas hésité à soulever les réels problèmes dont souffre la télévision tunisienne dont la crise de gouvernance, la relation tendue avec l'Etat, l'absence de plan d'action à long terme et de la coordination interne entre les services et entre les deux chaînes Watanya 1 et Watanya 2. Il a abordé aussi la corruption financière au sein de l'institution, la question du financement et de la gestion, appelant à la transparence et à la restructuration. Maher Abderrahmane a posé, par la même occasion, la question fondamentale : quelle est la ligne éditoriale post- révolution de ce service public ? Que demandons-nous de ce service public et quelles sont nos attentes ? La réponse à ces questions sera, d'après lui, le début d'une réelle restructuration une fois définis les besoins et les aspirations.